The English: la série qui confirme le retour magistral du western

© disney+
Nicolas Bogaerts Journaliste

D’une formidable complexité et d’une beauté visuelle à couper le souffle, The English dézingue ce qu’il reste du mythe de l’Ouest.

The English débute en 1890. La conquête des territoires nord-américains touche à sa fin et les derniers arpents de plaines sont arrachés aux Amérindiens. Un éclaireur retraité de l’armée, le Pawnee Eli Whipp (Chaske Spencer) entend s’installer sur le lopin promis par l’État en échange de ses services. Mais comme le lui fait remarquer un troufion, il ne sera le bienvenu ni chez les migrants blancs, qui verront en lui un sauvage, ni chez ses rares semblables pas encore déplacés, qui le considéreront comme un traître. Si cette inadéquation intrinsèque le rapproche de lady Cornelia (Emily Blunt), aristocrate anglaise venue seule dans l’Ouest tel un oiseau pour le chat, venger la mort de son fils, c’est surtout les circonstances de leur rencontre: quand elle échoue dans un hôtel isolé de l’Oklahoma, son propriétaire, Mr. Watts (Ciarán Hinds), est en train de torturer Eli tout en projetant de la tuer. Un épisode et quelques morts sanglantes plus tard, Eli et Cornelia font route ensemble, pour une aventure sous le signe de la rétribution, de l’astrologie comme spiritualité perchée, et de la mort.

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De manière délicieusement désinvolte, Hugo Blick réduit à l’os dans The English les codes du western. Les grands espaces (terrestres et célestes) y sont filmés comme des motifs plus que des décors théâtraux, les personnages principaux ont des profondeurs nébuleuses et archétypales tandis que les secondaires, une espérance de vie d’un voire deux épisodes. La prédation est omniprésente, tout comme le sexisme et, surtout, le racisme colonial et génocidaire. Si le scénario diffuse sa thématique vengeresse un peu aux quatre vents, celles de la déportation, de la perte, de l’invisibilité, de l’aliénation et de l’annihilation transforment The English en épopée grisante. Chaske Spencer (Twilight) y est d’une féroce intensité, la mâchoire fermée comme un poing au fond d’une poche. Emily Blunt réinvente l’image de la demoiselle en détresse jetée au cœur des tensions de son époque et tient ici un de ses plus grands rôles. À mi-chemin entre la veuve McBain et l’homme à l’harmonica d’Il était une fois dans l’Ouest. Enfin, Rafe Spall (Black Mirror) apparaît en cours de route en vilain absolu, taré et satanique. La cinématographie est somptueuse, les dialogues ciselés et les punchlines saisies à point. Le montage précis et énergique insuffle un rythme hypnotique au récit. Hugo Blick donne de la profondeur de champ aux grandes problématiques historiques et contemporaines tout en se moquant savamment des mélodrames. Avec The English, il entérine un retour magistral du western toujours plus débarrassé des poussières toxiques de sa mythologie. Chef-d’œuvre.

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