The Fall Guy: Ryan Gosling en roi de la cascade, dirigé par Emily Blunt

L to R: Ryan Gosling, Aaron Taylor-Johnson, Ben Jenkin, Logan Holladay, Justin Eaton, and David Leitch on the set of THE FALL GUY, directed by David Leitch.

Après le triomphe de Barbie et Oppenheimer, Ryan Gosling et Emily Blunt se retrouvent dans une déclaration d’amour aux métiers du cinéma déguisée en comédie d’action romantique: The Fall Guy. Interview en tête-à-tête.

Sur le siège à gauche se trouve Ryan Gosling. Sa tenue aurait pu convenir à Ken: une chemise blanche avec des taches fluo et l’inscription Daytona International Speedway, et un pendentif pour couronner le tout. Sur le siège à droite, Emily Blunt porte une tenue qui aurait pu convenir à Kitty Oppenheimer, en particulier ces longues boucles d’oreilles. Les deux acteurs ont joué le partenaire du personnage principal d’un film qui a connu un succès massif la saison dernière. Et tous deux les ont incarnés avec un tel talent et un tel charisme qu’ils ont été nommés aux Oscars. Gosling pour son interprétation hilarante de Ken dans Barbie, Blunt pour son rôle d’épouse de l’inventeur de la bombe atomique dans Oppenheimer.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Ces deux quadragénaires ont un sacré palmarès. L’actrice
britannique Emily Blunt a éclipsé Tom Cruise dans le blockbuster de science-fiction Edge of Tomorrow, s’est surpassée dans le thriller Sicario et a vaincu les extraterrestres dans les films d’horreur A Quiet Place 1 et 2 réalisés par son mari John Krasinski. Ryan Gosling, de son côté, est probablement la plus grande star de cinéma de sa génération, avec des succès dans tous les genres possibles: de la SF monumentale (Blade 
Runner 2049) à la comédie romantique (The Notebook), en passant par la comédie musicale (La La Land) et le cinéma de genre de haute tenue (Drive), le drame intense (Blue Valentine) et une satire rose bonbon (Barbie).
Avec un enthousiasme presque enfantin, ils parlent de leur dernier film: The Fall Guy (lire la critique page 18). Dans cette comédie d’action sans prétention mais tout à fait palpitante, lui joue un cascadeur et elle la réalisatrice d’un film de SF. « Vous êtes le dernier journaliste de la journée, vous avez intérêt à faire de votre mieux. Si 
une question a déjà été posée, nous la passons. Marché conclu?« , demande Emily Blunt en riant. De quoi briser immédiatement la glace.

Marché conclu! The Fall Guy est une comédie d’action romantique, mais s’inscrit également dans la lignée des films sur les métiers du cinéma. Vos sentiments sur un plateau de tournage ont-ils changé par rapport à ceux que vous éprouviez il y a 15 ou 20 ans?

Ryan Gosling: Honnêtement, j’apprécie beaucoup plus ce travail qu’avant. J’espère que ça se voit aussi dans The Fall Guy. Ce film est une grande déclaration d’amour au processus de création des films, au plaisir que procure ce métier formidable. Je suis extrêmement reconnaissant de pouvoir faire ce job et d’avoir pu contribuer à un film qui met en valeur ce plaisir. Il existe de nombreux films cyniques sur Hollywood et sur la laideur qu’il peut y régner. Et ce sont parfois de très bons films, comme par exemple The Player de Robert Altman. Mais The Fall Guy fait tout le contraire: c’est une ode enthousiaste aux équipes des films, à tous ceux qui se dévouent corps et âme sans recevoir beaucoup de reconnaissance. Cet esprit est emblématique de ce que je ressens à ce stade de ma carrière.

Est-ce la même chose pour vous, Emily?

Emily Blunt: Je suis d’accord. J’ai du mal à me rappeler exactement comment je vivais les tournages il y a 15 ou 20 ans. Mais j’ai toujours eu conscience d’avoir une énorme chance de pouvoir faire ce métier. Et c’est toujours le cas aujourd’hui. Je pense même que je suis devenue encore plus enthousiaste. Dans la vie de tous les jours, je ne suis pas du tout aventureuse, j’ai peur des risques. Mais j’adore me lancer dans un nouveau film, surtout quand je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Je suis presque accro à cette excitation. Quand on est dans le métier depuis aussi longtemps que nous deux, on devient plus capable de faire abstraction des aspects moins agréables ou ennuyeux du processus de réalisation d’un film et de mettre de côté la pression de l’industrie. Avec le temps, c’est devenu plus facile de se concentrer sur le positif.

Ryan, vous êtes un récidiviste. Dans The Place Beyond the Pines, vous incarniez un motard qui gagne sa vie en faisant des cascades ultra dangereuses, et dans Drive, vous étiez un cascadeur d’un calme olympien. C’est quoi votre lien avec les cascadeurs?

R.G.: Je ne pense pas qu’on puisse mettre dans le même sac les personnages de The Place Beyond the Pines, Drive et The Fall Guy. Les différences sont trop grandes. Mais c’est vrai que j’admire les cascadeurs. J’ai toujours pensé que c’était un métier super cool. Je suis convaincu que j’aurais essayé de devenir cascadeur si je n’étais pas devenu acteur dès mon plus jeune âge. Je dois toutefois ajouter que je ne suis pas sûr d’être à la hauteur (rires). D’après le peu d’expérience que j’ai, j’ai quelques doutes.

Que pensez-vous de vos doublures, ces gars qui font le travail dangereux pour vous? Ils font les cascades, mais c’est vous qui en tirez la gloire. Ça ne vous dérange pas?

R.G.: Ça a toujours été comme ça. J’avais déjà une doublure quand je jouais dans la série d’aventures pour enfants Young Hercules. Dans mon esprit, ces types arrivent sur le plateau, font tous les trucs vraiment cool et puis repartent dans l’ombre. C’est une dynamique assez étrange. Ils prennent littéralement les coups pour vous. Ils mettent leur corps en danger, ils doivent posséder 
des qualités physiques particulières et ils s’entraînent souvent énormément pour faire ce qu’ils font. Et au lieu d’en tirer le mérite, ils font de leur mieux pour cacher leur visage. Ils sont censés rester anonymes. Les acteurs sont le visage, c’est nous qui paradons. Bien sûr, 
c’est bizarre, même si ça dure depuis plus de cent ans. Il n’y a même pas d’Oscar pour les meilleures cascades. Espérons que The Fall Guy contribuera à changer ça.

Comprenez-vous ce qui motive un cascadeur?

R.G.: Cette question m’intrigue depuis longtemps. La réponse se trouve peut-être dans The Fall Guy. David Leitch, le réalisateur, est lui-même cascadeur depuis des années (lire aussi plus loin). Il m’a dit un jour dans la voiture: « Ne pense pas que ça ne fait pas mal, parce que ça fait mal. » Se faire ramasser par une voiture, ça fait mal. Tomber, ça fait mal. Se faire frapper, ça fait mal. Prendre feu, ça fait mal. Sauter par la fenêtre, ça fait mal. Il faut le dire et le montrer. Et dans ce cas-ci, lever un coin du voile ne démystifie rien. Ça ne fait que rendre plus incroyable ce que font ces hommes. Ils se font physiquement du mal pour rendre possibles des moments emblématiques du cinéma, pour nous divertir, nous les spectateurs. Sans s’en attribuer le mérite. À mon avis, nous pourrions faire beaucoup plus de grands films sur cette communauté fascinante.

David Leitch a révélé quelles cascades vous avez vous-même assumées. Dans la scène d’ouverture, vous tombez de douze étages malgré votre peur du vide. Pourquoi ne pas avoir laissé les experts s’en charger?

R.G.: Oui, je me suis laissé tomber de douze étages. Le film s’appelle The Fall Guy, je ne pouvais pas faire autrement! Si je voulais jouer un cascadeur, je devais avoir le courage de le faire, c’est du moins ce que j’ai pensé. Ça donne tout de suite le ton. Pour le spectateur aussi.

Le film vous a-t-il guéri de votre peur du vide?

R.G.: En fait, c’est pire que jamais maintenant que je sais ce que ça fait de tomber de si haut. J’ai mis des lunettes de soleil pour qu’on ne voie pas la peur dans mes yeux.

L to R: Ryan Gosling is Colt Seavers and Emily Blunt is Judy Moreno in THE FALL GUY, directed by David Leitch

Dans The Fall Guy, on en vient presque à plaindre la réalisatrice. Sur le plateau de Metalstorm, tout capote. Dans quelle mesure la parodie est-elle proche de la réalité?

E.B.: (rires) Je suis particulièrement heureuse que nous n’ayons pas eu dans ce film une réalisatrice qui sait parfaitement ce qu’elle fait, qui a réponse à tout et qui fait rentrer tout le monde dans le rang. Ce serait exaspérant. Mon personnage est aussi chaotique et excentrique que les autres. C’est une réalisatrice débutante qui subit une pression énorme sur un plateau où toutes sortes de choses partent en vrille. Non seulement c’est beaucoup plus amusant à jouer, mais c’est aussi plus proche de la réalité. Sur les grosses productions, le chaos est inévitable. Tout le monde veut avoir des réponses du réalisateur, mais il n’est qu’un être humain et il lui arrive de ne pas savoir.

Y a-t-il parfois beaucoup de cafouillages?

E.B.: Jamais délibérément. Chaque film a son histoire et, à la fin de la plupart des tournages, on a réussi à ce que tout tienne encore debout. Un plateau de tournage est un monde en soi. En travaillant ensemble intensément, loin de chez soi, on forme rapidement une sorte de tribu. On devient très vite ami avec des gens que l’on ne connaissait pas une semaine avant. Il faut former un clan si on veut réaliser l’impossible: atteindre la ligne d’arrivée.

La pandémie, les grèves, l’essor des plateformes, les résultats décevants de certains blockbusters à gros budget: le monde du cinéma a connu une période difficile ces dernières années. La fréquentation des salles de cinéma semblait sous pression et puis sont arrivés Barbie et Oppenheimer. Êtes-vous optimistes après l’immense succès de ces deux films?

E.B.: Très optimiste. Je pense que les gens ne demandent rien d’autre que d’être transportés dans un autre monde. Ils veulent vivre une expérience: des films qui les absorbent complètement et leur font tout oublier. Je comprends l’incertitude qui règne, mais je refuse de croire que Barbie et Oppenheimer sont des exceptions. Ce sont plutôt des exemples: merveilleusement ambitieux, extrêmement divertissants, des expériences exaltantes. Il faut en faire davantage. Donnez aux créateurs l’espace et les ressources nécessaires pour continuer à essayer de réaliser de nouveaux films géniaux. Les gens auront toujours envie de les voir. J’ai toujours cru à la valeur ajoutée de l’expérience cinématographique, je ne vois aucune raison de commencer à en douter.

Et vous, que vous a appris Barbenheimer, Ryan?

R.G.: Les deux films ont été réalisés par de brillants cinéastes qui ont fait des films très personnels avec le soutien total d’un grand studio. Dans les deux cas, la réflexion s’est faite en fonction du grand écran et l’ambition était de toucher un large public. Christopher Nolan ne projette pas ses films sur Imax pour rien: il veut que vous les voyiez sur un écran Imax. Greta Gerwig a imaginé Barbie comme une grande fête à laquelle tout le monde était invité après la période difficile du Covid. Ça semblait très ambitieux, mais elle a eu tout à fait raison. Le public est revenu en masse dans les salles. Barbie est devenu un phénomène culturel. Le succès de Barbie et Oppenheimer est encourageant pour l’ensemble du secteur. The Fall Guy veut aller plus loin. Nous avons discuté presque tous les jours du spectateur, ou du moins de la manière de faire un film qui soit le plus divertissant possible. Comment faire en sorte que les gens puissent oublier tous leurs soucis pendant un moment? Comment faire un film qui vaille le prix de la place de cinéma, du trajet jusqu’à la salle, du ticket de parking et de la baby-sitter? Personne ne connaît la réponse à cette question, mais il faut au moins se donner à fond. Un critique a écrit que The Fall Guy existe pour rendre les gens heureux. Je ne saurais pas mieux dire. The Fall Guy est aussi une lettre d’amour aux personnes qui viennent le voir. ●

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content