Critique | Musique

Le flou artistique de Nabihah Iqbal

3,5 / 5
© JOSEPH HAYES
3,5 / 5

Album - Dreamer

Artiste - Nabihah Iqbal

Genre - POP

Label - Ninja Tune

Critique - Ph.C.

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Londonienne aux origines pakistanaises affirmées, Nabihah Iqbal prend un bain de fraîcheur new wave dans son deuxième album.

Sans doute faudra-t-il un jour concevoir une étude analytique quant à l’intro des chansons. Comment celles-ci se trouvent-elles donc façonnées et dirigées par le premier segment du morceau? Ou pas? Dans cette perspective, Iqbal constitue un intéressant cas d’espèce. Sur ces dix nouveaux titres, elle glisse des introductions qui rappellent inévitablement les années 80. La native de 1988 ne s’en souvient forcément pas directement. Mais difficile de ne pas assimiler le début de This World Couldn’t See Us à des réminiscences salées du New Order des débuts, basse grumpy et claviers rincés… Ou encore, cette nette impression d’entendre The Cure dans les prémices d’Is This Where It Ends. Jeu de cartes, puzzle avoué, goût pour l’illusion et la complémentarité? Si Nabihah réalise de fait un album sous influences, c’est aussi pour les détourner et les emmener au grand air. Par exemple, dans le long prélude acoustique/hypnotisant de Lilac Twilight, ou alors en s’invitant dans la franchise décalée de Sunflower, du pur Genesis 1973. Puisque Nabihah se permet, une fois les invitations faites, de laisser pisser le mouton de ses propres compositions. C’est là que ce vieux gri-gri éternel de “mélange des cultures” constitue un agréable poil à gratter.

© National

La ville et le bled

Née dans une famille de six enfants, grandissant dans le plutôt chic quartier londonien de Regent’s Park, Nabihah a aujourd’hui un profil large: conférencière, curatrice d’expos, intellectuelle, poète, radiowoman, musicienne étant son visage le plus public. Après de généreuses reviews de son premier album paru en 2017, retour au charbon. Cambriolée dans son studio de la Somerset House des bandes de son deuxième album, elle se trouve alors comme la cigale, bien dépourvue. Et puis, il y a le retour au Pakistan parce que son grand-père traverse un sérieux crash de santé. Sources qui, dans le sous-continent indien, l’amènent à composer à l’harmonium et à la guitare acoustique, achetés sur place. L’exil momentané se double ensuite de séjours dans des bleds d’Écosse et du Suffolk. Là, face aux nuits d’encre -typiques de la campagne profonde internationale-, la trentenaire londonienne plante les graines de Dreamer. Moins un clin d’œil au hit seventies de Supertramp -faut peut-être pas charrier hein- qu’une façon réussie de croisements gourmands. L’électro et l’acoustique, la frénésie nocturne et puis le repos des guerrières, la ville et le bled, l’anglicité et l’Orient: il y a tout cela dans un album que l’on peut juste vivre de fraîcheur immédiate. Ou alors en creusant des interrogations d’identité, au centre d’un disque qui reste à explorer. En toutes saisons.

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