Paradise City, Dancing in the light

Danser en plein jour au château de Ribaucourt. © BELGA IMAGE
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Avec le Paradise City s’ouvre la saison des festivals électroniques. En open air et, en bonne partie, en journée. Loin du club, comment danse-t-on sous les sunlights? Décryptage.

Perk. A cinq minutes de Bruxelles, le village est l’un de ces coins délicieusement champêtres de la «Groene Rand». Il a même son château: celui de Ribaucourt, avec ses larges douves, son parc, etc. C’est là que le Paradise City a démarré son histoire en 2015. Depuis lors, le festival électronique est devenu un incontournable. Planté au tout début de l’été, il inaugure en quelque sorte la saison des festivals de musiques électroniques. Du moins ceux en extérieur.

Depuis au moins vingt ans, la tendance n’ a jamais faibli. Les grands rassemblements électroniques se multiplient, de Tomorrowland à WeCanDance en passant par XRDS, organisé par le Fuse. Et ils n’attendent plus que le soleil soit couché pour faire tourner la boule à facettes. Au Paradise City, par exemple, les platines tourneront dès midi. Ce qui implique forcément certains aménagements. Comment danse-t-on en plein jour, loin des lights du club? «On en tient évidemment compte, explique Gilles De Decker, l’un des instigateurs du Paradise City. Par exemple dans le stage design, en maintenant des scènes relativement petites et intimes. C’est plus facile d’y créer la connexion entre l’artiste et le public. On fait aussi attention à créer du «relief», en intégrant des podiums ou des gradins. C’est bête mais quand la piste est plate, vous voyez juste la nuque du voisin. En installant des différences de niveau, on change les perspectives, le contact visuel est plus facile.»

L’idée est que durant la golden hour, avec le château en toile de fond, on obtienne « naturellement » une sorte de « son et lumière ».

Programmé en plein après-midi, un DJ set se passera forcément d’un gros light-show. C’est davantage avec la lumière du jour qu’il va falloir jongler. «De manière très concrète, continue Gilles De Decker, on a installé l’une des scènes à un endroit stratégique, pour qu’elle s’aligne parfaitement sur le coucher du soleil. L’idée est que durant la golden hour, avec le château en toile de fond, on obtienne « naturellement » une sorte de ‘son et lumière’.» En l’occurrence, jouer avec les éléments est quelque chose qu’adore faire Azo. «La couleur du ciel, la lumière du soleil, etc. Ce sont clairement des choses que j’intègre dans mon mix.» Avant de se rendre au festival de Dour, la DJ et productrice sera présente au Paradise City. Sur le planning du vendredi, elle doit démarrer son set à 17 heures. Le genre d’horaire et de cadre qu’elle apprécie? «Tout à fait. J’aime beaucoup jouer en club, mais un DJ set en extérieur, sous le soleil, reste malgré tout ce que je préfère. Cela donne un autre sentiment de liberté. L’autre jour, j’ai joué pour la Fête de la musique à Paris, au parc de la Villette, en fin d’après-midi, et c’était super. Cela m’a rappelé un peu mes premières teufs, où tout était très spontané. J’ai grandi dans des soirées alternatives, qui se déroulaient en extérieur. La culture rave, c’est aussi ça.»

BELGA PHOTO MAARTEN WEYNANTS

Un terrain de jeu plus ouvert

De fait, on a toujours dansé au grand air: des plages d’Ibiza à la Techno Parade en passant par les free parties s’improvisant au milieu des champs. C’est évidemment aussi une question de météo. Si la déclinaison bruxelloise des Nuits sonores, prévue en octobre prochain, se déroulera à l’intérieur, son édition lyonnaise, organisée au printemps, prévoit des activités diurnes. Vincent Carry, l’un de ses fondateurs: «Cela peut paraître paradoxal pour un festival qui s’appelle Nuits sonores, mais on a très vite abordé la question du jour. Dès la troisième année, en 2005, on lançait une programmation de fin d’après-midi à la piscine du Rhône. L’année d’après, c’est Laurent Garnier qui a reçu carte blanche pour un all day long. Depuis, on a toujours inclus une programmation de jour.» C’est une tendance qui s’est confirmée et même amplifiée. La piste de danse s’ouvre de plus en plus tôt. «Il y a un aspect générationnel, glisse encore Vincent Carry. Parce qu’ils ont parfois des enfants, un boulot prenant, etc., on retrouvera davantage de trentenaires, quadras, sur l’ affiche diurne, là où les plus jeunes prolongeront jusque tard dans la nuit.»

Reste la question à 1 euro: joue-t-on la même chose en journée que le soir? Azo: «C’est vrai qu’on construit son set différemment. Dans l’obscurité d’un club, vous partez peut-être plus facilement vers quelque chose de dark, de violent. A l’extérieur, c’est moins le cas. Quand il y a du soleil, j’ ai déjà remarqué que j’ ai aussi vite tendance à rajouter des petits riffs de piano house, par exemple.» En général, la programmation de jour peut aussi se permettre plus de choses, remarque Vincent Carry. «Vous pouvez développer des esthétiques très diverses, inclure du live, des choses parfois très expérimentales, etc.» Gilles De Decker confirme: «Cette année, on a par exemple proposé à Kerri Chandler, véritable légende house, de jouer de 15 à 18 heures. Normalement, c’est une tête d’affiche que vous placez en fin de soirée. Mais on avait envie de l’amener sur un créneau différent, qui lui permettra de raconter autre chose. Et sur un temps plus long.»

Ce n’est pas tout. «D’un point de vue « social », il faut bien constater qu’une série de sujets sont moins compliqués à gérer pendant la journée. Que cela soit les questions liées à l’alcool, aux drogues, etc., poursuit Vincent Carry. En fait, la notion même de safe space est plus facile à construire.» De fait, on n’y avait pas forcément pensé, mais il semblerait qu’en travaillant une programmation de journée, le festival ne s’ouvre pas seulement à de nouvelles esthétiques. Il met aussi certaines valeurs plus facilement en… lumière. A Paradise City, par exemple, Azo sera présente avec son collectif Queer Future Club. «On a pas mal de demandes pour des festivals. On a pris le pli de ne pas seulement se cantonner aux circuits queer, mais de se rendre aussi dans des festivals « généralistes ». Pour le coup, on se retrouve entièrement dans les valeurs que défend le Paradise. Que cela soit le côté éco-responsable, mais aussi la manière dont sont prises en compte les question de racisme, d’homophobie, de créer un espace respectueux. C’est ce qui rend l’expérience encore plus cool.»

Paradise City, du 01 au 03/07, à Perk. Avec Axel Boman, Kerri Chandler, Ki/Ki, Eris, etc. www.paradisecity.be

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