L’ÉNIGMATIQUE CHARLOTTE RAMPLING BRILLE UNE FOIS DE PLUS DANS LE THRILLER « NOIR » I, ANNA, RÉALISÉ PAR SON FILS.

Le personnage d’Anna Welles a donc rejoint la galerie de femmes fascinantes, mystérieuses, fatales, sensuelles et dangereuses (mais aussi souvent blessées) qu’a si bien incarnées Charlotte Rampling. A l’âge où tant d’autres déclinent tout risque, toute exposition, elle joue « à l’os » un rôle que lui a offert son propre fils, Barnaby Southcombe. De quoi faire de ce film une aventure quelque peu particulière…

Barnaby Southcombe raconte que vous avez initialement refusé I, Anna, puis qu’il a lui-même… oublié ce projet. Etrange point de départ…

La détermination est peut-être la première qualité requise pour un réalisateur, mais le pouvoir de dire non est sans doute la première liberté de l’acteur… Je refuse beaucoup de propositions, Barnaby -qui me connaît bien- le sait. Alors, malgré son envie de faire aboutir le projet, il devait tellement anticiper un nouveau refus de ma part qu’il a fait une sorte de blocage mental, en renvoyant le projet dans une zone profonde de sa mémoire. Comme un déni confortable, pour n’avoir pas à entendre ce qu’il appréhendait d’entendre (rire)…

Quel genre de films refusez-vous?

Tout simplement les films qui ne m’intéressent pas, ou dont le personnage ne m’intéresse pas. Je n’ai pas besoin de travailler, aujourd’hui, mais j’étais déjà comme ça auparavant, je l’étais dès le départ, alors qu’il me fallait pourtant trouver des jobs, matériellement parlant. Je n’ai jamais fait que des choses qui avaient une signification pour moi, et je m’y suis consacrée avec beaucoup d’implication. Ce travail d’actrice est quelque chose de très spécial à mes yeux, un lieu où je peux créer pour moi-même, être une artiste, justifier mes ambitions. J’ai donc toujours placé la barre très haut, comme disent les Français…

Comment I, Anna a-t-il finalement pu voir le jour?

J’ai demandé à Barnaby où il en était avec ce projet. Il s’en est donc souvenu (rire) et a travaillé un script moins proche du roman (signé Elsa Lewin, ndlr) qui l’avait fasciné, moins violent, moins cru. Cela changeait la donne…

Travailler sous la direction de votre fils a dû être une expérience un peu particulière, non?

Barnaby fait depuis toujours partie de mon univers cinématographique. Il est né à une époque où je tournais beaucoup, quasiment sans arrêt. Il était toujours là. Je me souviens des cinq mois de tournage de Portier de nuit en Italie, et du panier dans lequel il dormait sur le plateau. Il a grandi dans mes loges successives, puis est venu l’âge de l’école. Mais sitôt que c’était possible, il revenait me voir sur mes tournages et observait tout ce qui se passait, très fasciné. Il est comme ces enfants du cirque, qui connaissent tout ou presque avant même de devoir se produire eux-mêmes, et pour lesquels il est presque inimaginable de se tourner vers une autre profession. J’étais sûre qu’il ferait quelque chose dans le cinéma, producteur peut-être. Mais il a choisi la réalisation. Qu’il me propose de jouer son film était chose naturelle. Et c’est aussi avec beaucoup de naturel que s’est fait le travail. Nous avions sur le tournage une relation très fonctionnelle, concrète, sans autre objectif que de faire le job.

Quelles sont ses qualités essentielles, en tant que réalisateur?

Il obtient ce qu’il veut des gens parce qu’il les aborde très bien. Et il les aborde très bien parce qu’il les aime. Les gens qui se sentent aimés de leur réalisateur lui donnent beaucoup, et lui offrent leur confiance, ce qui est capital.

Certains voient votre personnage dans le film comme une femme fatale. Mais on peut aussi la voir comme quelqu’un d’immensément vulnérable…

Je suis consciente de cette aura de femme fatale qui m’accompagne encore à cause de quelques rôles marquants que j’ai interprétés. Je sais camper ce genre de femmes. C’était très intrigant de voir Barnaby proposer ce rôle à sa propre mère, qui fut une femme fatale mais qui est désormais sexagénaire, et… fatalement fanée. Si l’élément femme fatale est encore là, c’est par la grâce du milieu dans lequel le film fait évoluer Anna, et du mystère qui l’accompagne: a-t-elle tué?

Etre dans la soixantaine n’empêche pas le personnage d’Anna de projeter de la sensualité, d’avoir des désirs et une vie sexuelle…

Je ne sais pas si ça intéressera les spectateurs jeunes (rire), mais il y aura sans doute identification de la part de spectateurs d’âge mûr qui n’ont pas l’habitude de voir une femme de mon âge apparaître sexy, séduisante. Le cinéma ayant globalement décrété, et depuis longtemps, qu’il y avait une date de péremption pour les actrices en ce qui concerne la chose…

RENCONTRE LOUIS DANVERS

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