La crise des opioïdes envahit la fiction

Painkiller
Anne-Lise Remacle Journaliste

D’enquêtes journalistiques sur Purdue Pharma ou Insys Therapeutics aux séries ou films qui s’en sont inspirés (sur Netflix ou Hulu), la crise des opioïdes s’est distillée partout.

Dès le début de la série Dopesick, la messe est dite: “On ne court pas après un marché, on le crée”, assène en 1986 Arthur Sackler (Kenneth Tigar) à son frère Mortimer (Walter Bobbie) alors même que leur neveu Richard (Michael Stuhlbarg), solennel, tente d’imposer un médicament -mis sur le marché en 1996 sous le nom d’OxyContin– pour sortir la famille de l’impasse. Du marketeur et collectionneur d’art à son descendant prêt à tout, l’Amérique s’est fait vampiriser par une lignée de super-vilains, après tours de passe-passe langagiers et complicité de la FDA, l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments. Pas étonnant que Mike Flanagan ait choisi pour La Chute de la maison Usher (série gothico-gore relisant librement les œuvres d’Edgar Allan Poe en 2023 sur Netflix) de faire de sa famille fictionnelle un empire pharmaceutique mortellement consumé par l’hubris. Ou qu’une photographe et activiste (Nan Goldin, touchée par l’addiction aux opioïdes) ait voulu créer le collectif Prescription Addiction Intervention Now (P.A.I.N.) pour manifester auprès des institutions mondiales encore estampillées du nom des Sackler (philanthropes pas nets), afin qu’ils retirent ce patronyme entaché de tant de deuils. Ce combat a été exposé dans le très poignant All the Beauty and the Bloodshed de Laura Poitras (2022).

Dopesick
Dopesick © National

Travail de terrain

Dans ce film figurait aussi Patrick Radden Keefe, journaliste et auteur de L’Empire de la douleur (Belfond, 2022), enquête fouillée sur la face cachée de la dynastie des Sackler, en continuité d’un premier article pour le New Yorker en 2017. Son livre est une des sources de Painkiller (de Noah Harpster et Micah Fitzerman-Blue, Netflix, 2023). Frontale, la série joue des dialogues post-mortem entre Arthur (Clark Gregg) et Richard Sackler (Matthew Broderick, flippant) au sujet de leur blockbuster mais c’est Edie Flowers (Uzo Adoba, qui ne lâche rien) -enquêtrice fictive, mélange de plusieurs personnes avérées- qui sert de fil rouge aux épisodes.

All the Beauty and the Bloodshed
All the Beauty and the Bloodshed © National

Le reportage de Beth Macy (Dopesick: Dealers, Doctors and The Drug Company that Addicted America 2019) a été la matière utilisée par Danny Strong pour créer la minisérie du même nom sur Hulu en 2021 et disponible sur Disney+. Entrelaçant les narrations, Dopesick, sombre et sobre, met aussi l’accent sur ceux qui avaient à cœur d’amener Purdue Pharma au tribunal: les avocats Rick Mountcastle (Peter Sarsgaard) et Randy Ramseyer (John Hoogenakker), mais aussi Bridget Meyer (Rosario Dawson), policière vacillante.

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Pain Hustlers, (de David Yates, disponible sur Netflix, 2023), film plus bling-bling et plus fictionnalisé, se base sur un article long format d’Evan Hughes pour le New York Times Magazine en 2018. Si cette fois les Sackler ne sont pas sur le gril, la start-up dépeinte (Insys Therapeutics) trempe dans les mêmes méthodes frauduleuses. Liza Drake (Emily Blunt), représentante vite montée en grade, est prête à toute pour qu’un médecin prescrive leur drogue soi-disant miracle -l’opération de sa fille en dépend.

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