Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

LE PRODIGE – Trente-trois ans après son premier Guitars, Philip Catherine remet ça avec son producteur de l’époque. Un solo lyrique et intense.

Distribué par Dreyfus

Faut-il une nouvelle fois écrire que ce Catherine-là n’a rien à voir avec son quasi-homonyme Philippe Katerine? On s’en assure dès la première plage, Toscane, intégralement instrumentale, comme toutes les autres. Elle semble dévastée par une mélodie cristalline, alanguie, qui immerge d’emblée l’auditeur dans un océan de coolitude. Trente-trois ans après son premier Guitars, Catherine retrouve son producteur de l’époque – Marc Moulin, accompagné ici de Hein Van de Geyn -, et remet la guitare solo à l’épreuve de son talent. En multipliant les pistes de la six cordes par des overdubs, Catherine donne l’impression de dialoguer avec lui-même, de croiser ses rêves pour les emporter ailleurs. Moulin justifie la technique employée:  » Le premier Guitars devait être en solo mais à l’époque, les musiciens se sont quelque peu invités en studio et le projet a changé de nature. Pour ce numéro 2, nous nous sommes donné un cadre, c’est notre Dogma (1): un travail solo et deux pistes d’enregistrement en numérique. Sur l’une, l’accompagnement, sur l’autre, le thème et les soli.  »

SES DOIGTS SUFFISENT

Alternant instrument acoustique et électrique, Catherine installe une sonorité instantanément reconnaissable, soyeuse, quasi planante (cf. Pourquoi), stimulée par un jeu dominé par l’inspiration et la poésie plutôt que par la technicité. A plusieurs reprises, la façon onirique dont se déploient les plages fait penser à de la musique de film. Pas besoin d’images, les doigts de Catherine suffisent. Moulin précise: « C’est à la fois écrit et improvisé sans qu’on sache nécessairement quel moment l’est. L’album est bâti sur l’ambiguïté et comme dit Charles Loos, l’improvisation ne s’improvise pas. Guitars Two est le résultat de cinquante ans de travail: il contient une maîtrise telle qu’il y a des moments musicaux que je ne saurais expliquer. Catherine, c’est de la musique comme Obélix est de la potion magique. » De fait, le guitariste belgo-anglais, né à Londres en novembre 1942, décloisonne sa musique comme jamais auparavant. Et réussit un disque lyrique et intense, où la guitare reine devrait lui amener de nouveaux adeptes. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

(1) Allusion à la théorie cinématographique d’ultra-dépouillement radical des Danois emmenés par Lars Von Trier et Thomas Vinterberg.

PHILIPPE CORNET

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