Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Mali blue – Avant de tirer sa révérence en 2006, Ali Farka Touré enregistra une ultime série de morceaux avec son compatriote Toumani Diabaté. Sublime.

« Ali & Toumani »

Distribué par World Circuit.

C’est ce que l’on appelle une rencontre au sommet. Les retrouvailles de 2 des plus grands musiciens qu’a vu naître le Mali. D’un côté, Ali Farka Touré et son blues mandingue, ayant passé sa vie à rappeler que la guitare tient une place au moins aussi importante que les percussions dans la musique africaine. De l’autre, Toumani Diabaté, virtuose de la kora, cette grande harpe-luth fixée sur une demi-calebasse.

Ce n’était pas la première fois que les 2 musiciens se rencontraient. En 2005 déjà, ils avaient sorti In the Heart of the Moon, récompensé d’un Grammy. Un an plus tard, Ali Farka Touré s’éteignait, succombant au cancer des os qui le rongeait depuis un moment. Il avait 66 ans. Avant cela, le duo a tout de même eu le temps de graver encore quelques chansons. Dans la foulée de la promo européenne d’ In the Heart of the Moon, Diabaté a ainsi encore réussi à amener son aîné dans les studios Livingston (sic) de Londres pour enregistrer une série de titres avec Nick Gold (le patron du label World Circuit). Au passage, le contrebassiste cubain du Buena Vista Social Club, Orlando Cachaito Lopez, viendra également prêter main forte sur l’un ou l’autre morceau. Disparu en 2009, ce sera également pour lui l’un de ses derniers enregistrements.

Limpide

Baptisé simplement Ali & Toumani, le disque pourrait ainsi tabler sur son caractère d’£uvre ultime, dernière trace musicale laissée par Farka Touré. Il n’en est rien. Ali & Toumani n’a pas besoin de ça pour attraper l’auditeur. Il fait en réalité partie des rares disques qui se suffisent à eux-mêmes. Evidemment, le contexte n’est pas anodin. En cette année du cinquantenaire des indépendances africaines, plusieurs titres renvoient aussi à la liberté retrouvée du continent noir, que ce soit le cubanisant Sabu Yerkoy, ou plus loin l’hypnotique Doudou. Avec Sina Mory, Ali Farka Touré reprend également la chanson qui lui a donné envie de se mettre à la guitare. C’était en 1956, après avoir entendu la version qu’en donnait Keita Fodeba, futur créateur des ballets africains. Une sorte de retour aux sources pour celui qui, déjà fort diminué, sentait la fin arriver.

Pour autant, Ali & Toumani dépasse largement le cadre qui l’a nourri. L’auditeur curieux n’aura ainsi qu’à se laisser aller, la musique fera le reste. Tout ici est limpide, dépouillé, transparent. Les morceaux des 2 virtuoses maliens se contentent d’être, et en cela, le critique ne pourra qu’avouer son incapacité à les « jauger » comme il le fait d’habitude. Comme une source d’eau au milieu du désert, la musique ici n’est ni bonne, ni mauvaise. Elle est juste essentielle.

Le terme world music a souvent été critiqué. Une case trop fourre-tout, une étiquette paresseuse qui range dans le même sac des musiques qui n’ont parfois pour seul trait commun que de ne pas venir du monde occidental. Dans le cas d’ Ali &Toumani, pourtant, jamais l’appellation n’a semblé aussi opportune. Une musique du monde, en effet, émouvante dans ce qu’elle peut avoir de plus universel.

Laurent Hoebrechts

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