"L’impression à la demande est une technologie éprouvée"
Le marché éditorial entraîne du gaspillage, énormément de livres, invendus, étant finalement condamnés au pilon, tout en rapportant de l’argent aux géants de l’édition qui détiennent tous les maillons de la chaîne (édition, diffusion, distribution, destruction). Les victimes: les auteurs qui peinent à exister entre les best-sellers et la littérature de niche. Sur base de ces constats sombres, sur l’économie et l’écologie du monde du livre, de son écriture à sa destruction, l’auteur belge Vincent Engel a créé voici quelques mois la maison d’édition Edern. Ce nouveau label entend accompagner de manière professionnelle les auteurs et autrices dans leur parcours éditorial et commercial et propose l’impression à la demande de ses publications. Résultat escompté: moins de frais perdus en impression, moins de papier gaspillé et une liberté éditoriale retrouvée. Une idée qui semble originale mais qui n’est pas si simple, analyse Tanguy Habrand (ULiège), spécialiste du monde de l’édition.
Claro: “L'écrivain, c'est juste un parasite toléré”
Fatigué de cette réussite entrepreneuriale qu'on serait tous censés viser? Et si, comme Christophe Claro (Claro, quoi), on se vautrait plutôt dans l'échec? L'auteur, traducteur, poète, directeur éditorial et désormais essayiste français se fend d'un texte réjouissant. À travers les exemples de Kafka, Pessoa ou Cocteau, il montre que même les plus grands échouent encore et encore -"mieux", surtout, comme le clamait Beckett. Il y discerne l'échec technique et les tentatives répétées de l'écrivain, devenu "Le Cousteau de ses fantasmes", du sentiment d'échec qui le traverse entre deux textes.
Olivia Gazalé, philosophe: “Oui, on peut rire de tout, pourvu que ce soit avec humour”
Le rire est partout aujourd’hui, plus qu’hier: plus la moindre émission ou débat politique sans son humoriste de service et sa chronique censément drôle. Le stand-up est au sommet de sa gloire. Les réseaux sociaux bourrent leurs algorithmes de gags, de chutes et d’extraits de spectacles (de stand-up). Tout le monde rit de tout, et pourtant, l’air est connu: on ne peut plus rire de rien! Ce n’est là qu’un des paradoxes, très contemporains, qui entourent le rire, ce réflexe encore largement mystérieux, entre manifestation émotionnelle, construction sociale et antidépresseur naturel. Un phénomène sur lequel la philosophie s’était jusqu’ici peu voire pas penchée. D’où l’intérêt et tout le piquant de ce Paradoxe du rire écrit par Olivia Gazalé, déjà autrice il y a six ans d’un Mythe de la virilité qui fit date. Elle fait le point sur les formes que prennent le(s) rire(s) aujourd’hui.
Ivan Jablonka: “La littérature-vérité répond à une demande sociale autant que littéraire”
Comment classifier, définir, situer les nombreux récits qui fleurissent aujourd’hui sur les tables des libraires, séduisant le public aussi bien que la critique, mais qui ne relèvent ni de la littérature de fiction, ni de la littérature savante? Pour Ivan Jablonka, écrivain, éditeur, et professeur d’Histoire à l’Université Sorbonne Paris Nord, ces textes sont autant d’écrits du réel, qui appartiennent à ce qu’il nomme le “troisième continent”, celui de la littérature-vérité, sujet qu’il aborde dans un recueil d’articles et d’entretiens qui vient de sortir. Un territoire qu’il connaît bien pour l’avoir souvent exploré -notamment dans Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus, Laëtitia ou la Fin des hommes, ou le récent Goldman, où il revient sur ce que la figure du chanteur représente de l’esprit de la France des années 80 et 90. Il voit dans cet axe de la littérature, où s’inscrivent aussi bien Primo Levi que Georges Perec, Annie Ernaux, Emmanuel Carrère ou, récemment, les livres de Neige Sinno, Vanessa Springora ou Camille Kouchner, “des écrits qui disent la vérité et changent le monde”, “capables de secouer le réel”.