Critique | Musique

Shay, « pétasse » de pique

3,5 / 5
© Lee Wei Swee
3,5 / 5

Album - Pourvu qu'il pleuve

Artiste - Shay

Genre - RAP

Label - Because

Critique - L.H.

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Cinq ans après Antidote, Shay sort enfin Pourvu qu’il pleuve, troisième album calibré pour cartonner.

Dès le premier morceau, Shay met les choses au point. À sa manière. Sur Partie hier, elle explique: “Album n’est pas sorti à temps/Vraie pétasse sait se faire attendre”. C’est vrai que la rappeuse a su se faire désirer. Plusieurs fois annoncé (le single DA, en 2022), son troisième album a été à chaque fois reporté.

Pourvu qu’il pleuve sort finalement cette semaine. Soit un peu moins de cinq ans après Antidote. Plus d’un aurait disparu dans l’intervalle. Pas Shay. Il faut dire que Vanessa Lesnicki de son vrai nom (Bruxelles, 1992) aime prendre son temps. À l’omniprésence et l’abattage, la trentenaire préfère la rareté (médiatique, notamment) et le tir de précision. Jusqu’à présent, avec succès. Au point même de passer du statut de star du rap à celle de phénomène pop -son rôle de juré dans les deux premières saisons de Nouvelle école, sur Netflix…

Shay butée

Sur Pourvu qu’il pleuve, Shay consolide son personnage. Celui d’une femme indépendante dans un monde de mecs. La “boss bitch”, arrogante et sexuellement provoc’, dans une scène hexagonale où la vulgarité reste encore un privilège masculin. Davantage influencée par Nicki Minaj que par Diam’s, Shay est cette rappeuse à sang froid, baissant rarement la garde. C’est Trinity dans Matrix, Gail dans Sin City (le clip de Commando) ou la Nikita de Luc Besson (“Pour mieux les niquer, j’ai fait la coupe à Nikita”).

Même quand elle est amoureuse, Shay tient à distance: “Tu me dis que tu veux décrocher la lune/Mais de loin, je préfère le cash”, sur Shooter, citant le Dilemma de Nelly et Kelly Rowland. Material girl assumée (“Y a que l’argent dans ma tête”, Partie hier), la rappeuse numero uno empile les liasses, ne passant pas un morceau sans s’offrir un nouveau sac. Souvent drôle (“Je fais la garce, il va baisser la garde/Il fait la cuisine, j’ai les pieds sur la table”, sur Commando). Mais toujours impitoyable (“Ça me fait du bien de faire du mal”, 1000 à l’heure).

© National

Ego trip calibré pour cartonné, Pourvu qu’il pleuve assure la prise. Sans surprise? “Du mal à écouter mon cœur”, avoue Shay (sur Bad Daddy), elle qui avait fait pourtant mine auparavant de vouloir fissurer la cuirasse (BXL). Musicalement aussi, Shay file droit. Chantant au moins autant qu’elle rappe, elle intègre parfaitement les sonorités afropop-caribéennes du moment –T mimi, Santa Fe, Cash. Mais, hormis JGG, truculent comme du Megan Thee Stallion, l’album ne s’éloigne jamais trop des balises rap FR mainstream. À un moment où celui-ci semble précisément tourner en rond, c’est ballot. Et ce ne sont pas les invités -Gazo, SCH et Niska- qui vont vraiment faire sortir le blockbuster de ses rails.

Dans un rap FR où les têtes d’affiche ont, soit, disparu de la circulation, soit décidé de se mettre en pilotage automatique, Shay continue pourtant de se démarquer. Bien sûr, Pourvu qu’il pleuve veut faire sauter la banque. Mais là où les cadors se sont mis à ronronner, Shay a toujours faim. “J’ai fait l’argent, mais j’ai gardé tout le seum”, insiste-t-elle. La hargne chevillée au corps.

Distribué par Because. En concert le 12/07, aux Ardentes, Liège.

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