Les vérités d’Hervé, plus personnel dans son nouvel album: « J’avais besoin de me raconter davantage »

Hervé: "Je crois que j’avais besoin de me raconter davantage." © OJOZ
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Après sa Victoire de la révélation masculine, Hervé sort son deuxième album, Intérieur vie. Toujours aussi énergique, mais plus intimiste. Rencontre avant son passage aux Franco folies de Spa.

« Si j’ai un plan? Non, franchement. Tout est tellement spéculatif dans la musique… Si je regarde le parcours du premier album, par exemple, ce n’est qu’une suite d’accidents. Heureux, pour le coup.” Attablé dans un café de la Butte aux Cailles, colline du 13e arrondissement parisien aux allures de petit village, Hervé remonte le fil. Celui d’un premier album, Hyper, mélangeant chanson, pop et appétence dance, un peu comme la rencontre entre Higelin et Stardust.

Publié au printemps 2020, en plein confinement, il mettra du temps à trouver son public.Je commence par sortir un premier clip, tourné dans ma cuisine (Si bien du mal, NDLR). Sur YouTube, ça tourne pas mal, mais les radios ne le jouent pas trop. J’en filme un deuxième, pour Mémoire, mais que j’utilise finalement pour Addenda. De nouveau, ça démarre lentement.” Sauf qu’une pub pour un café s’en empare. “Huit mois plus tard, Addenda devient le morceau le plus shazamé en France!

De quoi programmer une première date à l’Olympia. Elle affichera rapidement complet. Avant de devoir être finalement annulée pour cause de Covid… Toujours pas de quoi démonter le jeune artiste. J’ai quand même filmé une session live, dans la salle complètement vide. Plus tard, j’ai appris que c’est ce qui avait poussé le comité des Victoires à m’intégrer dans la liste des préselectionnés.” En février 2021, Hervé remporte finalement le trophée de la révélation masculine de l’année. Sur les images de la cérémonie, la surprise est totale. Et l’émotion non feinte.

Deux ans plus tard, le chanteur est de retour, avec un deuxième album, Intérieur vie. La démarche n’est pas beaucoup plus calculée. Réfléchie certes. Mais sans doute n’y a-t-il pas de grande stratégie derrière. Hyperactif, Hervé est plutôt du genre à faire, et puis voir. Du moment qu’il y a eu la nécessaire montée d’adrénaline. Comme pour le clip du morceau Tout ira mieux demain, pour lequel il n’a pas hésité à s’immerger entièrement dans une coulée de béton (encadré tout de même par une équipe de médecins). La vidéo est visible sur YouTube. Elle est bluffante.

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Le flou artistique d’Hervé

Après le succès de son premier album, Hervé n’a donc pas traîné. “J’ai terminé la tournée en décembre 2021. Le 4 janvier, je louais déjà une maison pour m’isoler et écrire.” Sur Abritel, il dégote un pied-à-terre en Ariège, au pied des Pyrénées, puis deux, trois autres en Bretagne. Chaque fois, la session s’étale sur plus ou moins deux semaines. Sur place, il se pose au milieu du salon, y installe son matériel. “Le même depuis 2008.” Micros, clavier et ordinateur: il ne faut pas grand-chose de plus pour celui qui compose, produit et enregistre tout tout seul. “À la fin, il ne reste plus qu’à mixer et masteriser.

Hervé a tout de même voulu un peu modifier la recette. La manière de faire est restée à peu près identique, mais l’angle est différent. Sur Intérieur vie, il est plus personnel. Je crois que j’avais besoin de me raconter davantage. Je l’avais déjà fait sur le premier album. Mais ici, c’est exprimé de manière plus claire. Sur Hyper, par exemple, il y a un titre comme Bel Air qui était déjà très personnel. Mais je me souviens l’avoir fait écouter à mon meilleur pote, en pointant telle ou telle allusion qui me semblait limpide. Il n’avait rien capté! Ça m’a interpellé. Je me suis dit que j’avais peut-être loupé le coche d’une certaine manière.” Non pas qu’il faille se montrer complètement transparent. “Mais j’aime l’idée que, dans le flou, il y ait des zones plus nettes qui se dégagent.

© National

Daddy’s issues

Qui est donc Hervé? Il est ce jeune trentenaire, né au début des années 90 en Bretagne. Ce dont témoignent les binious samplés en début de disque, sur D’où je viens. C’est toutefois en banlieue parisienne qu’il grandit.

Avec, ado, l’envie de devenir footballeur pro, avant de se faire happer par la musique. C’est le titre Tout autour de moi, qui sample Bobby Womack. “Je parle vraiment de cette période-là. J’ai 15, 16 ans, et je sample à mort de la soul. C’était l’époque où il y avait beaucoup de morceaux échantillonnés, avec des voix souvent pitchées. Comme sur les deux premiers albums de Kanye West, ou Feeling for You et I Love U So de Cassius, etc.” Sur le même morceau, Hervé explique aussi le malaise adolescent, et comment la musique est venue à son secours -“Je rentrais du lycée en courant/Je bouffe la moitié de ma vie en médicament/Je préfère encore me fumer les tympans/Que de finir par me fumer”…

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Enfant de parents qui s’écœurent” (Pulsions), il vit alors essentiellement avec sa mère. On comprend que le père est en grande partie absent. “Mais il n’y a pas de jugement. Ce n’est pas un règlement de comptes. Ça a été chaud, c’est vrai. Mais c’est la vie. Aujourd’hui, on s’entend quasi tous les jours au téléphone.” Sur Chelou, il glisse: “Je suis parano quand on s’organise”. “J’avoue que dès qu’un groupe de pensées se structure, j’ai tendance à me méfier. Mon père est quelqu’un de très engagé à gauche, syndiqué anticapitaliste, altermondialiste, etc. Mais j’ai l’impression de l’avoir souvent entendu râler. Ça finissait toujours par merder (rires). Au départ, c’est toujours spontané, puis les choses s’organisent, on désigne un leader, des conseillers, un attaché com… Avec tout ce que ça engendre aussi comme guerre d’ego, etc. J’ai le sentiment que ça termine souvent comme ça.

De Daft Punk à Johnny

Électron libre, Hervé bute même contre le système scolaire. À 16 ans, il quitte le lycée et commence à travailler.J’ai fait des ménages, bossé dans le bâtiment, la restauration…” Il passe quand même son bac, en élève libre -“Du côté de ma mère, j’étais le premier à l’avoir. C’était important.” Mais son ambition est bien de devenir musicien. Alors, il se débrouille. Il avance en complet autodidacte, du genre obsessionnel. Même s’il ne connaît personne dans le milieu -“mais de toutes façons, qui contacter à partir du moment où je ne savais pas trop moi-même où j’allais?

Au bout d’un moment, il lance un premier duo -Postaal- et commence à placer des mélodies -notamment pour… Johnny Hallyday. Aujourd’hui, il gère sa propre embarcation. Que l’on devine houleuse, mais toujours lumineuse. “L’album n’est pas sombre. Je dis des choses parfois dures. Mais c’est juste un fait. Je vis avec ça, ce sont mes fantômes. C’est dans mon caractère de me dire que tout ira mieux demain. Et puis, si je n’avais pas vécu tout ça, je n’aurais peut-être pas la même énergie…

Hervé, Intérieur vie, distribué par Romance Musique. ***1/2
En concert le 22/07 aux Francos de Spa et le 23/11 à l’AB (Bruxelles).

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