La main sur le coeur

eminem

À quel moment cela a-t-il basculé? Longtemps, le rap s’est agité dans la rue (pour revendiquer), sur la piste de danse (pour danser). Mais de plus en plus souvent, il s’est aussi installé sur le divan. Comme si l’ego trip vantard avait laissé en partie la place au grand déballage personnel. Exemples.

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« Je viens de découvrir que ma mère prend encore plus de drogues que moi/Je lui ai dit que quand je serai un rappeur célèbre/je ferai un disque sur le fait de se camer et lui donnerai son nom. » (My Name Is, 1999)

Eminem est-il le premier à avoir déformé réellement l’ego trip en ego strip? En 1999, à l’heure où triomphe la téléréalité, Marshall Mathers transforme son histoire perso en feuilleton familial white trash, avec The Slim Shady, son premier album avec Dr. Dre. L’humour à la sulfateuse n’épargne personne. En premier lieu, sa mère, qui assignera le fiston en justice… Trois ans plus tard, Eminem s’excusera sur l’explicite Cleaning Out My Closet (« Désolé maman, je ne voulais pas te faire pleurer/Mais ce soir, je nettoie les placards »).

Kanye West

« Je trouve toujours quelque chose qui cloche/Cela fait trop longtemps que tu dois encaisser cela/Je suis tellement doué pour dénicher ce que je déteste le plus/Qu’il est grand temps pour nous de lever notre verre. »

(Runaway, 2010)

Derrière la provoc’ et le trollage intensif, l’arrogance et les déclarations intempestives, Kanye West est aussi le premier à creuser ses angoisses et ses troubles mentaux, album après album. Comme sur la pochette de son dernier album, Ye, qui proclamait « I hate being bipolar, it’s awesome »…

Kendrick Lamar

« Je connais tes secrets, négro/Tes fréquentes variations d’humeur, négro/Je sais que la dépression pèse sur ton coeur.  » (u, 2015)

Kendrick Lamar est-il le nouveau messie du rap? La version crucifiée alors, se permettant le doute. Ni gangster, ni sauveur, le rappeur réussit à la fois à parler pour sa communauté, et à évoquer ses propres questionnements existentiels, refusant tout simplisme.

Lomepal

« De l’alcool pour oublier, on s’assomme à dix/De toute façon quand la douleur se barre, je somatise. » (Sur le sol, 2017)

Sur son album Flip, Lomepal fait autant le malin qu’il évoque une histoire familiale secouée. Notamment avec Sur le sol, qui termine l’album en évoquant la santé bancale de sa mère – « Huit heures du matin, quelques cahiers dans la main, j’enjambe ma mère sur le sol/J’ai même pas l’air embêté, j’encaisse mal la vérité, j’dis des mensonges à l’école ». Glaçant.

Loyle Carner

« Tout le monde me dit que je suis déprimé/Bien sûr que je suis déprimé, mon père me manque à crever. » (BFG, 2014)

Pour la pochette de son premier album, sorti en 2017, Loyle Carner a fait poser dans le jardin tout son voisinage, ses potes, et surtout sa famille. De fait, le jeune Anglais envisage le rap comme un journal intime où il raconte le père absent, le beau-père adoré (décédé brutalement en 2015), et surtout une mère qui se retrouve partout, aussi bien en invitée de ses morceaux que dans ses clips (voir encore le récent You Don’t Know).

Kanye West
Kanye West
Kendrick Lamar
Kendrick Lamar© WireImage
Lomepal
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Loyle Carner
Loyle Carner

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