Critique | Musique

On était au concert de Noname, à Anvers : rimes cash, concert flash

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Concert - Noname

Date - 23/01/2024

Salle - De Roma

Critique - L.H.

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Mardi soir, à Anvers, la rappeuse américaine Noname venait présenter son formidable album Sundial, à De Roma. Flow mitraillette et rimes politiques, en 50 minutes, montre en main.

Il ne doit pas toujours être simple d’être Noname. Ni d’être fan de la rappeuse-poétesse-musicienne. Deux albums et une mixtape à peine,  en 10 ans. Tous autoproduits, chacun dépassant à peine la demi-heure. Des concerts au compte-gouttes. Et une indépendance et un engagement à gauche marqué, qui ont pu la faire douter un moment de continuer dans la musique. Ceux qui l’ont vue en 2019, au Botanique, se souviennent également bien de son passage-éclair. Bouleversée par le meurtre de Nipsey Hussle quelques jours plus tôt, destabilisée de jouer devant un public quasi uniquement blanc, la jeune femme quittait la scène après une bonne vingtaine de minutes…

Mardi, à De Roma, à Anvers, elle fera deux fois plus long. Cinquante minutes, top chrono. Mieux donc, mais toujours pas de quoi dissiper une légère frustration. Ni l’ambivalence du personnage. Quand on vous disait qu’il n’était pas toujours aisé d’aimer Noname… L’an dernier, son public était tout de même récompensé avec Sundial, formidable disque, l’un des albums les plus marquants de 2023, dont le rap poil-à-gratter était à peine adouci par le groove soul chaleureux.

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La nouvelle avant-garde

Mardi soir, pour la première de sa tournée européenne, il est entièrement décliné sur scène. Pour l’occasion, Noname est accompagnée d’un simple trio basse-batterie-claviers. Tant pis pour les chœurs (pourtant présents sur la tournée Room 25). Et qui, sur disque, arrondissent son flow vinaigré. Soit. Black Mirror lance le concert, suivi du single Song 33« I’m the new vanguard », assure l’intéressée. Tout sourire, Noname a l’air de vouloir passer un bon moment. Sur Rainforest, la rappeuse-activiste insiste : « I just wanna dance tonight ». En s’inquiétant tout de même : « Est-ce qu’il y a quand même quelques Noirs dans la salle ? ». Rassurée, elle peut continuer avec Afro futurism et Toxic.

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Entre inflexions jazz, soul, voire bossa, la musique tente de remplir tant bien que mal l’ancien cinéma aux hauts plafonds. Noname, elle, débite sans bandes, le flow mitraillette. Fascinant mais ne délivrant pas vraiment le genre de rimes susceptibles d’être reprises en chœur par le public. D’ailleurs, à un moment, on entend dans la foule : « ça va trop vite ! ». Hilarité générale. « Mais c’est comme ça que j’écris ! », s’excuse presque Noname. Elle ralentira tout de même un peu, le temps d’une version laidback de Reality Check.

Equation complexe

L’un des hightlights du concert reste pourtant bien le titre Namesake. Sur le beat tight, tout le monde en prend pour son grade : de Beyoncé à Kendrick Lamar, coupables d’être un peu trop complices d’une industrie du divertissement compromise avec celle de l’armement. La charge est appuyée, mais Noname a la bonne idée de ne pas se retirer de l’équation : « I said I wouldn’t perform for them/And somehow I still fell in line », admet-elle, rappelant qu’elle aussi a participé au festival Coachella… Bizarrement, c’est aussi le moment que Noname choisit pour faire participer le public, en lui faisant reprendre en chœur le « no, no, no », du refrain.

De la même manière, Balloons est l’un des morceaux les plus directement dansants et les plus polémiques de Sundial. Et pas seulement à cause du refrain douteux de Jay Electronica. « Casual white fans/Who invented the voyeur », rappe ainsi Noname, devant son public majoritairement “causasien”. Une manière de questionner la manière dont l’empire du cool s’est emparé de la culture afro-américaine et de ses traumatismes.

Noname n’épargne personne, ni elle, ni ses pairs, ni son public. Et c’est aussi pour cela que sa musique est précieuse, férocement libre, y compris dans ses ambiguïtés. Après une quarantaine de minutes de concert, Noname quitte une première fois la scène. Quand elle revient pour les rappels, elle empoigne un drapeau palestinien, tendu par les premiers rangs. Et de lancer un « Free Palestine ! » suivi de « Free Congo ! Free Sudan ! ». Il lui reste alors encore deux derniers morceaux, issus de sa première mixtape Telefone : Diddy Bop mitraillé a capela, avec l’aide du public, puis Shadow Man. Un peu court tout de même pour lancer la révolution. Ou même pour emballer définitivement un concert.

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