[Le film de la semaine] Un beau soleil intérieur, de Claire Denis

COMÉDIE DRAMATIQUE | Un véritable ovni cinématographique. Jubilatoire!

« J’ai envie d’avoir un amour, moi. Un vrai amour. » À l’écran, Isabelle (Juliette Binoche, idéalement déboussolée), artiste divorcée en quête éperdue du grand frisson, enchaîne les amants à moitié désirables, voire même franchement détestables (Xavier Beauvois, Nicolas Duvauchelle). La suite, petit théâtre malade des rapports amoureux, est un chapelet de rendez-vous manqués, de pathétiques incompréhensions et de valses-hésitations où l’on passe littéralement son temps à se demander comment ça va, comme pour faire écran avec le néant absolu de l’existence qui se joue tout autour. Car si le film, cruel et tendre à la fois, se montre extrêmement bavard, c’est pour mieux souligner l’insoluble incommunicabilité dans laquelle baignent ses personnages grotesques, à la dérive, bouffis de vide. Jusqu’à l’épuisement. « Je suis fatiguée« , ne cesse encore de répéter Isabelle…

Co-scénarisé avec la romancière Christine Angot, lointainement inspiré des fameux Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, le nouveau long métrage de la réalisatrice de J’ai pas sommeil et Beau travail, où l’on pointe encore la présence de Josiane Balasko en galeriste, le numéro d’anthologie du chanteur Katerine ou un caméo de Bertrand Burgalat, est un véritable ovni cinématographique, qui brocarde joyeusement les affres existentielles de la bourgeoisie parisienne, dézingue la violence symbolique de la classe friquée-cultivée de la capitale et présente la Ville Lumière en improbable supermarché à ciel ouvert du sentiment sous vide. Jusqu’à ce sommet d’absurde en apothéose emmené par un immense Gérard Depardieu. Jubilatoire!