Après 50 ans de carrière, Cossu s’expose (enfin)

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

L’un des grands maîtres du noir et blanc belge s’offre, à 70 ans, sa première exposition-vente, rappelant qu’il fut partout dans les années 1980, de Spirou à Métal hurlant. Avec une modernité torturée, toujours vivace et jamais démentie.

Malgré près de cin­quante ans de car­rière, son nom et ses trop rares albums (les miniséries Le Marchand d’idées, avec Berthet, ou Alceister Crowley, une compilation de ses Histoires alarmantes, No man’s land, Rêve de chien…) ne disent sans doute rien, de prime abord, au grand public belge formaté Lucky Luke, Boule & Bill ou Gaston Lagaffe. Pourtant, tout qui, dans les années 1980, a tenu dans les mains un magazine de bande dessinée – que ce soit Spirou, Tintin, Pilote, Circus, Métal hurlant, à l’époque, ça faisait du monde ! – a obligatoirement eu, un jour, la rétine accrochée par les des­sins et l’univers, inclassable et si particulier, de Cossu. Un noir et blanc torturé et expres­sionniste qu’il faut comparer à ceux de Tardi, Breccia, Muñoz, Comès ou Pratt, au service de récits anxio­gènes et souvent courts, mêlant affres intérieures, occultisme, fan­tastique, influences lovecraftiennes, surréalistes…

« L’enseignement m’a, petit à petit, appris ça : il y a quand même le regard. »

Des histoires hantées, surtout, par des personnages « au physique de marionnettes fatiguées », décri­vait, dans la préface de Marilyn’s Blues, seule œuvre ouvertement biographique de Cossu, parue récemment aux éditions du Tiroir, le dessinateur et vieux camarade de Saint-Luc Bruxelles Philippe Foerster. L’un et l’autre font par­tie d’une certaine école belge de la BD d’auteur pour adultes qui a longtemps eu du mal à trouver sa place au pays de la bande des­sinée dite « tout public » ou enfantine. « Ce style unique et personnel, que j’appellerais “le Cossu”, se caractérise essentiellement par un emploi pur et dur du noir et blanc apposé sur un dessin humo­ristique, teinté de réalisme et exa­cerbé par un emploi systématique des ombres, en aplat noir, et super- expressives », poursuit Foerster.

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Du Cossu à admirer et éven­tuellement à s’offrir – grande première – jusqu’au 24 septembre à la Comic Art Factory, à Bruxelles. « Pendant longtemps, j’ai rechi­gné à vendre des planches ori­ginales, avoue l’auteur. Pour des raisons presque déontologiques : je travaille pour être lu, le dessin n’est qu’un moyen, il n’est pas fait pour être au mur. Mais l’en­seignement m’a petit à petit, et entre autres, appris ça (NDLR : Antonio Cossu a été professeur aux Beaux-Arts de Tournai pen­dant près de trente ans) : il y a quand même le regard. » On confirme : les originaux de Cossu, né en Sardaigne d’un père futur mineur en Belgique et frère d’une jumelle décédée à la naissance – « ce qui explique en partie la colère ou le mal-être qui s’expri­mait dans mes dessins, mais ça va mieux aujourd’hui » –, valent plus que le coup d’oeil.

Antonio Cossu. De Spirou à Métal hurlant, à la Comic Art Factory, à Bruxelles. www.comicartfactory.com

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