Dans les archives de la saga Star Wars

Laela French © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

À l’heure où sort Solo: A Star Wars Story, rencontre avec Laela French, directrice des archives de la saga.

L’an 2001: un bon millésime pour s’envoler vers l’espace… C’est depuis cette date que Laela French veille sur les précieuses archives de la saga Star Wars. Curatrice d’une vaste et prodigieuse collection d’objets et de documents conservés, cette experte venue du monde muséal (elle a un master en Histoire de l’art) est aussi impliquée dans les expositions qui se multiplient, dont Star Wars: Identities qui bat son plein en ce moment à Bruxelles (1). Alors qu’atterrit sur nos écrans le nouveau spin-off Solo: A Star Wars Story, son expérience et son témoignage viennent éclairer utilement l’entreprise de mémoire voulue par George Lucas, par-delà le caractère ordinairement éphémère du mirage cinéma.

Star Wars, une entreprise de mémoire au-delà du mirage cinéma.
Star Wars, une entreprise de mémoire au-delà du mirage cinéma.

« George n’a pas seulement créé des films, il a créé un nouveau conte de fées, une nouvelle mythologie qui a profondément pénétré l’étoffe de nos identités sociales, et ce sur toute la planète« , déclare Laela French en insistant sur « les racines qui ont poussé, rendant l’adhésion à l’univers Star Wars si populaire et surtout durable à travers le temps ». « Il use comme The Lord of the Rings d’archétypes, de mythes héroïques, d’épopées, qui laissent une empreinte indélébile et se reproduisent de génération en génération. » Voilà pour l’analyse, venons à l’essentiel, c’est-à-dire la collection, les archives, sur lesquelles veille activement notre interlocutrice. « Les archives sont conservées dans un vaste bâtiment spécialement conçu, doté d’un système de contrôle de température et d’humidité, situé dans le Skywalker Ranch, à Marin County (dans une riante vallée à une quarantaine de minutes en voiture au nord de San Francisco, NDLR). On y trouve non seulement des costumes et des créatures, mais aussi des maquettes et des dessins, des story-boards et des éléments sonores, détaille Laela French, dont un des rôles est de sélectionner, à chaque nouveau film, ce qui va être intégré à la collection. « C’est le plus difficile, car il n’y a pas de règle établie et il ne faut pas se louper en négligeant quelque chose dont on regrettera l’absence plus tard!« , avoue celle qui a dû tout récemment faire ses choix dans le matériel laissé par le tournage de Solo: A Star Wars Story.

Interrogée sur la valeur estimée de la collection, l’archiviste répond qu’elle est très difficile à calculer « car il n’y a pas de cote comme pour les peintres par exemple, et seules quelques pièces ont été mises sur le marché, ce qui empêche d’estimer la valeur de l’ensemble« . Le plus d’un demi-million d’objets répertoriés dans les archives resteront donc, provisoirement au moins, qualifiés « d’une valeur inestimable ». Tous appartiennent encore à la société de Lucas. Lequel a eu la sage idée de les exclure du deal à plusieurs milliards avec Disney, désormais propriétaire du reste (les films, le titre, la franchise).

Dans les archives de la saga Star Wars

Musée en vue

Certaines pièces majeures restent absentes des expositions pour cause de grande fragilité. La curatrice le regrette particulièrement dans le cas des « matte paintings »(2), « ces décors peints qui sont visuellement sublimes en plus de leur importance au tournage, mais dont la nature même du support -de vastes plaques de verre- rend le transport trop risqué« . Devant le regard fascinant de Jabba le Hutt, un des clous de l’expo bruxelloise, on est tout à la fois impressionné mais aussi triste car ces yeux sont tout ce qu’il reste de la créature, fabriquée au début des années 80 pour Return of the Jedi dans une matière éminemment friable. Le latex, idéal pour le rendu tactile, se dessèche irrémédiablement et se décompose alors, tombant littéralement en poussière… « La préservation est l’un de nos défis majeurs, explique Laela French, une tâche rendue plus ardue encore par le fait qu’à l’époque, les artistes de chez Lucas expérimentaient avec des matériaux peu durables comme le latex, utilisant aussi de la colle à paillettes (« stardust ») qui donnait un beau look aux objets mais menaçait leur durée de conservation. Personne en ces temps-là ne se préoccupait de ça. Tout était fabriqué pour durer le temps du tournage, pas plus, et certainement pas 30 ans! L’argent ne coulait pas non plus encore à flots comme ce fut le cas plus tard. La Death Star originale (3), on la faisait exploser et on jetait les morceaux. La maquette avait servi, on ne pensait pas qu’elle intéresserait quelqu’un par la suite… Les seuls objets survivants de cette première époque sont ceux dont on avait besoin pour plus d’un film, ceux qu’on voulait réemployer. Aujourd’hui, nous travaillons avec des chimistes, des scientifiques spécialisés, pour sauver tout ce qui peut encore l’être. »

Le grand, et même très grand, projet des années à venir, c’est le Lucas Museum of Narrative Art. Il aura la forme… d’un vaisseau de Star Wars et sa construction vient de débuter à Los Angeles. On y verra des oeuvres picturales, photographiques et autres, célébrant l’importance du processus narratif dans la culture populaire. Et aussi bien sûr une exposition permanente consacrée à la saga.

(1) À Brussels Expo, jusqu’au 02/09. www.starwarsidentities.be

(2) Procédé d’avant le digital où un décor est peint sur du verre avec des espaces laissés vides où on insère ensuite des scènes filmées.

(3) L’Étoile de la Mort. Il en existait deux. Celle qui reste n’est pas en état de voyager et reste absente des expositions.

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