TOUJOURS PÉTRI DE JAZZ, JOSÉ JAMES SORT UN 3E ALBUM QUI LUI RESSEMBLE: COOL ET ÉLÉGANT, ROMANTIQUE ET SEXY. THIS ONE’S FOR THE LADIES

« Pas mal d’artistes jazz ont ce problème: la musique qu’ils font n’est pas nécessairement la musique qu’ils écoutent. » Le débat est lancé. A l’heure de sortir son 3e album, José James a le mérite de poser les vrais enjeux. On suit l’Américain depuis ses débuts: en 2008, il sortait un premier album intitulé The Dreamer. Etiqueté jazz, le chanteur bénéficiait de l’appui de Brownswood Recordings, tout sauf un label obtus, porté sur un certain type groove plutôt que sur un genre particulier. En 2010, BLACKMAGIC permettait à José James de révéler encore davantage la palette de ses influences: de la soul acoustique à la Terry Callier au funk à l’électro cosmique de Flying Lotus. Emblématique, le cas de José James n’est pourtant pas isolé: il fait partie de cette jeune génération arrivée au jazz via le rap. « Le jazz a toujours incorporé plein d’influences: les harmonies classiques, les musiques indiennes, africaines, la bossa, le rock… Le jazz a toujours tout capté. Bizarrement, une fois que le hip hop est devenu dominant, il a arrêté ce processus. Aujourd’hui, des artistes comme moi, Christian Scott ou Robert Glasper, ont grandi avec le hip hop, c’est la musique de notre enfance. Ce n’est pas un problème pour nous d’intégrer des éléments hip hop dans notre musique. Alors que ça l’est encore pour de nombreux musiciens jazz, qui ne sont toujours pas certains que le rap est vraiment une musique…  »

Après un passage par le label Verve et un disque avec le camarade Jeff Neve (For All We Know), José James a donc décidé de s’affranchir, définitivement. Son nouvel album s’appelle No Beginning No End. Il reste publié sur une étiquette jazz, toute aussi prestigieuse et historique: Blue Note. « Mais vous pouvez facilement argumenter que ce n’est plus vraiment un label jazz. Il s’agit juste de musique. Avec ce disque, j’aivoulu jeter le regard le moins complaisant possible sur ma manière de concevoir la musique. Les choses ont quand même pas mal changé. Peu de personnes écoutent encore les disques d’une traite, avec des potes, tranquille, à fumer des joints. Aujourd’hui, tout le monde est branché sur son iPod, en mode shuffle. Je fais pareil. J’écoute Grizzly Bear, Lianne La Havas, Machinedrum, Earl Sweatshirt, Frank Ocean et Andre 3000… Tout s’enchaîne et se mélange. »

Si la note bleue est bien présente sur No Beginning No End, c’est donc avant tout comme matrice à partir de laquelle José James déballe son crooning soul à la Marvin Gaye, miel vocal romantique et décomplexé. Qui, certes, frise parfois le sirop (Heaven On The Ground), mais sans jamais roucouler dans le vide. Epaulé par des cadors comme Pino Palladino ou le vétéran Leon Ware, José James semble avoir investi chaque note, chaque souffle ou particule d’air présents sur un disque à haute charge amoureuse et sexuelle. Du côté du label, on revendique haut et fort le potentiel fédérateur de l’objet -une ballade comme Come To My Door est en effet presque pop, tandis que la Franco-marocaine Hindi Zahra vient apporter une touche world à Sword + Gun. James, lui, n’est pas complétement dupe. « Déjà chez Verve, on a voulu me faire enregistrer un disque crossover, à la Melody Gardot. Mais ce n’est pas mon truc. Du coup, ils m’ont rendu mon contrat. Aujourd’hui, je sors un disque que j’ai produit et financé entièrement moi-même, en rebookant par exemple des concerts quand il fallait renflouer les caisses. Du coup, quand Blue Note m’a contacté, le disque était déjà terminé. »

Du coup, No Beginning No End ressemble en effet comme deux gouttes d’eau à José James. A la fois élégant et cool, assuré et sensible. Zen aussi. Et tant pis si cette sérénité ne fait pas forcément vendre. « C’est parfois compliqué dans une industrie qui pense que les artistes doivent être un peu tarés pour avoir du talent. Dès le début, j’ai senti cette pression. Quand tu arrives en ville pour un concert, la première chose que te demande le promoteur est la drogue que tu désires avoir dans tes loges. C’est leur fantasme! Ils pensent que la tournée est une fête permanente. Du coup, j’ai la réputation du mec chiant, trop clean. Mais regardez ce qui est arrivé à des types comme D’Angelo que le succès a cramé. La question est donc là: comment se battre pour sa musique tout en restant sensible? Tourner sans se foutre en l’air? Passer plusieurs mois sur la route tout en restant amoureux? » That’s the question, comme dirait l’autre…

?JOSÉ JAMES, NO BEGINNING NO END, BLUE NOTE/EMI. EN CONCERT LE 07/04, À L’ANCIENNE BELGIQUE, BRUXELLES.

RENCONTRE LAURENT HOEBRECHTS

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