Quand les séries font des hors-la-loi des héros

Tom Blyth incarne Billy The Kid pour une série Epix toujours inédite chez nous.
Nicolas Bogaerts Journaliste

Quand les super-héros se perdent dans les multivers et les galaxies lointaines, d’autres personnages de séries défient les normes et les injustices. Une nouvelle génération héroïque s’empare des écrans.

Plus par nécessité que par vocation, de nouveaux personnages bataillent avec des problématiques en phase avec notre époque pétrie d’inégalités sociales, serrée dans l’étau menaçant des guerres, de la haine ou de l’immobilisme environnemental. Les séries qui les mettent en scène hors du cadre de la loi nous signifient que s’en est fini d’aller chercher le salut auprès de figures mythologiques ou archétypales. 
L’entame d’un retour sur Terre?

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La mystérieuse guerrière de Machine défend ouvertement les luttes ouvrières, déglingue les fachos et montre comment les amitiés atypiques créent les possibilités d’émancipation collective. Renegade Nell joue dans l’Angleterre du XVIIIe siècle le sexisme et les luttes de classe du XXIe. Pour l’actrice Louisa Harland, qui incarne Nell Jackson, « ce qui en fait une héroïne, c’est la nécessité. Jamais elle n’imagine que ses actes la rangent dans cette catégorie. » Même tonalité dans la façon de revisiter Billy The Kid, tueur garnement et psychopathe gonflé par la légende. Pour le créateur Michael Hirst (The Tudors, Vikings), « Billy est une figure absolument moderne. Il est plein de contradictions et d’éthique, mais les circonstances particulièrement dures de l’époque l’ont progressivement poussé en dehors des limites de la loi. » Plus proche de nous, Chameleon, pépite d’humour produite par la plateforme flamande Streamz, emprunte les codes des héros des jeux d’arcade pour raconter comment des amis issus de la deuxième génération d’immigrés, 
survivent aux clichés, combattent le racisme et déjouent leurs propres gaffes.

Arborant des marginalités en désobéissance civile, ces séries questionnent le discours du retour à l’ordre et à l’autorité. Pour forger d’autres espérances et mettre en scène les sursauts de dignité. ●

Billy The Kid (Tom Blyth) – Epix, 2022 (inédit en Belgique)

Replacé dans l’histoire de l’immigration états-unienne, loin des clichés du western auxquels il est copieusement rattaché, le Billy the Kid de Michael Hirst retrouve couleurs et nuances. Il est incroyablement attachant, fragile, guidé par un code moral -sa sensibilité au sort des plus faibles et des laissés-pour-compte de la conquête de l’Ouest- l’envoie régulièrement se frotter ou se fracasser sur les représentants de l’oppression raciste, sexiste et de l’ordre imposé par les plus forts. Son éthique est scandée 
par ces mots justifiant ses actes funestes: « It matters to me » (« pour moi c’est important »).

Andor (Diego Luna) – Disney+, 2022

Issu d’une galaxie lointaine il y a fort longtemps, Andor est une exception de ces nouvelles figures héroïques, mais il en partage les enjeux. Sombre, bourré de contradictions et de violence pas toujours rentrée, Andor a été un tueur cynique, apolitique, avant de devenir révolutionnaire. Questionnant au passage les plaies béantes de son passé, ce voleur glisse irrésistiblement du bon côté de la Force et intègre la Rébellion face à l’Empire. Au surplus, son héroïsme de rédemption n’a pas sauvé que la Galaxie: il a sorti, le temps d’une saison, les séries dérivées Star Wars de leur marasme.

Nell Jackson (Louisa Harland)
dans Renegade NellDisney+, 2024

Aidée par son propre Gemini Cricket, Billy Blind, qui lui confère des forces surnaturelles, Nell met en déroute quantité de forces du 
mal: la caste des puissants et des possédants, garants de l’injustice sociale, et les démons ancestraux qu’ils convoquent pour maintenir leur domination. En écrivant ce personnage 
qui plonge dans ­l’héroïsme de cape et d’épée, 
Sally Wainwright prolonge et sublime les préoccupations qui habitent ses précédents personnages: comment du sentiment d’impuissance le plus trivial générer une force et une dignité collective pour ­triompher des injustices et des inégalités?

Machine (Margot Bancilhon) – Arte, 2024

Pour la série créée par Fred Grivois (L’Intervention), 
Machine est une sorte d’équivalent du « héros sans nom » de Clint Eastwood dans la trilogie 
de Sergio Leone. Figure anti-héroïque au passé mystérieux, poursuivie par les services de l’État, elle passe « du combat solitaire à la lutte solidaire« , pour reprendre les termes du réalisateur. Sa maîtrise du kung-fu face aux nervis lancés par le patron d’une usine quasi délocalisée renvoie à l’histoire d’un art martial conçu par les plus démunis pour se défendre des exactions seigneuriales. Elle est le glaive vengeur et le bras séculier d’une classe ouvrière qui retrouve sa noblesse.

Lucy Mc Lean (Ella Purnell) dans FalloutPrime Video, 2024

Dans l’adaptation du jeu vidéo emblématique, Lucy, rescapée du massacre de l’Abri 33, s’aventure hors de celui-ci et quitte les codes qui y régissent la vie commune pour tenter de retrouver son père et l’arracher des griffes de Lee Moldaver. En chemin, elle croisera la Goule et surtout Maximus, deux renégats à leur façon. Mais surtout sa quête, jalonnée de trahisons, de duperies et de confrontations, révèlera en elle une autre dimension que celle de la « bonne fille » qu’elle fut jadis. À mesure qu’elle réalise la part funeste qui a nourri ses privilèges, elle défie ceux-ci pour retrouver la certitude d’une humanité douée de bonté.

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