L’AUTEURE « ENGAGÉE » LISA MANDEL DEVIENT DIRECTRICE DE COLLECTION AVEC SOCIORAMA, ET UNE SPÉCIALISTE DU FILM X AVEC LA FABRIQUE PORNOGRAPHIQUE: DE LA BD DU RÉEL CETTE FOIS TOUT EN FICTION.

La Fabrique pornographique

DE LISA MANDEL, D’APRÈS UNE ENQUÊTE DE MATHIEU TRACHMAN, ÉDITIONS CASTERMAN, 166 PAGES.

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Lisa Mandel ne vise personne, mais comme souvent, tape juste: « Nous, on ne voulait pas une collection du genre: « Viens petit Padawan, on va t’expliquer ce qu’est la sociologie. » Nous, les auteurs, on voulait à tout prix éviter la pédagogie, mais eux, les sociologues, ont des sujets d’enquête passionnants, qui n’arrivent presque jamais devant les yeux du grand public. Il fallait donc être radical et proposer une collection de sociologie adaptée en BD, et surtout fictionnalisée. » Sur le fond en effet, la Française Lisa Mandel rejoint ses pairs -« La bande dessinée est un superoutil pédagogique, elle aère des propos étouffants, elle est tout à fait adaptée à l’info, au réel, c’est du cinéma de poche qui permet, tout de suite, de partir très loin »- mais s’en distingue nettement sur la forme: dans la collection Sociorama qu’elle codirige avec la sociologue Yasmine Bouagga, il n’y aura que des récits de fiction, certes basés sur des enquêtes sociologiques précises et de terrain. A l’image du premier titre de la collection, La Fabrique pornographique, dont elle s’est elle-même chargée -« Mais ce n’était pas prévu; c’est Aude Picault qui devait le dessiner, mais elle est tombée enceinte. Or, on le voulait dans la première salve de sortie, c’est un sujet fort. Je l’ai donc fait. » Et bien fait: en 164 pages carrées, Lisa Mandel ne perd rien de son style, lâché et drôle -« Ça, je ne peux pas m’en empêcher, c’est ma déformation professionnelle, après 5 minutes, faut que je dessine un truc comique »- pour narrer l’histoire de Howard et Betty, couple libre et libéré qui se lance dans le porno.

Après le cul, la jungle

On suit alors avec eux les méandres d’un milieu aux contours largement fantasmés; méandres suivant précisément les constatations effectuées par le sociologue Mathieu Trachman après de longs mois d’enquête et de reportage sur le terrain (entendez les tournages de films X): motivation des acteurs, conditions de travail, statut de la femme, mais aussi racisme, drogue ou violence sexuelle… Par le biais de ses personnages inventés, sa verve omniprésente et des termes parfois très éloignés de la sociologie classique (une des conclusions de sa Fabrique est par exemple qu’il ne faut pas confondre grosses putes et petites salopes…), Lisa Mandel fait voir une réalité parfois crue, pas toujours éloignée des clichés, « mais surtout qui a lieu ici et maintenant. Ce sont toutes des enquêtes qui ont lieu dans la France d’aujourd’hui« . A l’image des autres titres de la collection Sociorama qui vont planter leurs crayons dans des endroits peu vus en bande dessinée, comme les chantiers de construction (Chantier interdit au public de Claire Braud), les supermarchés (Encaisser! d’Anne Simon) ou l’aviation civile (Turbulences de Baptiste Virot). Lisa Mandel n’en a d’ailleurs pas fini avec la BD du réel: au lendemain de notre rencontre à la Foire du Livre, l’auteure de HP ou de Nini Patalo s’en allait faire un reportage BD dans la jungle de Calais. Une enquête déjà lisible sur le site Web du Monde, et qui fera sans doute l’objet d’une sous-collection: Les cahiers de Sociorama, reportages cette fois sans fiction.

O.V.V.

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