Critique

[À la télé ce soir] Polémiques et scandales: et l’art dans tout ça?

Le peintre français Hervé Di Rosa © DANIEL HECKER
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

À Haïfa, ville portuaire du nord d’Israël, des chrétiens en colère tentent début 2019 de s’introduire dans le musée d’art contemporain et affrontent la police sur le pavé. La raison de leur courroux? McJesus, le clown Ronald McDonald cloué sur une croix… Une critique du capitalisme, oeuvre de l’artiste finlandais Jani Leinonen. Hier, les entraves à la liberté d’expression artistique venaient d’en haut. Aujourd’hui, portées par les réseaux sociaux, boostées par des campagnes coups de poing et des activistes véhéments, elles viennent de plus en plus souvent d’en bas.

À Paris, l’histoire en peinture de l’Assemblée nationale qui orne les murs du palais Bourbon déclenche une controverse au printemps 2019: maîtresse de conférences et chercheuse spécialisée dans la diaspora noire en Europe, Mame-Fatou Niang (Mariannes noires), qui plaide pour un rééquilibrage au profit des minorités peu ou pas représentées, accuse de racisme une toile d’Hervé Di Rosa célébrant l’abolition de l’esclavage. Son auteur sétois, inventeur de l’art modeste qui a toujours défendu les autres peuples du monde et se considère comme un trait d’union entre les cultures, ne comprend pas. La polémique s’inscrit dans un large débat qui anime les sociétés occidentales. Un débat cristallisé autour de ce que certains appellent « la politique d’identité ». De plus en plus de groupes qui veulent faire entendre leur voix et être mieux pris en compte dénoncent un art insultant, raciste, sexiste, dont ils se considèrent les victimes. Leur offre-t-il le droit pour autant d’appeler à la censure et d’imposer des limites à l’art? La tyrannie des susceptibilités conduit-elle par ailleurs à son appauvrissement? Les questions sur l’appropriation culturelle et la représentation font rage. Pétitions, manifestations, vandalisme aussi parfois… Passant du théâtre au cinéma (le cas Roman Polanski), Katrin Sandmann confronte les points de vue entre revendications légitimes, crispation généralisée, mesures de précaution excessives et dangers de la meute numérique. Comme l’estime le responsable des expositions à la Tate Modern de Londres, Achim Borchardt-Hume, les musées ont vocation à accueillir les débats de société. Et c’est le cas de la culture en général. Un docu classique mais passionnant et intelligemment mené, qui questionne la liberté dans l’art aujourd’hui et demain.

Documentaire de Katrin Sandmann. ***(*)

Mercredi 29/4, 22h50, Arte.

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