Mads Mikkelsen: « Je m’épanouis dans le chaos, bien mieux que dans l’ordre »

Dans King's Land, Mads Mikkelsen dit incarner “le personnage le plus obsédé” de toute sa carrière.

Dans le western (pseudo-)historique King’s Land, Mads Mikkelsen galope à travers l’âpre lande danoise en paletot et bottes hautes. Une tenue qui va bien sûr comme un gant à l’acteur scandinave.

Il y a deux sortes de Mads Mikkelsen. D’un côté, le méchant séduisant arborant un sourire sardonique dans des films et des séries anglophones, avec de préférence un subtil accent scandinave. Comme l’ennemi de James Bond Le Chiffre dans Casino Royale (2006), comme le cannibale raffiné de la série Hannibal (2013-2015) ou, plus récemment, comme le nazi qui barre la route à Indiana Jones dans The Dial of Destiny (2023).

D’un autre côté, il y a le Mads Mikkelsen “danois”, qui incarne en général de braves citoyens en détresse, mais des citoyens plus beaux que la moyenne, parce qu’ils ont la tête de Mads Mikkelsen. C’est ce Mads-là qu’on a pu voir entre autres dans La Chasse (2012) et Drunk (2020), deux grands films de son compatriote Thomas Vinterberg.

Dans King’s Land (notre critique ici), qui représente le Danemark aux Oscars dans la catégorie du meilleur film international et qui figure déjà sur la liste des finalistes, c’est surtout ce deuxième Mads qui est à l’œuvre, mais avec l’arrogance et la virilité typiques du premier. Dans ce drame pseudo-historique de Nikolaj Arcel, réalisateur déjà très bien coté pour son drame A Royal Affair (2012), déjà avec Mads Mikkelsen, ce dernier endosse le gilet et la culotte du capitaine Ludvig von Kahlen. Un homme qui espère rendre habitables les arides landes danoises du milieu du XVIIIe siècle afin d’y établir une colonie au nom du roi, en échange d’un titre aristocratique. Le résultat est une sorte de western classique, avec ses paysages sauvages, ses hors-la-loi violents et ses luttes entre le bien et le mal. “Mais il n’y a pas de chapeaux de cow-boys, il faut les imaginer”, sourit Mads Mikkelsen.

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Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter le rôle de Ludvig von Kahlen?

C’est un type de personnage que je n’avais jamais joué, sans doute le personnage le plus obsédé de toute ma carrière. Il y avait cet aspect-là, mais aussi le scénario, et le réalisateur. Ce sont toujours ces paramètres qui me guident dans mes choix. Il y a douze ans, j’ai tourné A Royal Affair avec Nicolaj Arcel, et l’expérience avait été tellement positive que nous voulions retravailler ensemble. Mais ça ne s’est pas concrétisé. Jusqu’à ce qu’il m’appelle l’année dernière. Lorsque j’ai lu le scénario, j’ai tout de suite été intrigué. Qui est ce type? D’où vient-il? Qu’est-ce qui le motive? Kahlen est tellement têtu qu’il ne se rend pas compte qu’il est en train de se détruire lui-même et tous ceux qui l’entourent avec lui. C’est aussi ce qui le rend humain et proche de nous. Nous avons tous nos obsessions, nos ambitions. Parfois, elles nous poussent trop loin et deviennent destructrices. Il faut juste espérer que ce ne soit pas à ce point-là.

Le film est basé sur le roman Kaptajnen ogAnn Barbara d’Ida Jessen, ainsi que sur des faits historiques. Que saviez-vous du véritable Ludvig von Kahlen?

Rien. Kahlen n’est pas une figure historique danoise connue du grand public. Je ne connaissais pas non plus toutes les intrigues secondaires. Le danger que représentait la lande danoise avec tous ces bandits. Les vaines tentatives de rendre cette lande fertile. Je savais deux ou trois choses sur le Danemark du XVIIIe siècle, car A Royal Affair se déroule à la même époque, mais seulement sur les rois et les grands événements historiques. Je ne connaissais la lande que parce que j’y suis déjà allé quelques fois. Et la chose la plus dangereuse que j’y ai rencontrée, c’était des plantes pleines d’épines (rires).

Le film traite également de la recherche de l’ordre dans le chaos qui nous entoure. Un but qui obsède Kahlen…

La vie consiste à trouver de l’ordre dans le chaos, que ce soit sur le plan professionnel ou privé. Je me suis rendu compte que j’avais un certain talent pour ça. Je m’épanouis dans le chaos. Bien mieux que dans l’ordre.

Créer de l’ordre dans le chaos, c’est aussi ce qui définit la danse, que vous connaissez bien en tant qu’ancien danseur classique.

(il opine) Le jeu d’acteur et la danse découlent du même sentiment de liberté. Mais dans les deux cas, on a besoin de technique pour atteindre un certain niveau. Sinon, c’est du chaos qui s’ajoute au chaos. Si vous demandez aux acteurs et aux danseurs d’improviser librement, le résultat sera très probablement incohérent. Mais si vous leur demandez de travailler en visant un certain but tout en improvisant, on peut arriver à des créations merveilleuses. Parce qu’alors il y a une direction à suivre et chaque mouvement, chaque mot prend un sens. C’est ce que j’essaie aussi de faire sur un plateau de tournage: trouver cet équilibre entre liberté et but à atteindre. Plus le plateau de tournage est petit, plus on a d’espace pour trouver cet équilibre. Mais ça peut aussi se faire à plus grande échelle, comme aujourd’hui avec King’s Land, qui est un des films danois les plus chers de tous les temps.

Cela a aussi très bien fonctionné dans Drunk. La scène de danse à la fin du film est déjà un classique.

J’ai fait de mon mieux pour redevenir danseur après toutes ces années, et les gens ont adoré. Au départ pourtant, je ne voulais pas faire cette scène. Je n’arrêtais pas de demander à Thomas Vinterberg: pourquoi une scène de danse? Quel est le rapport avec ce professeur? Jusqu’à ce qu’il me dise d’un ton sec: “Je te l’ai déjà expliqué de 150 façons différentes. Maintenant, danse!” Depuis, j’ai pris la résolution de toujours écouter docilement le metteur en scène. Quoi qu’il arrive. Enfin, la plupart du temps (rires).

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