Virginie Efira fait corps avec Paul Verhoeven

Rompue aux aléas de la promotion du haut de ses quinze ans de carrière au cinéma, Virginie Efira a pourtant dû faire face à un cas de figure inédit pour Benedetta: parler d’un film tourné trois ans plus tôt. Pas de quoi déstabiliser la comédienne, confessant avec un large sourire:  » Travailler avec Paul Verhoeven et observer la précision avec laquelle il fait ses films est à ce point incroyable que je me souviens encore de tout aujourd’hui. Même si je m’étais faite à l’idée que le film ne sorte jamais… » Le réalisateur néerlandais, l’actrice l’avait déjà côtoyé en 2016 pour Elle, où elle évoluait dans l’ombre d’Isabelle Huppert. Rien à voir donc avec Benedetta, dont elle tient le rôle-titre, celui de Benedetta Carlini, nonne mystique et saphique dont la conduite va secouer la vie d’un couvent toscan au XVIIe siècle. Un emploi dont elle s’acquitte avec un incontestable aplomb, s’inscrivant dans la lignée des héroïnes de Verhoeven, la Sharon Stone de Basic Instinct, la Carice Van Houten de Black Book ou la Huppert de Elle, donc.  » J’aime le genre de rôles qu’il écrit pour des femmes, poursuit-elle. J’avais quinze ans quand j’ai vu Basic Instinct. À cet âge-là, je n’avais pas encore lu Simone de Beauvoir, et mon féminisme vient aussi de ses films: ce sont des femmes qui ne se sentent pas coupables de leur désir, qui ne laissent pas le terrain de la sexualité aux hommes, et qui décident d’inverser le rapport de domination-soumission. À quinze ou seize ans, ma démarche féministe n’était pas consciente ou intellectuelle, mais j’ai vu les films de Verhoeven, ça m’a plu et m’a formée. »

La vérité du corps

Comme souvent avec le réalisateur de Showgirls –film qu’Efira dit beaucoup aimer, son préféré restant Turkish Delight-, Benedetta a débarqué sur les écrans cannois précédé d’une réputation sulfureuse.  » Les gens n’ayant pas vu le film peuvent imaginer quelque chose de très provocateur, sans rien derrière. Mais quand on voit le film, c’est le reflet de la subjectivité de Benedetta Carlini, une femme ayant vraiment existé, tout est tiré du formidable ouvrage que lui a consacré Judith C. Brown. La critique ne porte pas sur la foi, mais bien sur le dogme. On sait que Verhoeven va recourir à des images fortes, mais quand on voit Benedetta , il s’agit de la subjectivité d’une personne qui avait une sorte de pathologie schizophrénique et a trouvé un moyen de conserver sa foi et de découvrir son corps, alors que pour l’institution catholique, le corps n’existe pas. » Non sans que le profil de Benedetta demeure incertain, dont on ne peut exclure qu’elle ait été aussi une manipulatrice.  » Pour moi, c’est un grand film sur la croyance. Ce qui la guide avant tout, c’est la relation intime qu’elle a avec l’au-delà, avec le sentiment d’impunité qui en découle« , observe encore l’actrice.

Benedetta, et ce n’est pas une surprise dans le chef de Verhoeven, est un film très physique -en quoi Virginie Efira s’est plutôt sentie à l’aise.  » Ce qui est difficile, c’est de travailler avec un réalisateur qui n’a pas tellement d’exigence, qui a peur ou qui se cache. Quand c’est Paul Verhoeven et qu’on aime sa filmographie, on ne peut pas être effrayée. J’apprécie l’idée qu’il a du corps. Il est très influencé par la peinture primitive flamande, mais ce qui l’intéresse dans une toile de Brueghel, ce n’est pas juste la beauté d’une situation, mais aussi le mec qui va pisser contre le mur. Ce qui l’intéresse, c’est la vérité du corps, dans tous ses états: les sécrétions du corps, les bubons, le lait, le sang, comme une vérité à laquelle on ne peut pas échapper. Et ça, ça me plaît beaucoup. Il utilise plein de moyens faux, mais il cherche une vérité. »

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