Critique scènes: Une première fois comme un cauchemar

Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Dans Auteur inconnu, la comédienne Anaïs Moreau passe sa vie à rebours pour analyser comment cette nuit où sa première relation sexuelle s’est déroulée sans son consentement, à 16 ans, a fait basculer son existence.

La soirée avait pourtant bien commencé. Lors de la braderie annuelle du canal Saint-Martin à Rennes, en 1998, Anaïs, 16 ans, est abordée en rue par un garçon qui dit avoir son âge. Le courant passe bien. Il propose de lui offrir à manger, tout ce qu’elle veut. « La classe ». Puis il propose de l’emmener à l’hôtel. Et là, le rêve se transforme en cauchemar. La chambre est le théâtre d’un viol. Celui-ci sera d’abord tu par sa victime, pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, après une plainte déposée et classée sans suite pour motif d' »auteur inconnu », Anaïs Moreau, devenue comédienne, a décidé de porter son histoire sur scène. Avec un courage, une détermination et une sincérité absolument impressionnants.

Le sable de la scénographie, initialement étalé sur le sol avec une telle régularité que l’on croit d’abord dans la pénombre qu’il s’agit d’un tapis, puis chamboulé par le déplacement des meubles et des acteurs (Anaïs Moreau dans son propre rôle et Renaud Garnier-Fourniguet dans tous les autres, avec une belle souplesse), et enfin effacé au souffleur, constitue une métaphore efficace de la manière dont ce premier rapport sexuel sous la contrainte a transformé la comédienne, enfermée dans une spirale (auto)destructrice, mais aussi une image évocatrice des souvenirs, fragiles, mouvants.

Critique scènes: Une première fois comme un cauchemar
© Hichem Dahes

« Comment je fais pour aimer? Est-ce que je peux aimer sans violence? », s’interroge-la comédienne, qui refait le parcours la menant d’un spécialiste à l’autre, et du commissariat à la maison familiale, pour une discussion où sa mère fait part de son propre sentiment de culpabilité. Car la culpabilité est bien là, au sein des sentiments contradictoires, dans le chef de la victime mineure. Et l’on se rend compte que le chemin est encore bien long pour sortir de cette tenace « culture du viol ». En brisant le silence, en analysant l’impact de la blessure, le spectacle est un pas de plus dans la bonne direction.

Auteur inconnu: jusqu’au 22 septembre à la Balsamine, Bruxelles, www.balsamine.be

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