Critique

À la télé ce mercredi soir: Artistes en Tunisie

Artistes en Tunisie © Arte
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Après une période de censure qui a vu un tas d’oeuvres saccagées et d’artistes bâillonnés, la création bouillonne et s’épanouit à nouveau en Tunisie.

« Pour observer et comprendre la Tunisie, mon pays de coeur, j’ai voulu ce recul que seule permet l’oeuvre d’art: arrêt du temps, instantané des émotions qui nous secouent… J’ai eu envie de faire connaître le regard des artistes sur une société dont ils sont un peu les vigies. La création se révélant la meilleure des armes politiques. » Ainsi le réalisateur Serge Moati résume-t-il son documentaire. Après une période de censure qui a vu un tas d’oeuvres saccagées et d’artistes bâillonnés, la création bouillonne et s’épanouit à nouveau en Tunisie. Rappeur, plasticien, humoriste… Tous racontent leur histoire. Celle de la dictature (le cinéma, la musique, le théâtre hypercontrôlés), de la révolution, des temps islamistes, de l’espérance et des craintes. Celle d’une liberté d’expression brimée, conquise et sans cesse menacée. Celle de l’art pour se libérer des douleurs, pour conter la saga d’une époque, ses parjures et ses héros. Parmi les artistes interrogés par Moati, on croise la chanteuse Alia Sellami, l’actrice et danseuse Amira Chebli ou encore le tandem Anissa Daoud/Lotfi Achour. La dramaturge/comédienne et le metteur en scène sont les partenaires de jeu de Jawhar Basti, le brillant singer/songwriter installé dans le fin fond du Hainaut occidental à qui l’on doit le splendide Qibla Wa Qobla, avec lequel ils ont signé pour les Olympiades culturelles de Londres une version tunisienne de Macbeth, décortiquant les mécanismes de la dictature.

Si la révolution a changé la manière de vivre, de créer, de parler même, en Tunisie, elle n’aurait pas réussi à ébranler suffisamment une culture millénaire de soumission au chef. Le pays est ainsi passé d’une politique de censure à un régime d’autocensure. Hier, la compromission n’était jamais très loin mais l’ennemi et la ligne rouge restaient clairement définis. Aujourd’hui, c’est le danger partout et tout le temps. La peur, les larmes, les gardes du corps pour certains… La rançon du changement? Une simple étape? Eclaircissements dans un portrait protéiforme et éclairant.

  • DOCUMENTAIRE DE SERGE MOATI.
  • Ce mercredi 28 mai à 22h20 sur Arte.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content