Critique | Séries/Télé

[à la télé ce soir] Normal People

© DR
Nicolas Bogaerts Journaliste

Emballé en roman clé de la génération Y version Instagram, auréolé de son million d’exemplaires vendus et de son statut d’authentique phénomène d’édition, le roman Normal People de Sally Rooney est arrivé au printemps dernier dans sa version française, après son adaptation en série inaugurée en 2020 sur la BBC et la plateforme Hulu.

La diffusion par France 5 de cette fiction britannique inédite chez nous se déroule donc à quelque distance temporelle de l’attention formidable entourant son autrice (qui co-signe le scénario). Du livre, la série en 12 épisodes capture en réalité la sensibilité et la délicatesse déroutantes, sans en ôter les parts de cruauté et d’amertume. Son propos défie les frontières des générations en abordant la question de l’amour, de la confusion des sentiments, du déterminisme, de la souffrance intérieure et de leurs plus infimes signaux avec une étonnante grandeur d’âme.

L’attraction désastre et la relation amoureuse discontinue entre les jeunes Marianne et Connell s’étirent tout au long de leur scolarité de lycéens jusqu’aux portes de l’âge adulte. Marianne est issue d’une famille riche mais meurtrie: un père violent décédé, une mère à la lisière de la toxicité, un frère maltraitant. Connell est le fils de leur femme de ménage, d’origine prolétaire mais qui se sublime dans le foot. Il est la star de l’équipe de son école, hyper populaire. Elle évite la plupart de ses condisciples mais son apparente froideur hautaine cache une anxiété qui la ronge jusqu’à l’os. Ces deux-là s’aiment. Pourtant, au fossé social s’ajoute un autre, plus complexe, silencieux à l’extérieur mais dont les grondements nous parviennent insensiblement: les deux tourtereaux peinent à se faire entendre, à se comprendre, parce qu’articuler le moindre sentiment est un défi quasi insurmontable. En découle une série de malentendus, de non-dits, d’occasions furtivement manquées, observés à une juste distance et qui nourrissent parcimonieusement la tension du récit.

Plus qu’une histoire d’amour, c’est le récit d’un lien. C’est une dissertation sur l’anxiété et le transport, qui donne une part immense et inespérée à la communication non-verbale, aux attentes, à ces mots purs qui réclament un miracle ou un courage démesuré afin de prendre corps. La dimension romanesque indéniable doit beaucoup au couple d’acteurs principaux, dont l’alchimie perceptible, filmée avec habileté, marque une série qui fait songer tout autant à la littérature sensible de Jane Austen qu’aux introversions délicieusement mal ajustées de la pop new wave et romantique.

Série créée par Alice Birch, Mark O’Rowe et Sally Rooney. Avec Daisy Edgar-Jones, Paul Mescal, Sarah Greene. ****

Lundi 14/02, 21h00, France 5.

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