Critique | BD

Adjim Danngar, le Tchadien du futur

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© Éditions Delcourt, 2023/Danngar

Adjimm Danngar, éditions Delcourt

Djarabane - t.1: Au petit marché des amours perdues

192 pages

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© National
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Adjim Danngar incarne bien cette nouvelle world BD mature, décomplexée et ancrée dans des réels peu connus et bien différents du nôtre.

En langue sara, telle qu’on la pratique et pratiquait à Sarh en 1984, dans le sud du Tchad, “djarabane” signifie “que faire”, et incarne bien le propos du premier tome et formidable album que l’auteur Adjim Danngar consacre chez Delcourt au petit Kandji, 7 ans. Un gamin de fiction mais « nourri de son vécu« , qui va être marqué à vie par une peinture pleine de couleurs accrochée au mur du petit salon de sa famille. Un tableau et un syndrome de Stendhal qui vont l’obliger à se faire cette promesse à lui-même, malgré les impossibilités socio-économiques et alors que le Tchad traverse une des périodes les plus violentes de son Histoire: devenir peintre, coûte que coûte. Commence alors un récit non seulement bouleversant, mais surtout magnifiquement raconté et dessiné avec beaucoup de maîtrise, sur la place des rêves d’enfant, et bientôt de l’exil, dans le contexte politique précaire du Tchad. Un contexte qui n’avait jusqu’ici jamais été raconté en BD, et qu’Adjim Danngar aura mis près de 20 ans à finaliser et faire atterrir chez un éditeur, avant même de prendre le chemin de l’exil en tant que réfugié politique en 2004. “Mais au pire, je serais passé par l’auto-édition si ça avait été nécessaire; je tenais vraiment à publier ce récit.” Lui aussi a vu les choses évoluer vers un mieux en quelques années: “Un succès comme celui d’Aya de Yopougon et de Marguerite Abouet a changé le regard qu’on portait sur mon travail comme sur celui d’autres collègues africains. On accepte plus facilement d’autres sensibilités, ou des graphismes qui ne correspondent pas aux canons habituels.

Dans ses références, l’auteur cite ainsi Hergé, mais aussi les mangas (Taniguchi notamment), et évidemment le dessin de presse qu’il a longtemps pratiqué au Tchad et qu’il a payé d’un long exil. Un terreau qui explique la singularité de son style et la fascination qu’exerce son Au petit marché des amours perdues dans lequel un noir et blanc très expressif et presque crayonné laisse parfois la place a des séquences oniriques réalisées en papier découpé. Du grand art et un vrai amour immodéré pour la bande dessinée qu’il a entamée comme un pur autodidacte, “complètement seul mais en dessinant tout le temps”, convaincu par la puissance du médium: “La BD est un super vecteur pour mieux se connaître et se comprendre”.

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