Sorti dans les salles françaises en avril dernier, le nouveau long métrage de Mathias Gokalp, cinéaste à la fibre résolument sociale qui signait Rien de personnel avec Jean-Pierre Darroussin en 2009, n’a jamais trouvé le chemin de la distribution en Belgique. C’est sur la plateforme Sooner que cette adaptation du livre autobiographique de Robert Linhart, paru aux éditions de Minuit à la fin des années 70, se rattrape aujourd’hui. Situant son action au lendemain de Mai 68, L’Établi cueille Robert (le toujours impeccable Swann Arlaud, consacré avec Petit paysan), normalien agrégé de philosophie et militant d’extrême gauche, au moment où il choisit de se faire embaucher chez Citroën. Comme d’autres camarades, il ambitionne d’infiltrer la vie à l’usine afin de raviver le feu révolutionnaire. Sur le terrain, il découvre surtout la fatigue et l’aliénation, et voit ses idéaux passés violemment au filtre de la réalité abrutissante du travail à la chaîne. Mais quand Citroën exige de ses ouvriers de prester des heures supplémentaires à titre gracieux, il perçoit la possibilité d’un vrai mouvement insurrectionnel…
En prise sur la beauté de la naissance d’un élan solidaire mais aussi sur les limites de certaines aspirations intellectuelles, ce drame sobre et nuancé traduit sans cynisme ni naïveté toutes les complexités humaines qui sous-tendent la lutte pour une plus grande dignité dans le travail ouvrier. Gokalp y jette un œil lucide dans le rétroviseur pour mieux entrer en résonance avec le présent et son flot ininterrompu d’injustices sociales.
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