LES HASARDS DE L’ÉDITION DIGITALE OFFRENT UN PANORAMA DU FILM DE GUERRE AMÉRICAIN DANS SES VARIATIONS LES MOINS… GUERRIÈRES. AVEC L’OIL SUR LA DÉFAITE OU LA VICTOIRE AMÈRE.

Trois guerres sont évoquées par les 5 films édités cette semaine au format Blu-ray Disc ou DVD. Trois conflits meurtriers, ayant chacun beaucoup sollicité le cinéma, particulièrement l’américain. La Première Guerre mondiale, la Seconde, et -surtout- celle du Viêt Nam inspirent les £uvres en question, dont se détachent un chef-d’£uvre ( Apocalypse Now) et 2 films importants ( The Thin Red Line et Platoon).

Des idéaux professés par les va-t-en-guerre aux réalités du champ de bataille, il y a de la marge, qu’explore d’éloquente façon Erich Maria Remarque dans son roman de 1929, A l’Ouest, rien de nouveau. Le livre pacifiste de l’Allemand, récit de l’endoctrinement de jeunes gens découvrant ensuite les horreurs de la Première Guerre, fut adapté par Hollywood dès 1930 sous la direction de Lewis Milestone, dont le film reste aujourd’hui encore un classique du genre. Ce n’est hélas pas cette version qui nous revient aujourd’hui en DVD, mais celle tournée en 1979, pour la télé, par le vétéran Delbert Mann. Donald Pleasence y campe un professeur patriote vantant  » l’Allemagne, la nation du progrès, de la culture » pour motiver ses élèves à faire de bons soldats, à qui la boucherie dans laquelle ils seront plongés va ouvrir les yeux. Une réalisation académique et des intentions soulignées limitent l’impact du film.

The Thin Red Line vole bien plus haut, porté qu’il est par la spiritualité mais aussi surtout par le génie formel et organique de Terrence Malick. Celui dont le vibrant The Tree Of Life vient d’être palmé d’or à Cannes nous emmène dans la bataille de Guadalcanal, épisode majeur de la guerre dans le Pacifique. Nous sommes en 1942, et les premières images du film sont celles d’un paradis sur Terre, une île refuge, où l’humain et la nature vivent en harmonie. Witt, un soldat américain en rupture de ban, y coule quelques jours heureux avant de replonger dans l’enfer du combat. Il s’agit de prendre une colline tenue par l’ennemi japonais, une opération qui coûtera bien des vies et marquera pour toujours l’âme des survivants. Si les scènes de bataille sont d’un réalisme souvent terrible, c’est pour mieux exprimer l’absurdité de la guerre et porter la réflexion du spectateur vers les questions philosophiques du vivre et du mourir. La religiosité de Malick pesant parfois lourdement sur l’ensemble, mais le sublime de la mise en scène, chevillée aux corps qui s’abattent dans une nature aussi luxuriante qu’indifférente, font de The Thin Red Line (magnifiquement remastérisé en Blu-ray) une expérience majeure.

Le fascinant écrivain argentin Julio Cortázar publia en 1977 un remarquable recueil de nouvelles, Façons de perdre. Un titre qui pourrait convenir aux 3 variations sur le thème de la guerre du Viêt Nam que sont Apocalypse Now, Platoon et Tigerland. Réalisés après que la défaite américaine fut consommée (en 1975), tous portent à leur manière le deuil d’un désastre militaire doublé d’un désastre politique et aussi -surtout?- moral. On passera rapidement sur le dernier cité. Le point de départ de Tigerland est certes intéressant, qui situe l’action dans un camp d’entraînement de l’armée US, en Louisiane.  » Nous sommes en train de perdre une guerre« , lâche aux jeunes recrues l’officier en charge. Et le scénario d’exprimer l’idée d’un conflit existant au sein même des troupes et du pays, sans qu’il soit besoin d’aller au Viêt Nam pour qu’il se manifeste… Nous sommes en 1971, et l’opinion publique a déjà majoritairement condamné la guerre qui s’éternise. Dommage qu’une réalisation sans relief empêche le film d’un tant soit peu captiver.

Engagez-vous, qu’ils disaient…

Platoon est une toute autre affaire, un film à la brutalité saisissante et prenant d’émotion. Plaçant son récit en 1967, Oliver Stone y suit un jeune engagé volontaire (Charlie Sheen) découvrant l’horreur d’une guerre imprévisible, menée par une armée d’élite mais délitée, où un officier (Tom Berenger) peut aller jusqu’à en assassiner un autre pour couvrir ses méfaits… Un film âpre et dur sur la désillusion et la défaite qui vient, comme inéluctable. Un film brillamment réalisé, même si l’on regrette l’abus des accents poignants de l’ Adagio de Samuel Barber, musique surexploitée par un cinéaste mêlant de fascinante manière idéalisme déçu et démystification de l’héroïsme guerrier.

Le sommet absolu, c’est Francis Coppola qui l’atteint avec Apocalypse Now. Sorti en 1979, c’est l’adaptation très libre de la nouvelle de Joseph Conrad, Au c£ur des ténèbres. L’action est transposée du Congo au Viêt Nam et au Cambodge, où un capitaine américain (Martin Sheen) recherche un colonel (Marlon Brando) porté disparu et qu’on dit régner sur un petit royaume personnel dans un climat de barbarie sanglante. Coppola filme cette quête hallucinée avec un sens opératique intense, montrant la guerre comme personne avant lui (ni après, d’ailleurs). Un trip inoubliable, livré en Blu-ray sous plusieurs versions (dont l’ Apocalypse Now Redux et ses 48 minutes supplémentaires), et avec aussi le formidable documentaire Hearts Of Darkness, témoignage d’un tournage presque aussi dramatique et fou que le film achevé… l

APOCALYPSE NOW DE FRANCIS FORD COPPOLA. AVEC MARTIN SHEEN, MARLON BRANDO, ROBERT DUVALL. 2 H 30. DIST: MELIMEDIAS. *****

THE THIN RED LINE DE TERRENCE MALICK. AVEC SEAN PENN, NICK NOLTE, WOODY HARRELSON. 2 H 50. DIST: FOX. ****

PLATOON D’ OLIVER STONE. AVEC CHARLIE SHEEN, TOM BERENGER, WILLEM DAFOE. 1 H 55. DIST: FOX. ****

TIGERLAND DE JOEL SCHUMACHER. AVEC COLIN FARRELL, MATTHEW DAVIS, CLIFTON COLLINS, JR. 1 H 40. DIST: FOX. **

A L’OUEST, RIEN DE NOUVEAU DE DELBERT MANN. AVEC ERNEST BORGNINE, RICHARD THOMAS, DONALD PLEASENCE. 2 H 03. DIST: MELIMEDIAS. **

TEXTE LOUIS DANVERS

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