Docus et cinéma: les conseils télé de la semaine

Migrants attendant d'être transférés. Ellis Island (1912) © Library of Congress
Julien Broquet Journaliste musique et télé
Nicolas Clément Journaliste cinéma

La vérité sur l’assassinat de Lumumba. Comment l’Amérique a réagi aux crimes nazis. Histoire intime et enjeux sociétaux. Voici les conseils télé de la rédaction cette semaine.

Lumumba, le retour d’un héros

Samedi 14 octobre à 20 h 30 sur La Trois.

Documentaire de Benoît Feyt, Quentin Noirfalisse et Dieudo Hamadi.

Le 17 janvier 1961, le héros de l’indépendance congolaise Patrice Lumumba est sauvagement abattu à Shilatembo avec deux de ses collaborateurs. Les dépouilles ne sont pas retrouvées mais la colère gronde. Des dizaines de milliers de personnes accusent la Belgique de l’avoir assassiné. Il n’y aura pas d’enquête. Il faudra attendre 40 ans avant qu’un commissaire de police belge, romancier à ses heures perdues, sorte du silence. En 1999, un an avant sa mort, Gérard Soete avoue qu’il a fait disparaitre les cadavres de Lumumba et de ses alliés politiques Maurice Mpolo et Joseph Okito. “On a dû scier les corps en morceaux. Et on les a mis dans ce fût de 200 litres d’acide”, l’entend-on expliquer dans le documentaire de Benoît Feyt, Quentin Noirfalisse et Dieudo Hamadi. Lumumba, le retour d’un héros retrace les célébrations hautement politiques qui ont accompagné en 2022 le retour au Congo d’une dent du dirigeant africain, la famille de Lumumba ayant entrepris des démarches après avoir découvert dans la presse que la fille de Soete détenait encore une molaire de leur père…

© Dancing Dog Productions

Alimenté par les enfants des victimes, un historien, Ludo De Witte (auteur de L’Assassinat de Lumumba) ou encore l’artiste-belgo congolais Pitcho Womba Konga, et ponctué par des images d’archives aux commentaires surréalistes et choquants, le documentaire raconte l’histoire d’un assassinat et un rêve brisé d’indépendance. Il questionne ce qu’il reste de Lumumba en Belgique et au Congo aujourd’hui, tout en se demandant comment ces meurtres ont pu rester jusqu’à aujourd’hui impunis. (J.B.)

L’Amérique face à l’holocauste

Mardi 17 octobre à 20 h 50 sur Arte.

Série documentaire de Ken Burns, Lynn Novick et Sarah Botstein.

Les Européens considèrent souvent les États-Unis comme leur sauveur. Le pays qui leur a permis de ne pas devenir allemands au milieu du siècle dernier. Mais que peuvent et doivent penser les populations juives et certaines minorités du vieux continent quant au rôle joué par les USA avant et pendant la Seconde Guerre mondiale? Ont-ils vraiment essayé de venir à leur rescousse? En ont-ils fait assez pour leur ouvrir leurs portes? Cette Amérique qui a été un refuge pour des millions de déshérités et de persécutés fuyant leur terre natale quand il lui fallait des ouvriers, des fermiers, des soldats ou des pionniers pour assurer la conquête du continent et la construction de la nation a-t-elle fait tout ce qui était en son pouvoir pour leur venir en aide? La série documentaire en six épisodes co-réalisée par Ken Burns et Lynn Novick -duo à qui l’on devait déjà The War et Vietnam- et Sarah Botstein dissipe le mythe selon lequel les Américains ignoraient tout du génocide en cours. “Je pense que les Américains ont beaucoup de mal à savoir quel genre de pays ils veulent avoir, commente l’historien Peter Hayes. On associe souvent les États-Unis au poème d’Emma Lazarus gravé sur la statue de la liberté. “Donne-moi tes exténués, tes pauvres…” Mais l’exclusion et le refus d’accueillir étaient tout aussi américains.”

© NYPL

Dès 1933, journalistes, diplomates et lanceurs d’alerte avaient tenté d’informer. Trois mois après l’accession d’Hitler au pouvoir, plus de 3 000 articles traitant d’actes antisémites en Allemagne ont été publiés dans la presse américaine. Mais les conséquences de la crise économique qui s’est abattue depuis 1929 sur le pays, où près d’un travailleur sur cinq est sans emploi, continuent de monopoliser l’attention et la une des journaux. Profondément marqué par des courants eugénistes et antisémites, un large pan de la société blanche protestante craint le grand remplacement. Et quand en 1938, un sondage demande aux Américains s’ils pensent que les juifs allemands ont une responsabilité dans les persécutions qu’ils subissent, deux tiers d’entre eux répondent “en partie” ou “totalement”. Extrêmement riche et fouillé, L’Amérique face à l’holocauste repose sur des images d’archive (Burns aime toujours autant faire bouger des documents statiques), des éclairages d’historiens, des témoignages d’anonymes et des interviews de personnalités comme l’écrivain Daniel Mendelsohn. Il est d’autant plus nécessaire qu’il fait écho à l’actualité en cette période de crises migratoires et de montée de la xénophobie. L’antisémitisme et la propagande de Ford, les pensées nauséabondes de l’aviateur Charles Lindbergh et la politique de Roosevelt n’auront bientôt plus aucun secret pour vous… (J.B.)

En mis zapatos

Mercredi 18 octobre à 00 h 05 sur France 2.

Documentaire de Pedro Morato.

© Pedro Morato

Sur scène, il questionne celle qui lui a donné la vie: “Comment tu t’appelles? Qui est ton père? Qui est ta mère? Quel est le lien qui nous unit? Ah, nous sommes, frères et sœur? Ça y est. Ça recommence.” Danseur de flamenco de renommée internationale, Paco Mora a abandonné sa carrière pour s’occuper de sa mère, Carmen, lorsqu’on lui a diagnostiqué la maladie d’Alzheimer. Paco lui prépare à manger, la change, la lave, lui prépare ses médicaments, quand il ne l’emmène pas à la piscine… Il a aussi décidé de l’aider à réaliser son rêve, à exaucer son plus grand souhait: être danseuse. Documentaire indépendant hispano-belge, En mis zapatos dépeint leur quotidien et montre en noir et blanc avec des images très léchées leur émouvant travail sur les planches. Le réalisateur Pedro Morato y met en scène une relation mère-fils bouleversante, la condition des aidants proches et le pouvoir de l’art. “Même si tu es à côté de moi, des fois, tu n’es pas là. Tu arrêtes d’être toi. Et moi d’être moi”, dit Mora à sa génitrice. Alors, il a essayé de trouver un moyen pour qu’ils passent du temps ensemble. Difficile d’accepter qu’on ne peut pas faire plus. D’entendre certaines choses aussi. “Je pleure parce que je meurs sans me rendre compte”, commente Carmen du haut de ses 86 ans. Un documentaire à la fois dur et doux. Empreint de tristesse, de douleur, d’humour et de tendresse. (J.B.)

Automobile, l’électrochoc

Jeudi 19 octobre à 22 h 20 sur La Une.

Documentaire de Thomas Lafarge.

© Tournez s’il vous plaît

Le 8 juin 2022, le Parlement européen a décidé la fin de la vente de véhicules thermiques neufs, essence ou diesel, à partir de 2035. Un électrochoc pour l’industrie automobile et une nouvelle révolution industrielle en perspective dictée cette fois par l’urgence climatique. Les géants de la voiture ont dix ans pour se réinventer. Une transformation qui aiguise les appétits de nouveaux acteurs. À commencer par les Chinois… C’est devenu inéluctable, dans moins de quinze ans, la voiture électrique sera partout. Mais les constructeurs sont-ils prêts au changement? À quelles conséquences pour le marché faut-il s’attendre? Nourri par des économistes, des journalistes, des eurodéputés, Automobile, l’électrochoc raconte la supercherie du diesel propre et le scandale Volkswagen, qui a emmené dans sa chute BMW, Opel et Mercedes, mis en lumière l’emprise des constructeurs automobiles sur les institutions européennes et provoqué un grand changement de paradigme. Le point sur la voiture de demain… (J.B.)

Le film de la semaine: Oranges sanguines

Mercredi 18 octobre à 22 h45 sur Tipik.

Comédie dramatique de Jean-Christophe Meurisse. Avec Christophe Paou, Denis Podalydès, Blanche Gardin. 2021.

Attention, comédie noire, acide et déroutante! Découvert en séance de minuit au festival de Cannes en 2021, le deuxième long métrage de Jean-Christophe Meurisse (Apnée), réalisateur intrépide venu du théâtre, n’a jamais trouvé le chemin des salles en Belgique. C’est pourtant l’un des films français les plus radicalement singuliers et originaux qu’il nous a été donné de voir ces dernières années. Couple de retraités désargentés tentant de se refaire dans une compétition de rock, homme politique à l’intégrité toute relative jouant à cache-cache avec la presse afin de dissimuler ses magouilles, adolescente angoissée par la perspective de sa première expérience sexuelle consultant une gynécologue… Dans Oranges sanguines, les récits, faussement ordinaires, se dessinent d’abord en parallèle façon comédie chorale puis s’entremêlent dans les ténèbres d’une improbable nuit anxiogène. Chacun en prend juteusement pour son grade dans cette critique au vitriol de la société française! (N.C.)

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