Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

STORCK EN STOCK – DEUX PRÉCIEUX COFFRETS RASSEMBLENT LES PREMIÈRES OUVRES DU GRAND CINÉASTE DU RÉEL, HENRI STORCK. UNE ÉDITION SOIGNÉE DE LA CINEMATEK.

1 D’ HENRI STORCK. 8 FILMS. 1 H 37. DIST: CINEMATEK.

2 D’ HENRI STORCK. 1 H 23. DIST: CINEMATEK.

La Cinémathèque Royale de Belgique, désormais Cinematek, poursuit sa très remarquable politique d’édition digitale ramenant en pleine lumière les productions marquantes du cinéma made in Belgium. Le grand réalisateur de documentaires Henri Storck (1907-1999) ne pouvait qu’entrer rapidement dans cette collection qui accueille 2 premiers coffrets consacrés à son £uvre. Un volume rassemble une petite dizaine de films tournés durant les années 30 à la Côte et plus particulièrement à Ostende, ville natale du cinéaste. Le 2e coffret contient le célèbre Misère au Borinage de 1933 et 2 autres films sociaux réalisés durant la même décennie. Chaque boîtier offrant le programme aux formats DVD et Blu-ray, ainsi qu’une plaquette historique et critique en 3 langues (français, néerlandais, anglais). Un modèle d’édition, au service d’un cinéaste majeur, témoin engagé de son époque. Une belle occasion, aussi et surtout, de rappeler quel artiste important fut l’Ostendais, pionnier du 7e art et créateur en Belgique d’une « ligne » documentaire dont la richesse se perpétue jusqu’à aujourd’hui. Quelle référence, aussi, pour de nombreux « héritiers » au nombre desquels on trouve des frères Dardenne qui ne manquent jamais l’occasion de rendre hommage à Storck.

Passionné très jeune par le cinéma, c’est vers la réalité que l’admirateur d’Ensor tourna directement son regard. Avec à la clé des premiers films captant l’essence de son Ostende natale, en plans tout à la fois documentaires et sollicitant l’imaginaire du spectateur.

Le regard et l’engagement

Le ton est donné par Images d’Ostende (1930), court métrage organisant en chapitres (le port, les ancres, le vent, l’écume, les dunes, la mer) un découpage inventif et poétique. Entre fixation du réel et expérimentation, ce petit chef-d’£uvre est immédiatement suivi d’une Pêche aux harengs témoignant de l’intérêt solidaire de Storck, fils de la bourgeoisie aisée, pour les travailleurs manuels et leur rude existence. Après Une idylle à la plage (1931), à l’onirisme et à la sensualité superbes, et dont l’hymne au désir vainqueur des conformismes suscita l’enthousiasme des surréalistes, cette sensibilité sociale allait prendre le dessus dans la filmographie d’Henri Storck. Et ce fut le puissant et accusateur Misère au Borinage (1933), film balise tant pour le cinéma documentaire que pour le cinéma politique. On y plonge dans la réalité scandaleusement misérable des mineurs de charbon et de leurs familles. La crise économique, les grèves et manifestations brutalement réprimées, avaient poussé Storck à tourner ce film aux allures de cri. Cri de douleur, devant des situations inhumaines. Mais aussi cri de révolte, et de revendication, le film se clôturant sur un appel à la dictature du prolétariat et « l’avènement du socialisme ». Une veine engagée où s’inscrivirent ensuite Les Maisons de la misère (pamphlet de 1937 sur les taudis où croupissaient tant de Wallons) et Le Patron est mort (1938), vibrant hommage posthume au chef du Parti Ouvrier Belge Emile Vandervelde, tout juste décédé… Les 3e et 4e coffrets, consacrés respectivement à Symphonie paysanne (1942 à 1944) et aux documentaires sur l’art, paraîtront à la fin de l’année. l

LOUIS DANVERS

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