Ysaline Parisis
Ysaline Parisis Journaliste livres

Une revue à soi – Ni roman ni recueil, le nouveau livre de Charly Delwart ressemble à un cabinet de curiosités littéraires. Interview… De face et de profil.

De Charly Delwart, Éditions du Seuil, 172 pages.

Que cache le 2e livre du Belge Charly Delwart? L’homme de profil même de face serait-il un manifeste de littérature cubiste? Ou une brillante proposition d’accommoder les restes inutilisés en littérature? Rencontre avec un esprit en pleine ébullition qui vise les déplacements de sens…

Votre livre se compose d’aphorismes, de listes ou de débuts d’histoires répondant à de multiples entrées, de « La lumière au bout du tunnel, c’était en fait…  » aux « Premières phrases de nouvelles qui auraient pu figurer ici et qui finalement non » en passant par des « Formes d’indécision ». Comment le voyez-vous?

Je dirais que c’est un carnet d’idées, à défaut d’autre chose. Le projet initial, c’était de faire une revue à un seul auteur, un peu dans l’esprit de la revue américaine McSweeney’s. Je voulais retrouver le plaisir brut d’écrire: n’avoir pas de contrainte, utiliser la variété des formes tout en déclinant le même univers. Pouvoir y placer toutes les idées que je pouvais avoir et qui n’étaient pas à mettre dans un roman. Ce n’est qu’au bout du compte que je me suis aperçu que ça formait une vraie cohérence.

Votre livre est hybride. On peut se demander quelle en est la réception dans une littérature française réputée si frileuse à l' »expérimentation » et dans laquelle publier des nouvelles était encore un défi il y a juste 15 ans?

Je dirais que ce n’est ni bien ni mal vu, mais que ce n’est pas vu, tout simplement. On m’a juste reproché que c’était le genre de livre à sortir plutôt après 3 romans, que ce n’était pas un livre avec lequel entrer en littérature. Moi ça m’est égal. Je ne cherche pas à être expérimental. Je me suis juste dit que, pour chaque idée, j’allais viser la forme minimale. Si une idée est aboutie après 4 lignes, ça ne sert à rien d’en faire 4 pages. Le livre est donc fait de débuts de problématiques, de mises en action, de personnages qui sont là le temps d’une phrase… Ce sont des formes de mini-fiction.

C’est un livre qui, l’air de rien, parle assez intimement de vous…

C’est devenu d’autant plus un portrait que j’ai décidé d’y mettre des éléments très personnels: les mauvais raisonnements que j’ai eus, la liste de mes angoisses… Je me suis dit que ça n’aurait pas été honnête de ne pas les mettre. La démarche que j’avais, cette grille de lecture que j’appliquais au monde, il fallait que je me l’applique à moi, personnellement. Si on a une marge de liberté, autant l’avoir jusqu’au bout, éclater les formes et ne pas se censurer.

Le titre de votre livre le laisse pressentir: il y a un autre point commun qui le traverse, c’est votre goût pour la transposition de situations, les rapprochements, la représentation sous toutes les facettes…

Le but était de mettre les choses en rapport: mettre en lien les légendes polynésiennes et les pitchs de mauvaises séries Z. C’était une manière de me demander quelle est la différence entre une histoire qui passe de génération en génération et ce type de scénario: est-ce que tout ça n’est pas une même chose, attaquée par des points de vue différents? Tout le monde vit avec des histoires, doit dealer avec la fiction. Les codes, c’est aussi une fiction qu’on se fait, c’est un univers qui se crée, un mix de tradition, d’innovation et de mythologie perso. Je voulais dégager des constances… l

Ysaline Parisis

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