BCUC, la tornade musicale ébouriffante venue d’Afrique du Sud

"Quand nous montons sur scène, il n’y a pas de règles", ­assure Jovi, le chanteur de BCUC, qui se produira le 7 avril à l’AB.
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

La tornade sud-africaine BCUC s’apprête à frapper l’Ancienne Belgique et à secouer le festival BRDCST. Préparez vos mollets.

La parole est posée, le sourire radieux et l’enthousiasme contagieux. Une heure avant de monter sur scène dans une salle communautaire de York, Zithulele Zabani Nkosi, alias Jovi, le chanteur de BCUC, débarque toutes vibes dehors devant la caméra de la visio. Né dans un container maritime transformé en restaurant communautaire à deux pas de l’église où ­Desmond Tutu a organisé l’évasion des militants anti-apartheid les plus recherchés de Soweto, BCUC fait souffler sur l’Afrique du Sud et le monde un vent revigorant et porteur d’espoir. Spiritualité africaine, messages universels, rythmes percussifs et esprit punk… BCUC incarne le renouveau d’un pays qui se cherche.

Chant choral, voix soul et rap furieux. Tambour de bouche zoulou, sifflets de mineur shona, corne imbomu (ancêtre de la vuvuzela) et basse héritée du groove ­mbaqanga… La musique fédératrice, extatique et polyglotte de BCUC s’adresse autant aux ouvriers qu’aux marins et aux prisonniers, aux opposants du gouvernement et aux habitants des bidonvilles, jusqu’aux esprits des ancêtres avec lesquels le groupe entre en connexion à chaque concert.

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Inspiré par Fela Kuti, Jovi a toujours voulu faire de la musique qui allait changer des vies. C’est inscrit jusque dans le nom du groupe, BCUC, pour Bantu Continua Uhuru Consciousness. « L’homme en marche vers la liberté de conscience. » « On était extrêmement politiques à nos débuts. Disons qu’on essaie de proposer des chansons qui vont faire danser et réfléchir les gens. On va à leur ­rencontre. On sait qui ils sont et ce qu’ils ressentent.« 

Pas facile d’être un groupe qui l’ouvre et proteste en Afrique du Sud. « Parfois, tu as des gens qui viennent te dire: « Tu devrais arrêter de chanter cette chanson, mec. Oublie-la si tu veux éviter les emmerdes. » Je pense au morceau Vumani par exemple, qui doit encore se trouver sur YouTube et qui parle de la façon dont l’Afrique du Sud a traité Winnie Mandela. On a dû l’abandonner. On n’a pas été victimes de violence mais on nous a adressé un avertissement calme, clair et dissuasif.« 

Plus récent, le titre Ramaphosisa fait référence à Cyril Ramaphosa, l’actuel président. « Il ne travaille pas pour les gens. Et pourtant, il y en a beaucoup dans ce pays qui n’ont rien, qui vivent dans une extrême pauvreté. L’éducation devient de plus en plus chère. Aujourd’hui, si tu nais pauvre en Afrique du Sud, tu y mourras pauvre. Tes enfants le seront. Et tes petits-enfants aussi. Sans doute plus encore que toi. L’enseignement permettrait aux gens de sortir de leur condition. On ne pensait pas que ça se passerait comme ça après l’apartheid. On imaginait que l’école deviendrait gratuite. Pourquoi est-elle à vendre chez nous? Ça te garantit tout de suite que les plus démunis ne seront jamais éduqués et qu’ils ne se réveilleront jamais.« 

Jovi ne mâche pas ses mots: « Ceux qui nous dirigent ont facilement recours à la force et n’hésitent pas à faire tirer sur des grévistes. Pendant le confinement, le président a envoyé les soldats dans les rues pour s’en prendre à ceux qui ne portaient pas de masques. Il avait même fait préparer des milliers de trous pour enterrer les victimes de la maladie. C’est un corrompu. Il cache de l’argent dans son canapé…« 

Alors que les élections nationales approchent (les Sud-Africains se rendront aux urnes le 29 mai), l’ANC pourrait selon les sondages perdre sa majorité pour la première fois depuis que le parti est arrivé au pouvoir avec la chute de l’apartheid il y a 30 ans. « Je ne sais pas comment je vois la situation et encore moins ce qui va se produire. J’ai arrêté depuis longtemps de me prononcer politiquement. Je suis juste un artiste. J’ai beaucoup d’opinions et je fais de la musique en espérant aider les gens. Notre message est plus social que politique. On parle comme des amis qui discutent dans un bar de ce qui se passe dans leur pays. On est juste des citoyens. Pas des politiciens. On s’en fout de la gauche, de la droite. Ce qui nous intéresse, c’est que les décisions soient bonnes et profitent au peuple.« 

“Les règles sont ennuyeuses”

Avant de faire carrière dans la musique, Jovi, 47 ans cette année, était comédien. Il a joué dans des pièces, au cinéma, à la télé. « J’ai toujours été attiré par l’idée de créer des choses, d’inviter les gens à l’intérieur de ma tête. Avant, je racontais des histoires à travers le théâtre. Maintenant, c’est grâce à la musique. » Les sept insoumis de BCUC ont quatre albums à leur actif. Ils sont issus de ­différentes tribus et utilisent dans leurs chansons les onze ­langues officielles d’Afrique du Sud: l’anglais, le zoulou, le sotho, le tswana, le xhosa, le swati et même un peu d’afrikaans… « Pourquoi pas? Les règles dans la vie sont ennuyeuses. Aucun de nos morceaux ne contient qu’une seule langue. Aussi parce qu’on veut que nos chansons soient comprises à la maison. »

Pour l’instant la musique qui cartonne en Afrique du Sud, c’est l’amapiano, la dance music des townships. « Dans l’underground, tu entends beaucoup de jazz. Mais le rock’n’roll est en train de percer. De plus en plus de groupes noirs en jouent leur propre version. Des petits scènes ­dispersées à travers le pays se connaissent et se fédèrent.« 

Jovi a grandi avec la musique zoulou et les chansons contestataires de la lutte. Il a aussi été bercé par celles de James Brown, de Howlin’ Wolf, de Ray Charles et de Mystic Revelation of Rastafari. « Nous avons commencé en 2003. Cheex, qui jouait du saxophone, répétait dans le centre communautaire à côté de chez moi. Je l’ai entendu. Je lui ai proposé de rapper sur sa musique. Et il a accepté. C’est de là que tout a démarré. On baignait davantage dans un trip néo soul, hip-hop, mais on a toujours été percussifs. » La musique de BCUC a dès le début été inspirée par le son des tambours. « La batterie de type sud-africain a clairement quelque chose d’hypnotisant. Je ne peux pas le dire autrement. À chaque fois que tu l’entends, elle touche ton âme. Dès que tu fermes les yeux, tu es parti. Ça ne va pas très fort, mais tu es parti. » État de transe garanti.

BCUC est en concert ce dimanche 7 avril à l’Ancienne Belgique dans le cadre du BRDCST Festival.

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