Critique | Cinéma

[le film de la semaine] The Northman, de Robert Eggers: remarquable

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Un projet gonflé et une réussite à la hauteur de ses ambitions: Robert Eggers n’a nullement sacrifié l’essence de son cinéma et signeun film aussi intense que visuellement impressionnant.

Deux longs métrages, The Witch en 2015 puis The Lighthouse en 2019, ont imposé Robert Eggers comme l’un des auteurs les plus singuliers de sa génération, le tenant d’un cinéma sensoriel sondant le passé en mêlant éléments fantastiques et réalistes, en un tout immersif aspirant irrésistiblement le spectateur. Il n’en va pas autrement aujourd’hui de The Northman, son film le plus imposant à ce jour, un budget considérable et un casting de stars n’ayant pas fait dériver le réalisateur américain de sa ligne esthétique. Eggers s’y empare des mythes nordiques pour, avec le concours de l’écrivain islandais Sjón, livrer ce qui ressemble au film de Vikings définitif -bien loin, en tout état de cause, des visions plus ou moins folkloriques véhiculées par The Vikings de Richard Fleischer, et autres Long Ships de Jack Cardiff, sans même parler des multiples déclinaisons de Thor.

Située au Xe siècle, l’action débute alors que, à peine rentré de la guerre, le roi Aurvandil (Ethan Hawke) est sauvagement assassiné par son frère Fjölnir (Claes Bang), ce dernier enlevant la reine Gudrun (Nicole Kidman), alors que le jeune prince Amleth (Oscar Novak), donné pour mort, réussit à s’enfuir, jurant de venger son père et de sauver sa mère. Vingt ans de sauvagerie plus tard, c’est dans la peau d’un Viking ivre de vengeance (et sous les traits d’Alexander Skarsgård) qu’il débarque en Islande, infiltrant la ferme de Fjölnir avec l’intention d’accomplir son sombre dessein. Pour lequel il va trouver en Olga (Anya Taylor-Joy), une esclave slave, une précieuse alliée…

Nicole Kidman en reine Gudrun.
Nicole Kidman en reine Gudrun.

L’expérience viking de l’intérieur

De Hamlet au Roi lion, on ne compte plus les récits de vengeance familiale inspirés, plus ou moins lointainement, de la légende d’Amleth. Robert Eggers en propose pour sa part une lecture viscérale, s’appuyant sur une reconstitution maniaque, mais aussi des paysages sonore et visuel ensorcelants, pour tenter une immersion en terre viking, un monde dont il ne restitue pas seulement la brutalité et la violence crue, mais aussi la beauté et les croyances profondes. Soit quelque chose comme l’expérience viking vécue de l’intérieur, mythes, éléments surnaturels et quotidien confondus -un procédé déjà à l’oeuvre dans The Witch-, le film réussissant, par-delà une grandiloquence ponctuelle totalement assumée (culminant dans un final rien moins que soufflant), et autres scènes d’action hautement spectaculaires, à maintenir un cap réaliste. Pour un résultat stupéfiant, le recours systématique aux plans-séquences ayant le don de happer le spectateur dans un tourbillon narratif, tandis que l’abandon total d’Alexander Skarsgård (qui domine une distribution quatre étoiles où l’on croise encore Willem Dafoe, mais aussi Björk pour son retour au cinéma plus de 20 ans après Dancer in the Dark) à son rôle achève de donner à la geste d’Amleth un tour proprement envoûtant. Si le projet était objectivement gonflé, la réussite est à la hauteur de ses ambitions: quittant le giron indépendant, Robert Eggers n’y a nullement sacrifié l’essence de son cinéma et signe avec The Northman, un film aussi intense que visuellement impressionnant. En un mot comme en cent, remarquable.

Drame historique/film d’action. De Robert Eggers. Avec Alexander Skarsgård, Anya Taylor-Joy, Claes Bang. 2h16. Sortie: 20/04. ****

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