Une décennie Magritte: regard rétrospectif et enjeux

Organisée comme chaque année par l'Académie Delvaux, la cérémonie sera cette fois présidée par le comédien belge Pascal Duquenne (Le Huitième Jour). © Reporters
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

La 10e cérémonie des Magritte du cinéma, les prix du cinéma belge francophone, se déroulera ce samedi 1er février.

Organisés depuis 2011 par l’Académie André Delvaux – du nom de l’un des plus grands réalisateurs de l’histoire du septième art en Belgique, auteur notamment de L’Homme au crâne rasé -, les Magritte du cinéma récompensent chaque année les films et les professionnels du cinéma belge francophone. Une façon aussi de promouvoir la richesse de la production auprès du public, et de contribuer à son rayonnement, national et international, en quelque cercle vertueux. Objectifs largement rencontrés, si l’on considère que quelque 115 films différents ont été primés depuis leur création, le taux de notoriété de l’événement parmi le public cible étant de l’ordre de 80%, tandis que la cérémonie était suivie, l’an dernier, par 170.000 spectateurs sur les antennes de la RTBF. Et si le succès dans les salles tend, d’une façon générale, à se faire quelque peu désirer, la réputation internationale du cinéma belge n’est, pour sa part, plus à rappeler: démonstration encore à Cannes en mai dernier, d’où Le Jeune Ahmed, des frères Dardenne, repartait avec le prix de la Mise en scène, Nuestras Madres, de César Diaz remportant pour sa part la prestigieuse Caméra d’or récompensant le meilleur premier film. Deux titres qui comptent, logiquement, parmi les favoris de cette dixième édition.

Le taux de notoriété de l’événement parmi le public cible est de 80%.

A l’image d’une cinématographie multiple

Une décennie de Magritte, c’est aussi l’occasion de porter un regard rétrospectif sur un événement inscrit au carrefour de deux générations: celle qui s’est employée, à compter de l’orée des années 1990, à inscrire la production francophone belge dans le paysage cinématographique mondial, et une relève s’étant épanouie avec le temps. Une dynamique que traduit éloquemment le palmarès de la manifestation, défloré en 2011 par Mr. Nobody, de Jaco Van Dormael – un cinéaste dont Toto le héros fut, en 1991 (au même titre que C’est arrivé près de chez vous, du trio Belvaux-Bonzel-Poelvoorde, un an plus tard), l’un des déclencheurs de la success story du cinéma belge -, et conclu, provisoirement s’entend, sur Nos batailles, de Guillaume Senez, l’un des fers de lance de la nouvelle génération, couronné en 2019.

Jaco Van Dormael et Benoît Poelvoorde, parmi les inamovibles des Magritte.
Jaco Van Dormael et Benoît Poelvoorde, parmi les inamovibles des Magritte.© NICOLAS MAETERLINCK/belgaimage

Entre-temps, la fête annuelle du cinéma aura salué, à des titres divers et à de multiples reprises parfois, les Bouli Lanners (Les Géants, Les Premiers, les Derniers), Joachim Lafosse (A perdre la raison), Stéphane Aubier et Vincent Patar (Ernest et Célestine), Jean-Pierre et Luc Dardenne (Deux jours, une nuit), Jaco Van Dormael à nouveau (Le Tout Nouveau Testament) et Philippe Van Leeuw (InSyriated). Mais aussi Lucas Belvaux, Patrick Ridremont, Valéry Rosier ou autre Méryl Fortunat-Rossi, avec, en outre, une ouverture vers le cinéma du nord du pays (lequel a, de son côté, ses Ensor), Rundskop, de Michaël Roskam, ou Girl, de Lukas Dhont, remportant chacun leur lot de trophées.

Tendance(s) que l’on retrouve, et pour s’en tenir aux catégories les plus médiatiques, parmi les comédiens, avec un palmarès aux allures de best of de la profession, un côté redondant plus marqué en sus, le vivier local, francophone par surcroît, n’étant pas extensible à loisir. Certains figurent ainsi parmi les appelé(e)s année après année, sans qu’il y ait là, du reste, la moindre garantie de succès – le plus tricard restant François Damiens, toujours reparti bredouille malgré huit nominations (sans même parler de celles de meilleur film et meilleur premier film pour Mon ket). A l’autre bout du spectre, Lubna Azabal et Emilie Dequenne mènent la danse chez les femmes avec trois Magritte, devant Anne Coesens, Lucie Debay, Virginie Efira, Pauline Etienne et Catherine Salée, deux trophées chacune. Tandis qu’ils sont quatre, côté masculin, à avoir été récompensés deux fois, à savoir Laurent Capelluto, David Murgia, Benoît Poelvoorde, et Jérémie Renier. Soit un paysage contrasté, à l’image d’une cinématographie dont l’on se plaît à dire qu’elle n’est pas une mais multiple.

Avec dix nominations, Duelles domine la sélection 2020.
Avec dix nominations, Duelles domine la sélection 2020.© DR

Duelles au sommet

Ce que traduit, du reste, limpidement la sélection 2020, dominée par l’impeccable Duelles, d’Olivier Masset-Depasse, l’auteur d’Illégal s’aventurant là dans le domaine du thriller hitchcockien, dix nominations à la clé. De quoi devancer d’une longueur Le Jeune Ahmed, et de quelques coudées Nuestras Madres, mais aussi Lola vers la mer, de Laurent Micheli. Ces quatre films squattent les catégories meilleur scénario, meilleur réalisateur et meilleur film, rejoints pour cette dernière par Seule à mon mariage, de Marta Bergman. Soit un panachage de valeurs établies et de nouveaux venus, suivant une configuration désormais éprouvée, le réalisateur de Cages et les Dardenne brothers partant logiquement favoris. Encore que, les surprises ne soient pas à exclure – rares sans doute étaient ceux à avoir pronostiqué le carton plein effectué, en 2018, par l’excellent InSyriated, le film de Philippe Van Leeuw ayant eu affaire à forte concurrence. Et que les Magritte ont parfois leurs raisons que la raison cinématographique ignore: on en veut pour preuve que Continuer, de Joachim Lafosse, certes pas son meilleur opus mais quand même, n’est pas été gratifié de la moindre nomination, pas même pour Virginie Efira, pourtant irréprochable, cette dernière étant d’ailleurs doublement snobée, puisque sa prestation, brillante, dans Sibyl, de Justine Triet, n’a pas plus trouvé grâce aux yeux de l’Académie.

Le carré de comédiennes concourant au titre de meilleure actrice est néanmoins composé d’habituées, à savoir Lubna Azabal dans la comédie Tel-Aviv on Fire, Veerle Baetens et Anne Coesens en duettistes de Duelles, et Cécile de France dans Un monde plus grand. Tandis que côté acteurs, les inamovibles Bouli Lanners (C’est ça l’amour), Benoît Poelvoorde (Le Grand Bain) et Mark Zinga (La Miséricorde de la jungle), tous déjà titulaires de l’un ou l’autre Magritte, sont rejoints par Kevin Janssens (pour De Patrick, le film flamand totalisant cinq nominations dont… Bouli Lanners, pour le meilleur second rôle cette fois). Verdict le 1er février, le comédien Pascal Duquenne officiant comme président et l’humoriste Kody comme maître d’une cérémonie qui verra Monica Bellucci récompensée par le Magritte d’honneur…

Direct sur La Deux, le 1er février à 20 heures. Retransmission live précédée de l’avant-première de Filles de joie, de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich, dans quatre cinémas de Bruxelles et de Wallonie. www.cinevox.be

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