Quand le réel le plus cru s'invite sur scène
Cet été à Avignon, Carolina Bianchi créait son The Bride and the Goodnight Cinderella (A Noiva e o Boa Noite Cinderela en VO), premier volet d’une trilogie autour des violences faites aux femmes. Sur scène, dans la première partie du spectacle qui revient longuement, à la façon d’une conférence, sur ces violences, elle ingère la drogue du viol, dont elle a été victime voici quelques années. Durant la seconde partie, elle est inerte, manipulée par sa troupe de comédiens-danseurs du collectif Cara de Cavalo. Cette magistrale performance-théâtre, à la lisière du supportable, trash et coup de poing, déconseillée au moins de 18 ans, arrive au KVS les 21 et 22 septembre. Le trash et le réel se croisent de plus en plus sur nos scènes, un phénomène que Karel Vanhaesebrouck, professeur à l’ULB et spécialiste de la performance -qui n’a pas encore vu celle de Carolina Bianchi- met en perspective.
David Le Breton: “Il y a dans la représentation du sexe sur scène une approche symbolique de la mort et quelque chose de la déperdition de soi”
Au Théâtre National se joue actuellement Brefs entretiens avec des hommes hideux - 22 types de solitude. On pénètre le spectacle par la scène, et l’entrée d’un bungalow californien. Du hall, on voit, à deux pas de nous, un couple d’acteurs porno qui baisent. Réellement. On s’installe dans la salle, pour suivre une suite de scènes de solitudes masculines toxiques, tirées du roman éponyme de David Foster Wallace, magistralement mises en scène par Yana Ross. L’artiste aux origines lettone et juive, membre de l’équipe artistique de la Schauspielhaus de Zurich, déteste la notion de catharsis théâtrale et dit avoir frôlé l’excitation érotique en lisant ce texte: “David Foster Wallace écrit avec ses liquides, plus qu’avec les mots”. Mais le sexe sur scène, de quoi est-il témoin? Pour Ross, il est un révélateur sensible de la société postmoderne made in USA, couillue, perverse, capitaliste, violente, genrée, déshumanisée. Une façon d’éveiller le spectateur, aussi, comme le ferait un “Edward Hopper trash”. Interpellée par cette présence pornographique au plateau, nous avons interrogé l’anthropologue David Le Breton, spécialiste du corps.
Avignon : Lilith(s), identités plurielles, exceptionnelle singularité
Avignon, théâtre des Doms. En marge de la sélection classique -créations triées sur le volet de la saison passée en Belgique francophone, on y reviendra plus tard-, on peut assister depuis l'an dernier à la création "in situ". C'est la "Garden Party", soit quatre créations inédites, formes courtes de spectacles en travail, déjà joliment aboutis. On a assisté au bouleversant Lilith(s). Où il est question de genre, d'identité, de chemin et de beautés. En toutes simplicités osées. On a adoré.