Critique | Musique

Emiliana Torrini retrouve The Colorist Orchestra pour un deuxième album

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Emiliana et son orchestre, un certain sens de la fête. © National
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Album - Racing the Storm

Artiste - Emiliana Torrini & The Colorist Orchestra

Genre - Pop

Label - Pias

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Deuxième album de l’italo-islandaise Emiliana Torrini avec le collectif flamand The Colorist Orchestra, Racing the Storm met du baume et de l’imagination fertile dans ce monde de brutes.

Emiliana Torrini (1977) est née en Islande d’un père italien, d’où son patronyme napolitain. Membre du groupe GusGus islandais, installée à Londres en 1998, elle développe un CV multiple au long de huit albums perso, entre pop indie, folk acoustique et trip hop moelleux. La voix, cousine de Björk, dessine des ambiances semblables aux livres illustrés pour enfants et adultes rêveurs: des teintes calmes, un fin dessin, de la poésie juste, des couleurs chaudes. L’épanouissement passe également par de multiples collaborations: de la coécriture d’un tube pour Kylie Minogue en 2003 à l’interprétation du thème du Seigneur des anneaux. Et puis, Emiliana croise la route du collectif anversois The Colorist Orchestra: une première rencontre grâce à une poignée de concerts au milieu de la dernière décennie résulte en un live de reprises de titres d’Emiliana où l’électronique fait la fête à l’organique. Avec Emiliana, les deux coloristes principaux -les multi-instrumentistes Aarich Jespers et Kobe Proesmans- zooment sur leur nouveau projet discographique. Emiliana: “Il y a dix ans, je suis retournée vivre en Islande, parce que mon compagnon y avait une opportunité unique de travail. Avec nos deux jeunes enfants, nous habitons en dehors de Reykjavik, près d’un lac, en pleine nature. Parfois, Londres me manque, son métro et les conversations que tu y captes, la diversité culturelle, éventuelles sources nourricières de ma musique. Ici, c’est très calme.” Le Covid éloignera ensuite Emiliana et les comparses belges: les MP3 circulent alors entre le plat pays et l’Islande. Cette fois-ci, plus question de reprises, mais de onze chansons originales, bourlinguées entre deux bouts d’Europe un moment paralysés. Aarich (le plus bavard des deux coloristes): “Il y a eu un désir de créer de nouveaux morceaux avec Emiliana, pas seulement d’autres arrangements de son répertoire. Le processus a commencé en 2018, qui a réuni deux cultures pas forcément si différentes.” Soit une île volcanique de l’Atlantique Nord -un peu plus de trois fois la Belgique pour moins de 400 000 habitants- et notre atypique royaume. Et Aarich de préciser: “Les conditions de travail avec Emiliana, très particulières, ne nous ont pas empêchés de travailler dans le détail, et la douceur. Rien n’est figé d’avance et l’humour n’est jamais inutile…

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Emiliana Torrini & The Colorist Orchestra sont en concert le 9 mars 2023 au Reflektor à Liège, le 10 mars au Wilde Westen à Courtrai, le 11 mars à l’Ancienne Belgique à Bruxelles, le 29 mars à De Roma à Anvers et le 30 mars à de Handelsbeurs à Gand.

Installer une vibration

Racing the Storm est un cocoon luxuriant. Autant sophistiqué dans les nuances vocales d’Emiliana que dans l’armada sonore de The Colorist. Formation de huit musiciens et de beaucoup plus d’instruments, incluant de multiples percussions, mais aussi le marimba, diverses variétés de (contre)basses, la clarinette, le violon, l’alto, une tripotée de dispositifs électroniques, sans négliger la présence de miroirs, verres et pierres sonores. Guère étonnant que la signature de l’album soit aussi riche que fine. Même si au fil des chansons apparaissent les fantômes d’un monde contemporain au bord d’un naufrage avéré: par exemple, Hilton laisse le souffle d’Emiliana recueillir des fragments sur la façon dont l’isolement -période Covid comprise- peut frapper n’importe qui. Avec nuance, selon Aarich: “Quand on s’est plongé dans ces morceaux, dont les paroles ont été écrites par Emiliana et deux autres auteurs, on s’est rendu compte qu’il fallait sans doute éviter d’amener des textes reflétant uniquement le caractère anxiogène de notre environnement actuel, de ses aveuglements. Il fallait plutôt revenir à la beauté de la musique, ne pas rajouter une opinion supplémentaire sur nos sociétés, alors qu’il en existe déjà tellement…Donc, laisser à la lumière du son l’occasion de parler.” Via Zoom, Emiliana se trouve justement dans une lumière qui évoque davantage le printemps éclairé qu’une morne fin d’hiver. Le soleil donne, comme dirait le copain de Souchon. Emiliana a donc d’abord passé ses 21 premières années en Islande et y est ensuite revenue il y a une décennie. Comment fait-elle le lien entre son pays -tellurique, sauvage- et son travail musical? “Je ne pense pas que ce disque soit destiné à rendre les gens “heureux” mais plutôt à installer une vibration, un visuel. Sans être intrusif, il s’agit de donner l’impression que les choses peuvent bouger. Personnellement, le meilleur moment pour écouter cet album est sans doute quand je rentre le soir, prépare le repas et débouche une bouteille de vin. Que je parle avec des amis invités et peut-être, qu’on se mette à danser…

Notre critique de Racing the Storm d’Emiliana Torrini & The Colorist Orchestra

Les onze titres font fermenter le même sentiment: sans être un album concept, il y a clairement une filiation et une continuité naturelles entre les chansons. Qui en fait une sorte d’Emiliana au Pays des merveilles, servie par des orchestrations et des arrangements extra- parfumés. Et même doucement guérisseurs. L’ensemble évoque un cataplasme vibrant, dans un genre dream pop sans nunucherie. Avec un sens filmique, comme dans le bien nommé A Scene from a Movie, l’un des quelques morceaux déjà sur YouTube & C° en version vidéo. Exposant un équilibre original entre poésie et absurdité, humour et émotion.

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