Critique | Scènes

Mycelium de Christos Papadopoulos: voyage au pays des raves

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Le Ballet de l'Opéra de Lyon : Marie Albert, Jacqueline Bâby, Edi Blloshmi, Eleonora Campello, Katrien De Bakker, Abril Diaz, Jade Diouf, Alvaro Dule, Brendan Evans, Paul Grégoire, Jackson Haywood, Amanda Lana, Marco Merenda, Albert Nikolli, Leoannis Pupo-Guillen, Noëllie Riou, Anna Romanova, Raul Serrano Nuñez, Giacomo Todeschi, Kaine Ward, interprète Mycelium CHORÉGRAPHIE Christos Papadopoulos , ASSISTANT CHORÉGRAPHIQUE Georgios Kotsifakis , MUSIQUE Coti K. , LUMIÈRES Eliza Alexandropoulou , COSTUMES Angelos Mentis , Création 2023 - Ballet de l'Opéra de Lyon © Agathe Poupeney / Divergence-images.com - 07/09/2023 - Opéra national de Lyon - Lyon
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Titre - Mycelium

Mise en scène - de Christos Papadopoulos

Compagnie - Ballet de l’Opéra de Lyon

Date - Les 22 et 23/09

Lieu - au Théâtre de Liège.

Casting - Avec les danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon

Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Le chorégraphe grec Christos Papadopoulos créait au début du mois, à la Biennale de danse de Lyon, Mycelium, ondes dansées, pulsées, inspirées de la nature. Un hymne au collectif, un geste esthétique et radical. Sa traversée hallucinée sera chez nous ces 22 et 23 septembre.

C’est une performance, un pari osé que relève Christos Papadopoulos. Physique et philosophique. Faire tenir, une heure, danseurs et publics par des mouvements répétés, ondulés, micro-modifiés, inspirés des connexions souterraines des champignons. Danseurs magnétiquement animés de secousses fluides, regard tendu vers les spectateurs. Spectateurs en progressive transe visuelle. Lumière d’orfèvre, bande sonore organique.

© Agathe Poupeney / Divergence-images.com – 07/09/2023 – Opéra national de Lyon – Lyon

Chez Christos Papadopoulos, l’esthétique est rigueur. Nature, aussi: “Peut-être ma principale motivation à devenir un chorégraphe a-t-elle été de me rapprocher des mouvements de la nature.” Un travail sensible mais “vouloir à tout prix “sensibiliser” réduit l’imagination et les manières d’être sur scène. Les artistes n’ont pas à informer. Ils ont à être libres, et à faire confiance au fait que les problématiques qui traversent nos sociétés auront un écho sur scène.” D’où son obsession, ici, avec les danseurs de l’Opéra de Lyon, à “imaginer des conditions qui rendent aussi crucial pour les danseurs d’atteindre un tel degré de collaboration que ça ne l’est pour les oiseaux, les champignons et les arbres

Il y a donc le noir, sur scène. Puis un corps ondulant sort des coulisses, traverse la scène dans sa largeur, pieds mobiles fixés au sol, bras mouvants, regard fixe, vêtu d’un t-shirt et d’un pantalon souples, noirs. La musique -peut-être devrait-on dire le son, signé Costantino Luca Rolando Kiriakos, alias Coti K.- esquisse la force de la terre, ses roulements, rauques vagues sonores. Un souffle de vent s’invite, un deuxième corps aussi. Les mouvements se miment sans que les danseurs ne se regardent, visages tendus vers le public. Les corps se frôlent. Un troisième danseur, puis trois autres, puis des vagues de danseurs sortent de l’ombre des coulisses pour entrer dans celle du plateau, en ondoiements corporels à l’unisson alors que le son se déploie, tellurique, métallique. Le mouvement des corps se fait hypnotique. On ne cherche plus à réfléchir, visuellement emporté. Les pieds vrillés au sol sont invisibles -le travail tout en délicatesse sublime sur la lumière d’Eliza Aexandropoulou est incroyable tout au long du spectacle. Les vingt danseurs, performeurs de la fluidité, ne peuvent compter que sur la perception de l’autre pour créer l’impression d’unité chez le spectateur : il s’agit “davantage de “comment être ensemble” que de “devoir être ensemble””.

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L’orage gronde au loin, ils se resserrent en cœur choral, glissements plus rapides, tension palpable. C’est clinique: on attend la délivrance de la pluie, de l’aube, de l’émotion. Les sons s’amplifient, s’électrisent. Le jeu des ombres souligne la singularité des corps, des identités qu’on pensait jusqu’alors unité. Le noyau des corps s’émiette. Mais quand les corps sont seuls, leur fragilité est presque maladroite. C’est réunis qu’ils sont d’une fluidité explosive. Une respiration, ténue, se fait entendre, enfle, le sol tremble. Ou est-ce nos sens? Les corps se font immense vague. Son remous amplifie celui de la bande son. C’est vivant, enfin! L’émotion affleure cette mer qui s’apaise. Notre cœur se soulève à la vue des roulis. Doucement la lumière s’évanouit, corps et sons aussi. Noir. La salle, d’un cœur, se lève et applaudit. L’émotion n’était pas acteur principal ici. L’essentielle nécessité de la nature qui vit, si. Le pari est réussi.

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