Critique

The Hunt (La chasse)

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Thomas Vinterberg filme l’implosion d’une communauté soudée après que l’un des siens a été accusé à tort d’attouchements sexuels. Un drame étouffant.

DE THOMAS VINTERBERG. AVEC MADS MIKKELSEN, THOMAS BO LARSEN, ANNIKA WEDDERKOPP. 1H51. SORTIE: 14/11. ****

Tout commence dans le bonheur insouciant et démonstratif d’une baignade hivernale rassemblant quelques amis de toujours, les membres d’une petite communauté à l’évidence soudée, dont il s’agit là de l’un des rituels, au même titre que ces parties de chasse au cerf copieusement arrosées qui les réunissent à intervalles réguliers. Fraîchement divorcé, et engagé dans une délicate reconstruction passant par un nouveau boulot et une relation renouée avec son fils adolescent, Lucas (Mads Mikkelsen), la quarantaine, est l’un de ceux-là, apprécié de tous. Jusqu’au jour où, à la suite d’une remarque, Klara, une fillette, l’accuse d’attouchements sexuels. Il n’y a là rien d’autre que le fruit de l’imagination d’un enfant ne mesurant pas la portée de son mensonge; il n’en faut pourtant pas plus pour que la rumeur se répande. Et la communauté de se retourner contre Lucas, paria désigné à sa vindicte et bientôt son hystérie; lequel, la stupeur passée, va tenter de faire front.

Dynamique implacable

Révélé il y a une quinzaine d’années par Festen, sans conteste le plus abouti des films Dogma, Thomas Vinterberg a ensuite connu un parcours chahuté, peinant à se relever de l’échec de It’s All About Love, essai américain qu’il conviendrait pourtant de réévaluer. Venant après le fort estimable Submarino, The Hunt consacre donc le retour du réalisateur danois, qui signe là un drame étouffant à la résonance universelle. S’il est ici question, comme dans Festen, d’abus d’enfant et de leur impact sur une communauté familiale au sens strict ou élargi, le rapprochement s’arrête là, cependant. Le prisme est en effet différent dans The Hunt, qui évacue d’entrée la question de la culpabilité pour reporter son intérêt ailleurs -et notamment sur l’emprise insidieuse de la rumeur, qui va conduire ce groupe à l’implosion. La matière est assurément sensible, la manière adoptée par Vinterberg est pour sa part habile, qui inscrit ce drame dans une dynamique implacable, déclenchée inconsciemment par une fillette promptement instrumentalisée par le monde des adultes. La suite n’est plus alors qu’affaire de peur, de suspicion et de ressentiment, qui se propagent ici tel un cancer, de la manière la plus (in)humaine qui soit en définitive.

Partant, The Hunt échappe au manichéisme simpliste pour s’ériger en toile inextricable. Si un homme en passe de désagrégation se débat en son coeur -intensément incarné par Mads Mikkelsen (lire son portrait dans le Focus du 9 novembre), récompensé d’un prix d’interprétation incontestable au dernier festival de Cannes-, c’est encore de perte de l’innocence qu’il est question à travers le portrait, livide, de cette communauté. Un cap tendu et affuté magistralement maintenu de bout en bout pour un drame psychologique puissant, dont l’onde accompagne le spectateur bien au-delà de sa conclusion glaçante.

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