Critique | Télé

À la télé ce soir: Les 54 Premières Années

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© AVI MOGRABI
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Titre - Les 54 premières années

Genre - Documentaire

Réalisateur-trice - Avi Mograbi

Quand et où - Mercredi 25/05, 22h30, Arte.

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Il faut que vous fassiez entrer dans la tête de la population qu’elle doit obéir aux lois que vous édictez sans exception. Pour cela, un moyen efficace est de faire retomber les actions des individus sur la responsabilité collective. Le message doit être que personne ne peut échapper à votre œil inquisiteur et que le châtiment peut retomber sur quiconque sans aucun rapport avec sa responsabilité personnelle.” Face caméra, comme un professeur explique et enseigne à ses étudiants (a fortiori en temps de confinement), Avi Mograbi donne des leçons de domination.

Le monde a été témoin de nombreuses occupations durant l’ère moderne. Dans Les 54 Premières Années, le cinéaste antisioniste en dégage les grands principes et décortique celle, israélienne, des territoires palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Depuis 55 ans, des millions de natifs y vivent sous contrôle militaire israélien. Un des plus longs de l’Histoire moderne. Comment a-t-il pu se prolonger aussi longtemps?

Avi Mograbi, parfois la cigarette à la main, décortique un vrai-faux Manuel abrégé d’occupation militaire. Entre les leçons, des images d’archives, des cartes explicatives et des interviews se succèdent. Le réalisateur est parti des témoignages de soldats israéliens recueillis par l’ONG Breaking the Silence, une organisation de militaires réservistes qui ont servi dans les territoires occupés et ont décidé de montrer à leur propre population les dessous de l’occupation. Ils témoignent de l’horreur, racontent les violences physiques et psychiques qu’ils ont commises. Ils détaillent les tortures, les testicules écrasés. Couvre-feu, confinement, confiscation de permis, prison sans procès, appel à la délation pour détricoter le tissu social… Les récits s’enchaînent, de plus en plus édifiants. “Le protocole qui détermine sur qui tirer et avec combien de balles a très vite été abandonné, avoue Ilan Amit (Cisjordanie, 2004). Finalement, il n’y avait qu’un compte à rebours et on se mettait à tirer. Ça a commencé par quelques snipers et quelques mitrailleurs. Mais très vite, c’est devenu un kif pour tout le monde en mode jeu vidéo. Les mecs venaient même quand ce n’était pas leur tour de garde.” Particulièrement didactique et intelligent, Les 54 Premières Années est une passionnante réflexion sur l’occupation. Un film à l’ironie froide qui aborde le conflit israélo-palestinien sous un autre jour.

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