Streaming: avec l’arrivée de Star sur Disney+, la guerre des plateformes fait rage

Solar Opposites © ABC
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

En élargissant son offre aux adultes avec Star, Disney+ se pose plus que jamais en concurrent de Netflix dans un paysage du streaming en constante (r)évolution. On fait le point.

De 111 millions en 2018 à 204 fin 2020: s’il fallait mesurer l’impact de la crise sanitaire sur l’essor des plateformes de streaming, l’évolution du nombre d’abonnés de Netflix en constituerait certainement un bon indicateur. Tandis que les salles obscures font grise mine, le marché du cinéma à domicile et de la VOD est, pour sa part, en plein boom, avec un nombre croissant d’opérateurs pour une offre démultipliée. Un contexte hautement concurrentiel dans lequel Disney, moins de deux ans après le lancement de son service Disney+ (et six mois après son arrivée en Belgique), a décidé d’en élargir l’offre avec Star, ses quelque 45 séries, plus de 200 films et quatre productions originales, que rejoindront d’autres contenus au fil des mois.

Streaming: avec l'arrivée de Star sur Disney+, la guerre des plateformes fait rage
© ABC

Élargir le spectre

Avec ce « sixième monde« , suivant la terminologie utilisée par la firme aux grandes oreilles (les cinq autres étant Disney, Pixar, Marvel, Star Wars et National Geographic), Disney+ ne fait pas qu’augmenter son offre quantitativement, elle en élargit aussi sensiblement le spectre. Si le public familial constituait son fonds de commerce traditionnel, la plateforme vise désormais également les spectateurs adultes, avec une offre adaptée issue du catalogue des studios ABC Signature, 20th Television et FX Productions pour la télévision; des studios Disney, 20th Century Fox et Searchlight Pictures pour le cinéma. À quoi s’ajouteront, au fil du temps, des productions originales. Soit, d’un côté, des séries comme 24 heures chrono, Prison Break, Sons of Anarchy, Black-ish ou les inédites Solar Opposites et Big Sky. Et de l’autre, des titres comme les insubmersibles Die Hard, Alien, Pretty Woman et jusqu’à Zardoz, mais aussi The Darjeeling Limited, Three Billboards Outside Ebbing, Missouri, Black Swan ou encore The Shape of Water.

Une démarche n’ayant bien sûr rien d’anodin, et s’inscrivant dans la politique d’expansion de la marque Disney+ qui, avec ses 94,9 millions d’abonnés fin janvier, dépassait déjà largement ses objectifs initiaux (fixés, en 2018, à 60 à 90 millions d’abonnés d’ici 2024, et revus depuis à la hausse, la fourchette attendue oscillant désormais entre 230 et 260). De quoi pouvoir espérer, qui sait, venir à terme chatouiller l’hégémonie de Netflix dans ce qui s’annonce comme un choc des titans.

Three Billboards Outside Ebbing, Missouri
Three Billboards Outside Ebbing, Missouri© AP

Fabrique cinéphile?

L’adaptation de l’offre VOD du studio de Burbank n’est pas le seul changement éditorial intervenu récemment dans l’univers en (r)évolution permanente du streaming. Généralement occupé par des plateformes indépendantes (Ciné chez vous, Sooner, Avila…) ou patrimoniales (LaCinetek, Mubi…), le terrain cinéphile a ainsi été investi dernièrement par Netflix, au point que Les Inrocks se demandaient récemment s’il fallait voir dans le géant américain du streaming une « nouvelle fabrique cinéphile« . Non contente de produire quelques fleurons du cinéma d’auteur contemporain comme autant de têtes de gondole (Roma d’Alfonso Cuarón, The Meyerowitz Stories et Marriage Story de Noah Baumbach, The Irishman de Martin Scorsese, Uncut Gems des frères Safdie, Pieces of a Woman de Kornél Mundruczó, I’m Thinking of Ending Things de Charlie Kaufman…), la plateforme se fait fort, depuis quelque temps maintenant, d’afficher une nouvelle orthodoxie en la matière en proposant par exemple à ses abonnés la filmographie de Claude Sautet, un large pan de celle de Jean-Luc Godard ou encore des comédies de Dino Risi. De même d’ailleurs, incursion dans le patrimoine populaire, qu’une sélection des succès de Jean-Paul Belmondo. À quoi elle joint au besoin le geste, s’associant par exemple à la Cinémathèque française pour la restauration du Napoléon d’Abel Gance. L’on se gardera, bien sûr, d’en tirer des conclusions hâtives. Reste que voir Netflix, longtemps accusée de tous les maux, se profiler en mécène d’un bastion de la cinéphilie tout en s’imposant comme le refuge d’auteurs d’horizons les plus divers ne manque assurément pas de piquant.

À méditer, alors que le cinéma traverse une période particulièrement chahutée. Réalité qu’illustrait encore récemment la décision de la Warner de sortir ses films de 2021 simultanément en salles et sur la plateforme HBO Max. Une stratégie ne valant que pour les États-Unis, le service de streaming n’étant pas attendu en Europe avant la fin de l’année, mais ayant eu le don de faire bondir les cinéastes maison (au premier rang desquels Christopher Nolan et Denis Villeneuve, dont le Dune est annoncé à l’automne) et frémir un peu plus encore les exploitants de cinémas…

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