Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

FABLES DU COOL – Pour son second essai, Lupe Fiasco dresse un état des lieux de la coolitude, en livrant un album concept ambitieux. Et réussi.

« The Cool »

Distribué par Atlantic/Warner.

Sois cool. Reste cool. Tranquille. Imperturbable. Froid. Y a pas à sortir de là: le cool comme mot d’ordre universel. Et dans la foulée une industrie à la recherche perpétuelle de la dernière tendance, du dernier modèle en cours dans la rue. Puisque, au fond, c’est toujours bien là que ça se passe. Alors, en introduction du nouvel album de Lupe Fiasco (25 ans), précisément intitulé The Cool, il y a cet avertissement: « Vérifiez les ingrédients. Avant l’overdose. »

A cet égard, ce second essai du rappeur de Chicago pourrait bien être un disque important. Sa cible: le concept même de « coolitude ». Ce n’est pas anodin. D’ailleurs, la notion a toujours occupé une place centrale dans la culture afro-américaine. Des rappeurs Kool Herc, LL Cool J à… Ice T; de Miles Davis (Birth of The Cool) à l’écrivain-maquereau Iceberg Slim. Etre cool et rester insensible aux coups, détaché face à l’aliénation. Et petit à petit, une figure qui se détache: celle du voyou, du gangster qui, lui, a réussi à se faire une place. Dans l’Amérique noire, c’est Stagger Lee, personnage archétypal. Dixit le critique Greil Marcus: « Un archétype qui joue sur des fantasmes de violence gratuite et de débauche sexuelle, de luxure et de haine, d’oisiveté et de roublardise, le rêve d’un style et d’un certain type d’ascension sociale. Pour des gens qui vivent au quotidien dans un labyrinthe de limites et qui ne peuvent les transgresser qu’entre eux, il s’agit, plus profondément, d’un fantasme de liberté totale. »

LEçONS DE MORALE

On y est. Toujours en intro du disque de Lupe Fiasco, cela donne: « Ils trouvent ça cool de monter à bord d’une bagnole et de sortir leurs armes par la fenêtre pour canarder dans la rue. Le problème, c’est que l’on trouve çacool aussi. «  Le discours n’est pas neuf, mais Lupe Fiasco le place au centre de son disque. Crée même pour l’occasion trois personnages, The Cool, The Streets, et The Game, qui lui servent à illustrer son propos: au bout de la frime et du fric, la mort, violente. Au passage, Wasalu Muhammad Jaco (son vrai nom) prend bien soin de ne pas se placer au-dessus du lot: « I love the Lord/But sometimes it’s like that I love me more ». Certes, les leçons de morale ne font pas toujours de bons disques. Ce n’est pas le cas ici. On pense par exemple souvent à Kanye West (qui l’a lancé en l’invitant sur son tube Touch The Sky), ou Mos Def. Voire à A Tribe Called Quest ( Paris Tokyo). Il y a pires références. Et peu importe que le disque soit un peu trop gourmand (70 minutes bien denses) ou que le concept ne soit qu’à moitié exploité: Lupe Fiasco a le verbe précis, et assez de titres forts pour emporter la mise ( Superstar, Streets on Fire,…).

Il y a 25 ans, Michael Jackson cherchait à casser son image (trop gentille, pas assez cool?), et se transformait en monstre. Plus tard, il insistera même en haranguant: who’s bad? Au moment où l’on ressort Thriller, Fiasco raconte à nouveau l’histoire de zombies, morts-vivants qui décorent le livret de son CD. Et se demande: who’s cool?

www.lupefiasco.com

LAURENT HOEBRECHTS

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