AVEC MAUDIT MARDI!, LE CARTOONISTE DU VIF S’OFFRE UN ALBUM TRÈS PERSONNEL ET TRÈS LOIN DU GENRE QUI A FAIT SON SUCCÈS. EN APPARENCE SEULEMENT: L’AUTEUR EST MULTIPLE, MAIS COHÉRENT.

Année chargée pour Nicolas Vadot. Année riche, surtout. Entre ses dessins quotidiens pour L’Echo et hebdomadaires pour Le Vif – » d’ailleurs Maudit Mardi! (lire la critique en page 40) , parce que le mardi, je boucle…  » -, l’auteur franco-britannico-australien et quand même aussi très belge (!) a trouvé le temps de donner corps à un « vrai » album de bande dessinée, sans caricature,  » et surtout sans humour, c’est la grande différence« . Cinquante-huit planches impressionnantes et souvent virtuoses, qui seront suivies de 58 autres d’ici un an. Sans oublier Onde de choc, album reprenant des dessins autour du 11 septembre, ou l’intégrale de Norbert l’imaginaire réalisé en son temps avec Olivier Guéret, et prévue au Lombard. Le bougre est donc occupé et multiple. Mais d’une étonnante cohérence: Vadot sait où il va, et d’où il vient. Enfin presque.

 » Le coup du mardi (Achille le héros sait qu’il mourra un mardi, il est donc indestructible le reste de la semaine, ndlr) c’est un « Mc Guffin », un prétexte mystérieux pour accrocher le lecteur. Mais le sujet, le seul, c’est l’absence de racines. Vous avez vu mes origines, j’ai épousé une Australienne, j’ai vécu longtemps en Australie qui est un vrai pays d’immigration… Cette question des origines, de savoir « où c’est chez moi », est une question qui m’habite. L’idée de l’album a ainsi mijoté quelques années, nourrie par des rêves, des images fortes qui me restent en tête: ce thème qui m’est cher, associé à l’image du gars enraciné dans le sable, ça a fait « tilt ».  »

Cet univers fantastique et onirique est omniprésent dans les BD de Vadot. Car rien ne vaut selon lui la bande dessinée pour fouiller l’inconscient, qu’il soit collectif dans ses cartoons ou personnel dans ses BD.  » Le dessin est un vecteur parfait. Il associe texte et image, et parle directement à l’inconscient. Avec, en plus, ce rapport à l’enfance. Un dessin, c’est déstabilisant, il ouvre des portes, des points de vue. C’est comme le chant, une activité dont on apprend généralement toute sa vie d’adulte à se défaire! C’est pour ça que j’envisage mes récits comme de la musique, avec ses rythmes, ses crescendos, ses couplets. Et que la BD purement réaliste m’emmerde, elle passe à côté du truc. Ce qui importe avec une bande dessinée, ce n’est pas le moment où on la lit, mais où on la referme. Ce qu’il en restera.  »

170 éditeurs sur le dos?

Particularité supplémentaire de cet album qui n’en manque déjà pas: il est publié cette semaine par les éditions Sandawé, riche pour l’instant de 3 albums dont on peine à trouver la cohérence, si ce n’est celle du financement: tous les albums y sont pré-financés par des internautes actionnaires, ou « édinautes » qui ont mis dans le projet de quelques pièces à quelques gros billets. Un processus éditorial 2.0 en forme de « crowfunding » qui n’a eu jusqu’ici que des avantages pour Nicolas Vadot.  » Sandawé, j’y suis allé sans trop y croire, après avoir été refusé partout ailleurs. Et puis je me suis pris au jeu, on a beaucoup discuté en ligne, les internautes m’ont obligé à ouvrir le capot, à dépiauter mon processus de fabrication, à réfléchir à tout ce que je faisais. Mais ça n’a en rien changé le contenu, j’ai juste modifié 2 cases qui s’avéraient peu compréhensibles. Surtout, ça me permet d’avoir un jeune éditeur qui est vraiment derrière moi, et qui a envie autant que moi que l’album trouve son public. En bande dessinée, ce n’est pas toujours le cas.  » Pour le « gag », le seul d’un album très sérieux, Vadot a d’ailleurs glissé dans ce premier tome 40 noms d’édinautes planqués dans des coins de case.  » Mais c’était plus un clin d’£il, il ne s’agit pas de tomber dans la prostitution éditoriale! »

Reste la question à 3 francs, mais qui se pose: entre le cartoon et les planches, son c£ur balance?  » Choisir? Non, je ne pourrais pas. L’un se nourrit de l’autre en permanence, que ce soit dans la forme ou le fond. J’ai le dessin de presse dans le sang, c’est une mécanique rigoureuse qui m’oblige à m’intéresser au monde, à toujours être plus lisible, plus efficace. Et si je ne faisais que de la BD, je sais que je deviendrais l’artiste dans toute son horreur, neurasthénique, insupportable.  » On retrouve en tout cas le même homme derrière ces 2 casquettes:  » Si la question des racines et des origines m’occupe d’un côté, de l’autre aussi: j’ai par exemple une aversion naturelle pour tous les nationalismes, je crois que ça se voit dans mes dessins de presse. Or, le dessinateur de presse est souvent attaché à un terroir, une région, un pays. Moi j’ai développé par la force des choses une conscience mondialiste, l’envie de créer des ponts, de multiplier les passerelles.  » Conscience qui suinte autant de ce Maudit Mardi! qu’à la première page de votre hebdo d’actu favori. l

RENCONTRE OLIVIER VAN VAERENBERGH

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