Vaya Con Dios : « On essaie tous de combler le vide »

Dani Klein: “Dans une époque très dure, c'est important d'essayer d'apporter un peu de lumière.” © Dirk Alexander
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Neuf ans après avoir fait ses adieux sur scène, Dani Klein sort un nouvel album de Vaya Con Dios, Shades of Joy. Le retour de l’une des figures les plus emblématiques de la belpop. Enfin apaisée?

Vaya Con Dios, c’est, depuis 1986, six albums, au moins autant de tubes (Just a Friend of Mine, Puerto Rico, Nah Neh Nah, etc.), plus de 13 millions de disques vendus dans le monde. Vaya Con Dios, c’est surtout Dani Klein, née Danielle Schoovaerts. Star sur le tard (elle a déjà 33 ans quand le groupe décolle), voix unique et gouaille atypique. Une sorte d’Annie Girardot de la belpop. Même charisme singulier, hors des canons. Même âme tourmentée aussi -au début de l’année, la chanteuse évoquait encore dans les colonnes de Humo les violences conjugales qu’elle a subies, et les épisodes dépressifs qu’elle a traversés.

En 1996, lors de la cérémonie des César, une Annie Girardot en larmes remerciait le cinéma de ne pas l’avoir complètement oubliée. Dani Klein, elle, n’a jamais vraiment vécu de traversée du désert. Mais a-t-elle forcément toujours eu la reconnaissance qu’elle méritait? Notamment du côté francophone.

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En janvier dernier, Vaya Con Dios recevait un Lifetime Achievement Award lors des MIA’s, sorte d’équivalent flamand des Victoires de la musique. “On m’a toujours davantage soutenue au nord du pays. Peut-être parce que j’ai chanté la plupart du temps en anglais? Ici, si vous ne chantez pas en français, que vous n’êtes pas spécialement proche de la France, c’est plus compliqué. Et puis, ce genre de cérémonie n’existe pas vraiment du côté francophone. Je me souviens avoir été invitée il y a quelques années à un truc qu’ils avaient inventé. Ça s’appelait Les Femmes de Cristal. Je m’étais acheté une belle robe, je m’étais “tapé” Spa. Et c’est Marie Warnant qui a remporté le prix!” (rires).

Esprit de contradiction

Intitulé Shades of Joy, le nouvel album de Vaya Con Dios inclut bien un titre en français –La Vie. Mais pour le reste, les fondamentaux sont respectés, entre soft rock, soul (Always Something Missing), blues jazzy (Leaving Home) et accents latino (Una Mujer). Le disque arrive dix ans après ce qui était censé être la tournée d’adieu de Vaya Con Dios. J’avais besoin de me poser, ne plus être par monts et par vaux.” Depuis l’ultime date à Forest National, Dani Klein a ainsi passé la majeure partie de son temps en Espagne. Il a fallu le Covid pour qu’elle se remette sur les rails. À un moment où le monde rentrait dans sa bulle, la chanteuse sortait de la sienne. Appelez ça l’esprit de contradiction. “Ma mère me disait ça souvent…” (rires).

Comme à ses débuts, Vaya Con Dios redevient pour l’occasion un trio. Il est composé cette fois avec Thierry Plas et François Garny. Le premier raconte: “C’était le confinement. J’étais chez moi, dans mon studio. Dani était bloquée à Bruxelles, elle ne pouvait plus repartir en Espagne. Comme on s’emmerdait tous les deux, je lui ai proposé de venir faire un truc incroyable: de la musique!” Rapidement, François Garny est appelé pour pimenter les premières ébauches avec sa basse. Au bout d’un moment, les titres s’accumulent. Et un nouvel album prend forme…

Un peu de douceur

Officiellement (visuellement aussi), Shades of Joy est le plus coloré de la discographie de Vaya Con Dios. Dani Klein: “L’époque est très dure. Il y a la guerre au Proche-Orient, une autre en Europe. Et puis le climat, le sort de la planète en général. Dans un contexte pareil, c’est important de pouvoir aussi proposer des moments de plus légers, qui apportent un peu de lumière.

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À l’autopsie, Shades of Joy est pourtant loin d’être un long fleuve tranquille. A fortiori si l’on se penche sur les paroles. Un exemple au hasard: “The world is a circus/We are the clowns” (Maybe). Un autre: “Tu quitteras ce monde seul et nu” (La Vie). Ambiance. “Mais j’ai toujours écrit comme ça!”, s’amuse Dani Klein. De manière si désenchantée, voire désespérée? “Je ne dirais pas “désespérée”. Ou alors dans le “bon” sens du terme. C’est-à-dire que quand on cesse d’espérer, on peut voir les choses telles qu’elles sont. Et dès lors mieux les accepter. Voire en faire, malgré tout, quelque chose de joyeux, d’agréable, d’intéressant à vivre.

A la dure

Dans Dancing in the Rain, elle chante encore: “I’ve learned the hard way” (“J’ai appris à la dure”). “Oui, c’est un fait. Comme beaucoup de filles de ma génération, j’étais très naïve. On nous a fait croire à un conte de fées: un mari, des enfants, le bonheur, etc. On était programmées pour ça.” Aujourd’hui, les mentalités ont évolué. Et l’image de Dani Klein peut-être aussi un peu.

Depuis le dernier album de Vaya Con Dios, le vent du mouvement #MeToo a soufflé. D’artiste présentée parfois comme “difficile”, la Bruxelloise passerait aujourd’hui plus volontiers pour une chanteuse badass. “Quand un homme sait ce qu’il veut, il est vu comme quelqu’un de fort. Mais si vous êtes une femme, vous passez pour… une emmerdeuse. Moi je m’en suis toujours foutue. Je préfère être celle qui a un sale caractère. Je dirais même que ça m’a servi dans la vie. Ça m’a aidée à ne pas me laisser marcher sur les pieds.” En janvier, son Lifetime Achievement Award dans les mains, Dani remerciait ainsi ses parents d’avoir fait de leur “unique fille, une femme indépendante, et de ne l’avoir jamais fait sentir moins importante qu’un homme

L’appel du vide

À 70 ans, la Bruxelloise paraît apaisée. Un adjectif que l’on n’a pas dû lui accoler souvent. Sur Always Something Missing, elle chante par exemple avoir tout essayé -“I tried coke, weed, speed/Whatever got me high (…) Yoga, meditation, got psychoanalysed”. Pour finalement se résoudre à ce qu’il y ait toujours “quelque chose qui manque”… “On lutte tous pour essayer de combler ce vide. Et au final, le trou est toujours là. Ce n’est pas grave. À nouveau, il faut juste apprendre à l’accepter. Une fois qu’on a intégré ça, on peut passer à autre chose.

Cela fait longtemps qu’elle l’a compris? Elle s’esclaffe: “Non! Vraiment pas! Mais à force d’essayer de remplir ce vide, je me suis fatiguée. On finit alors par se dire que c’est peut-être plus malin d’essayer de vivre avec. Ce n’est pas facile, mais une fois que vous y arrivez, c’est la libération totale!

© National

Vaya Con Dios, Shades of Joy ***, distribué par CNR.

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