Claro: “L'écrivain, c'est juste un parasite toléré”
Fatigué de cette réussite entrepreneuriale qu'on serait tous censés viser? Et si, comme Christophe Claro (Claro, quoi), on se vautrait plutôt dans l'échec? L'auteur, traducteur, poète, directeur éditorial et désormais essayiste français se fend d'un texte réjouissant. À travers les exemples de Kafka, Pessoa ou Cocteau, il montre que même les plus grands échouent encore et encore -"mieux", surtout, comme le clamait Beckett. Il y discerne l'échec technique et les tentatives répétées de l'écrivain, devenu "Le Cousteau de ses fantasmes", du sentiment d'échec qui le traverse entre deux textes.
Olivia Gazalé, philosophe: “Oui, on peut rire de tout, pourvu que ce soit avec humour”
Le rire est partout aujourd’hui, plus qu’hier: plus la moindre émission ou débat politique sans son humoriste de service et sa chronique censément drôle. Le stand-up est au sommet de sa gloire. Les réseaux sociaux bourrent leurs algorithmes de gags, de chutes et d’extraits de spectacles (de stand-up). Tout le monde rit de tout, et pourtant, l’air est connu: on ne peut plus rire de rien! Ce n’est là qu’un des paradoxes, très contemporains, qui entourent le rire, ce réflexe encore largement mystérieux, entre manifestation émotionnelle, construction sociale et antidépresseur naturel. Un phénomène sur lequel la philosophie s’était jusqu’ici peu voire pas penchée. D’où l’intérêt et tout le piquant de ce Paradoxe du rire écrit par Olivia Gazalé, déjà autrice il y a six ans d’un Mythe de la virilité qui fit date. Elle fait le point sur les formes que prennent le(s) rire(s) aujourd’hui.
Ivan Jablonka: “La littérature-vérité répond à une demande sociale autant que littéraire”
Comment classifier, définir, situer les nombreux récits qui fleurissent aujourd’hui sur les tables des libraires, séduisant le public aussi bien que la critique, mais qui ne relèvent ni de la littérature de fiction, ni de la littérature savante? Pour Ivan Jablonka, écrivain, éditeur, et professeur d’Histoire à l’Université Sorbonne Paris Nord, ces textes sont autant d’écrits du réel, qui appartiennent à ce qu’il nomme le “troisième continent”, celui de la littérature-vérité, sujet qu’il aborde dans un recueil d’articles et d’entretiens qui vient de sortir. Un territoire qu’il connaît bien pour l’avoir souvent exploré -notamment dans Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus, Laëtitia ou la Fin des hommes, ou le récent Goldman, où il revient sur ce que la figure du chanteur représente de l’esprit de la France des années 80 et 90. Il voit dans cet axe de la littérature, où s’inscrivent aussi bien Primo Levi que Georges Perec, Annie Ernaux, Emmanuel Carrère ou, récemment, les livres de Neige Sinno, Vanessa Springora ou Camille Kouchner, “des écrits qui disent la vérité et changent le monde”, “capables de secouer le réel”.
Dark Vador, Annie Wilkes, Hannibal Lecter et le Joker sur le divan: mais pourquoi sont-ils aussi méchants ?
Mais pourquoi sont-ils aussi méchants? De Dark Vador à Annie Wilkes en passant par Hannibal Lecter ou le T-1000 de Terminator, le psychologue clinicien Jérémie Gallen, animateur de la chaîne YouTube Va te faire suivre et par ailleurs grand fan de cinéma, s’est amusé à inviter les plus célèbres vilains à ses consultations. Car, de mieux en mieux écrits, de moins en moins binaires, les méchants sont, dit-il, “bien plus intéressants que les héros”. “Là, le vilain devient un individu à qui on peut s’identifier, que l’on pourrait presque comprendre et, surtout, qui nous rappelle nos propres pulsions avant que nous ne les réfrénions”, écrit-il dans son dernier livre La Psychologie des méchants.
Du monstre cruel au mammifère à protéger: Michel Pastoureau explique comment notre image de la baleine a changé
Connu pour ses ouvrages consacrés aux couleurs (à ce jour, Bleu, Noir, Vert, Rouge, Jaune, Blanc), l’historien français Michel Pastoureau s’est également fait une spécialité de passer en revue les animaux les plus fameux de nos bestiaires. Après le cochon, le loup ou le corbeau, et avant l’âne, il s’est intéressé à la baleine. Depuis que les êtres humains se racontent des histoires, le plus gros des mammifères a d’abord largement effrayé -capable notamment de rester immobile et de se faire passer pour une île afin de piéger les marins- avant de devenir, assez récemment, beaucoup plus sympathique. “Peu de gens ont vu une baleine vivante. Or ne pas voir favorise l’imaginaire, les superstitions, les fantasmes, les rêves. Ça fait complètement partie de l’Histoire culturelle de la baleine.”