« Matt Reeves a fait un Batman d’aujourd’hui en honorant l’histoire de la franchise »

Robert Pattinson revêt le masque d'un Batman qui n'est pas infaillible. © Jonathan Olley
Philippe Manche Journaliste

The Batman signé Matt Reeves séduit par une approche réaliste du célèbre justicier. Un sobre Robert Pattinson apporte une certaine fragilité à un personnage confronté à d’embarrassants secrets de famille.

Pour la faire courte, Matt Reeves, réalisateur des deux derniers reboot de La Planète des singes, réussit un pari qui était pourtant loin d’être gagné après la trilogie réaliste et ultra-violente de Christopher Nolan, forte de Batman Begins (2005), The Dark Knight (2008) et The Dark Knight Rises (2012) qui voyait l’impeccable Christian Bale revêtir la célèbre cape de l’homme chauve-souris. Le cinéaste s’éloigne de l’approche gothique de Tim Burton dans Batman (1989) et Batman Returns (1992) et fait l’impasse sur la veine grand-guignolesque et cartoonesque de Batman Forever (1995) et Batman & Robin (1997), tous deux signés Joel Schumacher.

Depuis la triplette inspirée de Christopher Nolan, qui met en parallèle les tourments de Gotham City avec notre époque, surtout dans le formidable et très noir The Dark Knight, plus rien ou presque. Zack Znyder délire le temps d’un Batman v Superman (2016) et Justice League (2017) avec un pataud Ben Affleck dans le rôle principal, mais surtout Todd Philipps passe par là, de manière oblique, avec son Joker (2019), l’un des ennemis jurés de Batman, et renverse tout sur son passage avec sa pluie d’Oscars en 2020, onze au total. La réussite de The Batman version 2022 (lire critique page 36) est à chercher dans la personnalité d’un Matt Reeves qui n’a pas cherché à copier ni les uns ni les autres tant et si bien que son film, long (pas loin de trois heures) est éminemment personnel et original. Pas d’effets spéciaux ou très peu. Et surtout l’impression de voir un film policier avec les codes du genre, nous faisant oublier le film de super-héros.

Comme l’a rappelé Jeffrey Wright (qui campe l’inspecteur Gordon) lors de la conférence de presse virtuelle: « Matt voulait rendre hommage à des films comme ceux de Sidney Lumet, French Connection, All the President’s Men, à cette espèce d’âge d’or du cinéma américain des années 70. Ce qui m’a le plus excité dans son scénario et sa vision, c’est qu’il en fait un Batman d’aujourd’hui en honorant l’histoire de la franchise de 1939 jusqu’à aujourd’hui. Son film est en soi très moderne mais basé sur les origines du personnage, avec tout ce que ça implique d’action et d’énergie, oui, mais il voulait vraiment faire un film qui a de la densité, centré sur l’intrigue, sur le mystère, et c’est cette enquête de détectives, centrale, qui lui a permis d’y arriver. » De fait, si The Batman fleure bon les années 50, son inspiration est plutôt à chercher dans les seventies, avec une mise en scène qui prend le temps, qui accompagne vraiment les protagonistes et qui nous permet de plonger tête baissée dans cet univers sombre et réaliste.

Mélancolique et fragile

Robert Pattinson, qui avouait dans les colonnes de Empire avoir eu peur pendant un bon bout de temps de signer à nouveau pour une franchise suite à la saga vampiro-teenager Twilight, mais bizarrement pas d’incarner Batman, loue lui aussi l’originalité du scénario. « Le film permet d’offrir quelque chose de très fort sur le plan émotionnel, psychologique. Le personnage de Paul Dano, Riddler, par exemple, le fait qu’il n’a aucun contact avec la réalité, le rend encore plus effrayant avec ces références au tueur du Zodiaque… » Et de poursuivre: « On a pu voir par le passé un Bruce Wayne un peu playboy, parfois un peu stupide qui rentre chez lui picoler mais ici, il perd un peu le contrôle de ce qui se passe autour de lui; même quand il met son costume. Il a plus peur que son identité soit révélée que de sa propre mort, je pense. Normalement, on voit Batman partir quelque part, s’entraîner et revenir, rempli de confiance dans ses habilités à changer les choses. Cependant, j’aime ses fragilités. La scène où il met sa cape pour la première fois et qu’il saute d’un rebord montre cela. Batman n’est pas infaillible, c’est juste un type en tenue blindée et le film embrasse cela. » Matt Reeves, malheureusement absent à la conférence de presse, déclarait récemment s’être inspiré de Kurt Cobain pour Bruce Wayne. Un mec normal. Mélancolique et fragile (sic). L’incursion dans la bande originale du Something in the Way de Nirvana ajoute une touche de spleen au long métrage.

The Batman repose aussi sur un casting de haut vol dans lequel on retrouve Colin Farrell (le Pingouin), Andy Serkis (le fidèle Alfred Pennyworth), John Turturro (Carmine Falcone échappé d’un épisode des Sopranos) et Zoë Kravitz (Selina Kyle/Catwoman). « C’est une survivante et pour survivre, elle doit se transformer en ce qui convient à son environnement, qu’elle soit seule, au boulot ou avec Batman« , raconte-t-elle. Ajoutant un élément à la dramaturgie de The Batman: « Tout comme lui, elle s’est sentie seule toute sa vie. La rencontre de ces deux personnages partageant le même regard est au coeur de l’histoire« . Un récit multiple, habité et pourtant fluide aux différentes portes d’entrée qui fait de The Batman, l’un des volets les plus séduisants de la franchise avec Batman Returns et The Dark Knight.

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