Rentrée littéraire 2024: les 40 romans repérés par la rédaction

© Marta Orcel
Fabrice Delmeire Journaliste
Philippe Manche Journaliste
Nicolas Naizy Journaliste
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus
Anne-Lise Remacle Journaliste
Bernard Roisin Journaliste
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Avec ses 459 nouveaux romans à paraître d’ici l’automne, la rentrée littéraire 2024 promet des aventures aussi sensibles qu’extraordinaires. Voyage subjectif en 40 étapes.

Qu’on se le dise, la rentrée littéraire 2024 réserve son lot de belles surprises aussi bien que de signatures attendues. Tout l’été, la rédaction de Focus Vif a lu les nouveautés débarquées en librairies depuis la mi-août. Voici sa sélection en ordre aléatoire.

Nord Sentinelle

Nord Sentinelle

Nord Sentinelle

De Jérôme Ferrari, éditions Actes Sud, 144 pages.

Entamant une trilogie consacrée à l’altérité, la colonisation et la violence (Contes de l’indigène et du voyageur), Ferrari délivre un tour de force littéraire. Le narrateur y relate le crime commis par le fils de son meilleur ami corse, Alexandre, parasite violent et oisif. Recueil de contes et diatribe cinglante contre le tourisme de masse, foisonnant et virtuose, Nord Sentinelle dépeint, avec un humour féroce, “l’épouvantable superficialité des mobiles humains, leur puissance dévastatrice, leur bêtise”. – F.DE.

Bien-être

Bien-être

Bien-être

De Nathan Hill, éditions Gallimard, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Bru, 688 pages.

C’est l’histoire d’un couple de Chicago confronté à l’usure du temps et des sentiments. Entre Jack et Elizabeth, entre le rebelle débarqué de sa ferme et la jeune fille ayant fui son milieu privilégié, il y avait pourtant comme une évidence. Mais qui ne résistera pas aux obstacles jalonnant la route du bonheur: un enfant instable, des carrières asymétriques, des traumas remontant à la surface, un embourgeoisement progressif. Avec humour et empathie, Nathan Hill décortique la psyché de ses personnages, révélant les rouages complexes de cette aventure humaine et la face B d’une génération en panne de certitudes. La fiction dans toute sa splendeur. – L.R.

Les Vérités parallèles

Les Vérités parallèles

Les Vérités parallèles

De Marie Mangez, éditions Finitude, 256 pages.

Dans Les Vérités parallèles, Marie Mangez s’attaque à un sujet passionnant, celui de l’imposture, ici celle d’un reporter de guerre qui invente sa présence sur les conflits. Un mythomane tout sauf flamboyant qui ne se révèle pas à la hauteur de ses propres mensonges. Une réflexion intéressante sur la frontière poreuse entre les faits et leur récit, le filtre de l’écriture, et la quête de la vérité, que l’on trouve parfois dans la fiction quand on la cherchait dans la réalité. – A.E.

La désinvolture est une bien belle chose

La désinvolture est une bien belle chose

La désinvolture est une bien belle chose

De Philippe Jaenada, éditions Mialet-Barrault, 496 pages.

C’est avec un plaisir presque coupable que l’on retrouve Philippe Jaenada, fin limier des cold cases à haute teneur historico-sociétale, qui, en se penchant sur le suicide d’une jeune fille de 20 ans, dresse le portrait d’une jeunesse d’après-guerre désabusée. Prenant pour cadre un Tour de France par les bords prétexte à exercer sa faculté à observer les gens avec amour dans leur vérité nue, l’auteur déploie les destins dans un volumineux récit et déplie les existences d’une génération perdue. – A.E.

Retour à Belfast

Retour à Belfast

Retour à Belfast

De Michael Magee, éditions Albin Michel, traduit de l’anglais (Irlande) par Paul Matthieu, 432 pages.

La vingtaine et tout juste diplômé à Liverpool, Sean Maguire est de retour à Belfast, dans un quartier encore hanté par les séquelles des “Troubles” du conflit nord-irlandais. À travers Sean, ce roman d’apprentissage à fleur de peau et de traumas dépeint une génération coincée entre fantômes du passé, sinistrose économique et culture de la masculinité marquée par le silence et la violence. Dans un style ambré comme une Guinness, pointe d’amertume comprise, Magee livre un portrait saisissant, cru et profondément humain de la capitale et de sa classe ouvrière, où le désespoir le dispute au besoin vital d’échapper à un déterminisme mortifère. – L.R.

Question 7

Question 7

Question 7

De Richard Flanagan, éditions Actes Sud, traduit de l’anglais (Australie) par Serge Chauvin, 288 pages.

Auteur célébré notamment pour La Route étroite vers le nord lointain (Booker Prize 2014), Richard Flanagan se livre à une autobiographie magistrale qui évoque à la fois Hiroshima et la cruauté de la soldatesque japonaise, l’influence de la littérature et de l’amour chez H.G. Wells sur la création de la bombe atomique, l’extermination des Aborigènes tasmaniens, la figure de ses parents, de leurs racines irlandaises catholiques, bagnardes ou natives. Une cosmologie personnelle et universelle décrite avec une puissance évocatrice vertigineuse. – B.R.

Nul ennemi comme frère

Nul ennemi comme frère

Nul ennemi comme frère

De Frédéric Paulin, éditions Agullo/Noir, 480 pages.

Après s’est imposé avec sa trilogie sur la genèse du terrorisme islamique, Frédéric Paulin confirme avec ce puissant nouveau roman qu’il est bien le chaînon manquant entre Jean-Patrick Manchette et Don Winslow. Ce premier volet d’une nouvelle trilogie, consacré à l’histoire douloureuse du Liban et sa guerre civile entre 1975 et 1990, s’achève avec les massacres de Sabra et Chatila. C’est vertigineusement documenté, formidablement passionnant et forcément contemporain. – PH.M.

Dogrun

Dogrun

Dogrun

D’Arthur Nersesian, éditions La Croisée, traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Bonnot, 272 pages.

New York, années 90. En rentrant du boulot, Mary découvre que Primo, son glandeur de petit copain, n’est pas simplement affalé, comme d’habitude, sur le canapé du salon. Il est aussi raide mort. Les cendres et le chien de Primo sur les bras, elle va arpenter Big Apple à la recherche des gens qui l’ont connu. Après le succès de Fuck Up l’an passé, les éditions La Croisée déterrent un autre roman culte d’Arthur Nersesian. L’Américain embringue le lecteur dans un réjouissant trip initiatique, prétexte à une nouvelle virée new-yorkaise hallucinée. – M.R.

Le Chagrin moderne

Le Chagrin moderne

Le Chagrin moderne

De Quentin Jardon, éditions Flammarion, 256 pages.

Le journaliste belge Quentin Jardon (auteur de l’enquête Alexandria parue chez Gallimard en 2019) passe à la fiction. Humoriste à la carrière sérieusement freinée, Paul n’a qu’une idée en tête: abandonner sur la route des vacances femme et enfant et disparaître… Sautera-t-il dans le vide? Portrait d’un représentant de la quarantaine cerné par les anxiétés de l’époque, Le Chagrin moderne revêt aussi les atours d’un roman plein d’humour sur une crise existentielle devenant ici comédie humaine grâce à son premier rôle attachant. – N.N.

 

Ayana Mathis – © Elena Seibert

Les Égarés

Les Égarés

Les Égarés

D’Ayana Mathis, éditions Gallmeister, traduit de l’anglais (États-Unis) par François Happe, 528 pages.

L’Histoire contemporaine des Afro-Américains se retrouve condensée dans une seule famille à la destinée tragique, et le portrait de femmes à la fois fortes, égarées et en quête mortifère d’une communauté à laquelle se raccrocher. Telle Ava, abandonnée dans les années 80 (et hélas provisoirement) par un mari violent, cinglé et sectaire, et jetée dans les rues de Philadelphie avec son fils de 10 ans. Dix ans après Les Douze Tribus d’Hattie, Ayana Mathis creuse son sillon à la fois âpre, poétique, communautaire et féministe. – O.V.V.

Houris

Houris

Houris

De Kamel Daoud, éditions Gallimard, 416 pages.

S’adressant à l’enfant qu’elle porte, Aube relate à sa “houri” (femme promise aux musulmans qui accèderont au paradis) son histoire et pourquoi elle ne peut se résoudre à la garder. Elle raconte la place des femmes en Algérie et comment, égorgée par des islamistes le 31 décembre 1999, elle survit grâce à une canule dans la gorge. En un long chant lyrique, Kamel Daoud s’oppose à l’oubli des massacres de la guerre civile, effacée des mémoires, et scande toutes les humiliations faites aux femmes. Un livre de combat. – F.DE.

 

Martyr!

Martyr!

Martyr!

De Kaveh Akbar, traduit de l’anglais (États-Unis) par Stéphane Roques, éditions Gallimard/Scribes, 480 pages. Parution le 19/09.

Après son recueil Cloche pèlerine (éd. Le Castor Astral) il y a quelques mois, voici le beau premier roman, surprenant et hanté, de l’Irano-Américain Kaveh Akbar. Aspirant poète sous addictions et en deuil de ses deux parents, Cyrus Shams est tiraillé entre ses identités multiples et obnubilé par les figures de martyrs. Se pourrait-il qu’il trouve des réponses à sa quête personnelle et familiale en rencontrant Orkideh, une artiste au seuil de la mort qui joue ses derniers instants sous forme de dialogue interactif au Brooklyn Museum? – A.R.

Le Déluge

Le Déluge

Le Déluge

De Stephen Markley, éditions Albin Michel, traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Recoursé, 1056 pages.

À la croisée du thriller et du film apocalyptique, cette fresque épique et monumentale (1 000 pages sur la balance) immerge le lecteur dans un avenir sombre où la crise climatique menace l’humanité. Catastrophes naturelles, fusillades de masse et manipulations politiques rythment cette dystopie qui se déploie autour de plusieurs personnages interconnectés -activistes, scientifiques, politiciens- confrontés à des choix moraux complexes. Aux manettes de ce livre-monde magistral, Stephen Markley navigue entre désolation et espoir, même maigre, d’une prise de conscience. “Prophétique, terrifiant, édifiant”, résume le maître Stephen King. Pas mieux. – L.R.

Alice Zeniter – © Lynn S.K.

Frapper l’épopée

Frapper l'épopée

Frapper l’épopée

D’Alice Zeniter, éditions Flammarion, 352 pages.

Alice Zeniter porte avec Frapper l’épopée son regard acéré sur une Nouvelle-Calédonie en pleine ébullition, à travers les destins croisés d’une enseignante qui veut croire au vivre-ensemble et de deux jeunes jumeaux kanaks en lutte et en colère. Alors que Tass, professeure de retour au pays, ignore l’histoire de ses origines, les jumeaux, eux, comptent bien en poursuivre l’écriture. Un récit d’une grande ampleur et d’une belle habileté éclairant aussi bien l’Histoire de l’île que sa brûlante actualité. – A.E.

 

L’Italien

L'Italien

L’Italien

D’Arturo Pérez-Reverte, éditions Gallimard, traduit de l’espagnol par Robert Amutio, 448 pages.

Algésiras, 1943. Sur la plage de la petite ville côtière espagnole et franquiste qui fait face à la pointe du rocher de Gibraltar, possession britannique située à l’autre bout de la baie, Elena découvre sur la plage le corps d’un homme en combinaison de plongée. Un plongeur qu’elle croit mort au premier abord. Défiant les consignes officielles, la jeune libraire, veuve de guerre, le ramène chez elle… Admirateur d’Homère et d’Alexandre Dumas, Arturo Pérez-Reverte fait usage une fois de plus tout au long de ce nouveau roman de sa plume-épée, d’un style à la fois fluide et épique. – B.R.

Gaël Faye – © J.F. Paga

Jacaranda

Jacaranda

Jacaranda

De Gaël Faye, éditions Grasset, 288 pages.

Fort de l’énorme succès de Petit pays (Goncourt des lycéens 2016 et adapté en film et en BD), l’écrivain et chanteur Gaël Faye plonge dans les multiples héritages sombres du génocide des Tutsis de 1994. Par l’entremise d’un personnage franco-rwandais qui découvre le Rwanda, le rappeur joue les passeurs en évoquant les horreurs de l’Histoire, mais mise aussi sur une génération d’après qui travaille à son émancipation des fantômes du passé. Une mission courageuse grâce à une galerie de personnages forts. – N.N.

 

Une trajectoire exemplaire

Une trajectoire exemplaire

Une trajectoire exemplaire

De Nagui Zinet, éditions Joëlle Losfeld, 112 pages.

Repéré sur les réseaux sociaux avec ses courts textes ramenards au parfum de Simenon, Fante ou Bukowski, le trentenaire Nagui Zinet (alias @NestorMaigret) publie son premier roman. Dans la même ambiance un rien surannée et avec, toujours, cette propension à multiplier les punchlines étourdissantes, il y conte l’histoire de N., raté quasi héroïque. Tombé amoureux, ce dernier se perd dans d’inextricables mensonges et se laisse emporter dans le tourbillon tragique généralement assorti… Imparable. – M.R.

La Vie meilleure

La Vie meilleure

La Vie meilleure

D’Étienne Kern, éditions Gallimard, 192 pages.

Tout le monde connaît la célèbre méthode Coué, fondée sur l’autosuggestion. Vers 1884, la recette miracle jaillit dans l’esprit d’un pharmacien de province après avoir confectionné un placebo pour une cliente récalcitrante… Aussitôt dit, aussitôt fait: Émile devient “malgré lui” le père de la pensée positive! Soulignant les ambiguïtés du personnage, Étienne Kern (Les Envolés) retrace son parcours balbutiant et inouï dans un roman biographique où la mélancolie interroge le pouvoir des mots. – F.DE.

 

Coupez!

Coupez!

Coupez!

De Laure Desmazières, éditions Quidam, 182 pages.

Scénariste pour la télé, consultante pitch pour le marketing, prof le soir, Manon écrit jour et nuit. Après sept ans passés sur un premier film qu’elle attendait tant, on lui annonce en plein tournage qu’elle a un week-end pour en transformer les scènes-clés. Une hérésie! Dans ce premier roman, Laure Desmazières procède à une mise en abyme du travail de maturation d’un texte. Une master class sur l’écriture du réel, le gouffre des ellipses, où chaque chapitre dissimule une porte dérobée. Moteur! – F.DE.

Il neige sur le pianiste

Il neige sur le pianiste

Il neige sur le pianiste

De Claudie Hunzinger, éditions Grasset, 224 pages.

Poursuivant son œuvre visant à dire le vivant dans toutes ses incarnations, en prenant le temps d’écouter le monde animal, Claudie Hunzinger, de sa langue imagée mais limpide, livre un roman d’amour où les polarités du désir sont inversées, où un pianiste et un renard sont les deux sujets complémentaires de la fascination de la narratrice. Une réflexion sur la vieillesse, la sauvagerie, l’amour comme une vibration, la musique comme “une forêt sonore”, et notre façon d’être au monde (ou contre lui). – A.E.

Hélène Gaudy – © Patrice Normand

Archipels

Archipels

Archipels

D’Hélène Gaudy, éditions de l’Olivier, 288 pages.

Si “aucun homme n’est une île”, le père d’Hélène Gaudy restait pour elle un territoire poreux, une entité trouée par le mystère et le silence, “planté droit dans un sol qui sans cesse se dérobe”. Entre cette passion qu’ils partagent des paysages et goût des images, l’autrice ressent le besoin de partir à la découverte de cet homme qui prétend ne pas avoir de souvenir d’enfance comme on se lancerait en zone non encore cartographiée. Récit à tâtons et en tendresse, Archipels ne manque pas de se sédimenter en nous. – A.R.

Cette femme qui nous regarde

Cette femme qui nous regarde

Cette femme qui nous regarde

D’Alain Mabanckou, éditions Robert Laffont, 160 pages.

Une lettre. Voilà ce qu’est le nouveau livre d’Alain Mabanckou: adressée à son héroïne, celle qui depuis son autobiographie rangée sur une étagère dardait ses grands yeux sur lui lorsque le tout jeune Alain se rendait chez son oncle René. En évoquant la figure d’Angela Davis, l’auteur de Verre cassé se souvient aussi de son parcours d’enfant du Congo-Brazzaville devenu professeur à UCLA, université où un jour de 2014 il assiste en “paroissien” à une conférence de sa divinité. Ce livre d’une étonnante sobriété est aussi l’Histoire du combat des Africains et Afro-Américains pour leurs droits et leur liberté. – B.R.

Maylis de Kérangal – © Francesca Mantovani/Gallimard

Jour de ressac

Jour de ressac

Jour de ressac

De Maylis de Kerangal, éditions Gallimard/Verticales, 256 pages.

Contactée par la police suite à la découverte d’un corps défiguré sur la plage du Havre, la narratrice apprend que l’inconnu transportait son numéro de téléphone. Tiraillée par ce mystère, la doubleuse de cinéma remonte ses propres traces dans la ville où elle a “poussé comme une herbe folle”… Maylis de Kerangal hante sa ville natale dans un portrait de femme tout en intériorité, échos et vibrations. Sur l’incommunicabilité, ce roman-énigme travaille un trouble indéfinissable cher au cinéma d’Antonioni. – F.DE.

 

Un désir démesuré d’amitié

Un désir démesuré d'amitié

Un désir démesuré d’amitié

D’Hélène Giannecchini, éditions du Seuil, 288 pages.

Le “désir démesuré d’amitié” du titre, découvert sur l’Homomonument d’Amsterdam lors d’un week-end entre amies, cache en fait un désir homosexuel longtemps invisibilisé. Hélène Giannecchini, autrice et théoricienne de l’art, choisit de s’en tenir au sens premier du mot “amitié”. À travers cette sorte de roman-enquête, elle explore son passé, les archives queer, les “récits cachés dans les photographies”, pour s’inventer une passionnante et émouvante “généalogie alternative” -et dire cette autre famille possible qu’est l’amitié. – M.R.

Susie Boyt – © Charlie Hopkinson

Amours manquées

Amours manquées

Amours manquées

De Susie Boyt, éditions La Croisée, traduit de l’anglais par Stéphane Vanderhaeghe, 240 pages.

Le jour où sa petite-fille Lily est baptisée, Ruth (narratrice piquante mais déboussolée), dans un sursaut de protection, décide de s’en occuper à la place de sa fille Eleanor, sur la pente glissante de la toxicomanie. Traduite pour la première fois pour son septième roman, l’autrice britannique Susie Boyt nous donne à lire la valse-hésitation poignante de trois générations, en tenaille dans un amour qui ne va pas de soi. La littérature ne nous offre guère de liens grand-mère-petite-fille, à plus forte raison si gorgés de nuances. – A.R.

Les Voisins

Les Voisins

Les Voisins

De Diane Oliver, éditions Buchet-Chastel, traduit de l’anglais (États-Unis) par Marguerite Capelle, 320 pages. Parution le 12/09.

Dans ce recueil -dont six nouvelles seulement ont été publiées de son vivant-, Diane Oliver (1943-1966) use d’une clairvoyance rare quant à la situation des Noirs américains à l’aube des avancées du mouvement des droits civiques. D’une famille qui craint pour la vie de son fils alors qu’il doit faire sa rentrée dans une école d’enfants blancs (Les Voisins) à une dénonciation du tokénisme ou à un virage horrifique (Ici on ne sert pas de mint julep), son mordant précoce nous est d’autant plus précieux qu’on a failli ne jamais la lire. – A.R.

Dire Babylone

Dire Babylone

Dire Babylone

De Safiya Sinclair, éditions Buchet-Chastel, traduit de l’anglais (Jamaïque) par Johan-Frédérik Hel Guedj, 528 pages.

Ce récit autobiographique de la poétesse jamaïcaine Safiya Sinclair tord les clichés de l’île des Caraïbes popularisée par le reggae de Bob Marley et victime, elle aussi, du surtourisme. Née et élevée dans une famille rastafari où la place de la femme est inexistante, l’autrice, qui vit aujourd’hui aux États-Unis, raconte son enfance, sa jeunesse et sa vie de jeune adulte en véritable survivante sauvée par l’écriture dans un livre de lutte et de résistance à la beauté troublante. – PH.M.

Les Derniers Jours du Parti socialiste

Les Derniers Jours du Parti socialiste

Les Derniers Jours du Parti socialiste

D’Aurélien Bellanger, éditions du Seuil, 480 pages.

Avec ce texte politique oscillant entre réel et fiction, on se doutait qu’Aurélien Bellanger en dérangerait plus d’un -c’est le cas, les polémiques ont débuté avant même sa sortie. Il tente d’expliquer la débâcle d’un parti, causée selon lui par quelques intellectuels obsédés par la laïcité et des idées nauséabondes. Quoique rattrapé par la réalité (le PS français est sorti ragaillardi des dernières élections), Les Derniers Jours du Parti socialiste n’en reste pas moins un roman captivant, qui invite à la réflexion. – M.R.

Le Retour de Saturne

Le Retour de Saturne

Le Retour de Saturne

De Daphné Tamage, éditions Stock, 232 pages.

Ça pourrait ressembler à un roman léger sur la détestation des hommes d’une jeune femme qui se serait trop souvent égarée dans des amours malheureuses. Mais méfiez-vous! Parcours de reconstruction d’Apolline sous le soleil de Conques, le roman de la Belge Daphné Tamage cache sous ses allusions à l’astrologie et ses passages mystiques une réflexion bien sentie sur le patriarcat et la volonté à vouloir faire de ses failles les nouvelles fondations de son existence. Une langue directe et des dialogues particulièrement bien troussés. – N.N.

Ilaria ou la conquête de la désobéissance

Ilaria ou la conquête de la désobéissance

Ilaria ou la conquête de la désobéissance

De Gabrielle Zalapì, éditions Zoé, 176 pages.

Au début des années 80, Ilaria embarque avec son père à la sortie de l’école. Elle ne sait pas encore que cette escapade en Italie loin de sa mère et de sa sœur jouera les prolongations, jusqu’au point de rupture. Gabriella Zalapì décrit dans une langue vive, imagée et incisive l’échappée de moins en moins belle d’un père et sa petite fille, vue à travers les yeux de l’enfant. Elle questionne ce faisant l’inconditionnalité de l’amour d’une enfant pour son père et l’effondrement de ce dernier. – A.E.

Le Paradis des fous

Le Paradis des fous

Le Paradis des fous

De Richard Ford, éditions de l’Olivier, traduit de l’anglais (États-Unis) par Josée Kamoun, 384 pages. Parution le 20/09.

Le Paradis des fous marque le grand retour de Frank Bascombe, alter ego romanesque de Richard Ford. Désormais âgé de 74 ans et confronté à la maladie neurodégénérative de son fils Paul, l’ancien journaliste sportif embarque son rejeton sarcastique dans un road trip vers le mont Rushmore. L’occasion pour l’auteur d’Indépendance de cogiter sur le bonheur, sur la vieillesse ou sur la complexité des relations familiales. Avec toujours ce sens ironique et irrésistible de l’observation pour dépeindre le versant kitsch de l’Amérique et pour révéler l’incongruité de la vie ordinaire et les petits moments de grâce embusqués dans la tragédie humaine. Un pur régal.​ – L.R.

Propre

Propre

Propre

D’Alia Trabucco Zerán, éditions Robert Laffont, traduit de l’espagnol (Chili) par Anne Plantagenet, 272 pages.

Chronique d’une mort annoncée. Estela nous avertit d’emblée: la fillette meurt. Cette fillette, c’est l’enfant de ses patrons, un couple de bourgeois de Santiago au service duquel elle travaille depuis sept ans. Avec Propre, confession à la première personne d’une employée de maison chilienne, Alia Trabucco Zerán livre une tragédie brève et percutante de la reproduction sociale, où la trajectoire intime de l’héroïne fait écho à l’effervescence d’un pays au bord de l’explosion. Terriblement efficace. – A.E.

Julia

Julia

Julia

De Sandra Newman, éditions Robert Laffont, traduit de l’anglais (États-Unis) par Hélène Cohen, 416 pages.

On ne sait si Julia marquera la rentrée. Mais on sait que ce roman ouvre la voie d’un nouveau filon éditorial, bienvenu s’il accouche de bons livres comme celui de Sandra Newman: il s’assume en effet comme une “réécriture” (ou “re-telling”) du classique d’Orwell, 1984. L’intrigue principale est la même, mais elle est racontée cette fois non plus du point de vue de Winston Smith, mais bien de celui de Julia Worthing. Et ça change tout -sauf l’horreur de ce monde dystopique et totalitaire, qui nous pend toujours au nez. – O.V.V.

 

Hexes

Hexes

Hexes

D’Agnieszka Szpila, éditions Noir sur Blanc/Notabilia, traduit du polonais par Cécile Bocianowski, 448 pages.

Livre foisonnant et fascinant, Hexes d’Agnieszka Szpila est un conte écologique et féministe dense (parfois très dense), aussi onirique que cru, explorant la question du trauma transgénérationnel. Voyageant dans le temps, Szajbel, entrepreneuse guerrière du XXIe siècle, revit la trajectoire douloureuse mais puissante d’une lignée de sorcières, les Terreuses, communauté révolutionnaire mue par une énergie brute qu’elle connaît bien. Un récit furieux et exaltant, ode rugissante à Mère Nature. – A.E.

 

Deborah Willis – D.R.

Girlfriend on Mars

Girlfriend on Mars

Girlfriend on Mars

De Deborah Willis, éditions Rivages, traduit de l’anglais (Canada) par Clément Baude, 496 pages.

Kevin, trentenaire désenchanté, traîne sur son canapé, angoissé par l’effondrement et écrasé par la soif d’action inattendue de son amoureuse, inscrite au casting de MarsNow. Cette émission de téléréalité recrute les Terriens et Terriennes qui coloniseront Mars. Une dystopie pop et drôle sur un loser aux nombreuses failles mises en lumière par la force et l’ambition de sa petite amie, dont on suit avec délectation les aventures, entre désir de séduction et de rébellion. Un page turner malin et divertissant. – A.E.

Long Island

Long Island

Long Island

De Colm Tóibín, éditions Grasset, traduit de l’anglais (Irlande) par Anna Gibson. 400 pages.

Renouant avec l’héroïne de Brooklyn (son best-seller de 2009), Colm Tóibín subjugue au travers des amours contrariées d’Eilis Lacey. Vingt ans après son départ pour les États-Unis, l’Irlandaise revient au pays durant les années 70. Elle y recroise Jim Farell, dont elle fut jadis éprise. Sur le thème des retrouvailles amoureuses, du tissu familial, l’art du détail balzacien et la finesse exquise des dialogues signent un remarquable portrait de femme émancipée. Grand style et art de vivre. – F.DE.

Ann d’Angleterre

Ann d'Angleterre

Ann d’Angleterre

De Julia Deck, éditions du Seuil, 256 pages.

En 2022, Julia Deck retrouve sa mère inconsciente après un accident cérébral, sans grandes chances a priori de s’en sortir. En fille qui a toujours perçu une étrangeté chez Ann mais aussi en romancière poreuse aux indices fictionnels, l’autrice décide d’essayer de mieux cerner cette déracinée anglaise qui lui a donné le jour. Entre investigations sur le passé et nécessité de soins au présent, regard acide sur le milieu hospitalier et secrets de famille au point d’incandescence, Ann d’Angleterre nous aimante. – A.R.

Justin Torres – © J.J. Geiger

Blackouts

Blackouts

Blackouts

De Justin Torres, éditions de l’Olivier, traduit de l’anglais (États-Unis) par Laetitia Devaux, 336 pages.

Mêlant subtilement documents caviardés et souvenirs fictifs flottants, Blackouts fait dialoguer deux hommes qui se sont jadis rencontrés à l’hôpital psychiatrique. L’aîné, Juan, fait promettre à son cadet de continuer à mener l’enquête sur Jan Gay, une anthropologue dont le travail pionnier sur l’homosexualité a été érodé. Comment se transmet une mémoire silenciée? Douze ans après le célébré Vie animale, Justin Torres nous revient avec un roman aussi énigmatique que poétique, vraie réflexion sur l’importance des archives souterraines. – A.R.

Mythologie du .12

Mythologie du .12

Mythologie du .12

De Célestin de Meeûs, éditions du Sous-Sol, 160 pages.

Un ado désœuvré traîne son ennui sur un parking périurbain chauffé à blanc. Au même moment, un médecin désabusé quitte l’hôpital tout proche pour retrouver la quiétude de sa villa où plus personne ne l’attend. A priori, ces deux-là n’ont aucune raison de se croiser. Sauf quand le hasard (et la glande) s’en mêle. Celui qui conduit Théo et son pote Max à aller siffler quelques bières sous la lune au bord d’un étang dans un petit bois, sans savoir qu’il appartient depuis peu au maussade docteur Rombouts. Porté par une langue volcanique, ce premier roman tout en tension sourde et moite converge irrémédiablement vers son issue dramatique. Brillant. – L.R.

Croire en quoi?

Croire en quoi?

Croire en quoi?

De Richard Krawiec, éditions Tusitala, traduit de l’anglais (États-Unis) par Anatole Pons-Reumaux, 230 pages.

Pat et Timmy se débattent vainement dans Pittsburgh, comme dans leur couple, en déréliction. C’est que l’aînée de leurs filles est gravement handicapée et Timmy a été licencié. Richard Krawiec conte une fois de plus l’envers du rêve américain en caméra embarquée, via les fins de mois difficiles débutées le 2 et les longues files au bureau du chômage. On est sous Reagan (le roman fut publié aux USA en 1996), mais le texte est on ne peut plus actuel. C’est juste, émouvant, et -tour de force- une lueur d’espoir inespérée illumine ce brillant roman. – M.R.

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