Au Live /s Live, Grace Jones en toute extravagance

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Désormais localisé à Anvers, le festival Live /s Live a réussi sa seconde édition, confirmant sa ligne pop-rock pour public adulte. Dimanche, il avait même osé confier la tête d’affiche à Grace Jones. Cette folie…

Anvers, dimanche soir. Cela fait cinq bonnes minutes que le son façade a été coupé. Mais sur la scène principale du Live /s Live, Grace Jones et son groupe semblent ne toujours pas l’avoir remarqué. Ils continuent de jouer, comme si la plaine était toujours à eux. Ultime séquence drolatique et surréaliste d’un concert qui n’en a pas manqué…

Il faut dire que pour clôturer sa seconde édition, Live /s Live n’a pas été chercher n’importe qui. Icône eighties, personnage extravagant, Grace Jones est le genre d’artiste pour qui le mot star semble avoir été inventé. A 75 ans, la dame continue d’ailleurs de parler aux nouvelles générations – sur la plaine du Middenvijver, les quelques spectateurs plus jeunes d’un public majoritairement quadra-quinqua, étaient visiblement venus pour elle. Même sans enjeu particulier, ni nouvel album – le dernier, Hurricane, date de 2008 –, elle continue d’intriguer. Et de surprendre. Le moins étonnant étant finalement son manque de ponctualité. A Anvers, la tête d’affiche du jour est arrivée en effet avec une vingtaine de minutes de retard sur l’horaire prévu. Quasi à l’heure, dans le monde de Mrs Jones…

Diva masquée

Il est donc un peu passé 23h20 quand le show démarre. Vêtue d’une étole noire couvrant momentanément son bustier guêpière, la chanteuse porte des lunettes noires et un masque en forme de tête de mort, surmonté de plumes argentées. Et d’entamer Nightclubbing, groove moite et louche au bout d’une soirée qui peine toujours à se rafraîchir.

C’est Grace Jones dans sa version la plus charismatique. Une pythie autoritaire et imposante. Ce n’est cependant pas cette version-là qui va l’emporter ce soir. Au Live /s Live, Grace Jones va surtout donner à voir son côté le plus excentrique et déluré. Elle est à la fois diva et personnage comique – « I can’t see shit ! », hurle-t-elle quand elle doit descendre de son promontoire, dans une semi-obscurité, la vue encombrée par son masque. Pendant My Private Life, elle commence par chanter assise par terre, avant de carrément s’allonger de tout son long. Plus tard, pour My Jamaican Guy, elle est remontée sur son estrade. Là, elle s’étend sur la rampe de sécurité, passe l’une de ses longues jambes, et finit par se laisser pendre, faisant tomber au passage la rangée de lampes en contrebas…

L’excès en toute nuit

Grace Jones a toujours fait ce qu’elle voulait – c’est sans doute pour cela qu’elle fascine autant. Et ce n’est pas aujourd’hui que la glorieuse septuagénaire va changer. Ce soir en particulier, elle semble parfois en roue libre. Sans doute l’un ou l’autre verre de rouge ont pu aider. Comme celui encore à moitié rempli, posé dans un coin, sur lequel zoome le caméraman avec insistance…

D’ailleurs, à un moment, le show commence un peu à tanguer – « Why did I do that ? », se demande même Grace Jones à un moment. Heureusement, elle peut compter sur un groupe au taquet, imperturbable devant les fantaisies de sa patronne. Bérets noirs, et tenues de black panther, les deux choristes restent aux aguets, tandis que la section rythmique donne le cap.

Pendant ce temps-là, après avoir balancé violemment son tambourin dans le public, la star est montée sur les épaules d’un membre de la sécurité, et parcourt la fosse en saluant les premiers rangs. Sur Love Is The Drug, elle se couche à nouveau par terre, écarte les cuisses, se met à quatre pattes, tire la langue… Dans la dernière ligne droite, elle prolonge le plaisir sur l’insubmersible Pull Up To The Bumper, avant d’aller chercher son hula hoop pour le faire tourner autour de sa taille pendant Slave To The Rhythm… 75 ans ou 15, on ne sait plus trop.

Couvre-feu

A ce moment-là, Grace Jones a déjà dépassé l’heure de concert prévue. Et, vu le retard pris au départ, outrepassé le couvre-feu imposé à minuit. Le festival est donc obligé de couper le son façade. La star et son band ne jouent plus que pour eux-mêmes. Finalement, les musiciens rendent les armes, tandis que Grace Jones reste encore de longues minutes. Elle invite même encore une fan à la rejoindre. La star étreint son invitée, l’embrasse et lui tape sur les fesses. Avant de tendre à son tour son postérieur pour se faire fesser. Sur le coin de la scène, le le verre de vin est désormais vide…

LIVE /S LIVE RÉUSSIT LA PASSE DE DEUX

Dix-sept mille cinq cents spectateurs pour la journée de samedi. Quelque 12 500 pour celle de dimanche. Même s’il reste évidemment une marge de progression, les organisateurs du Live /s Live se montraient satisfaits au bout du week-end.

Pour cause : il n’est jamais facile de lancer un nouvel événement, et pour sa seconde édition seulement, le festival a déjà réussi à marquer son terrain. Lancé l’été dernier, Live /s Live avait été inauguré sur la plage de Zeebruges. Cette fois, c’est au Midden Vijver, sur la rive gauche d’Anvers (Linkeroever) que le festival a trouvé refuge. Moins de sable, mais un site mieux « distribué », avec même un mini sous-bois dont l’ombre aura été particulièrement bienvenue pendant le week-end : le Live /s Live a sans doute trouvé le refuge idéal pour les années à venir.

Pour le reste, il en a profité pour resserrer sa ligne « éditoriale ». Soit une seule scène principale (seulement complétée par un deuxième mini-podium, qui sert plus d’entracte, entre deux têtes d’affiche). Et une programmation pop-rock qualitative (dEUS, Suede, The War On Drugs, etc) pour un public adulte. Des quadras-quinquas qui ne se retrouvent plus toujours dans les affiches « éclectiques » des autres rendez-vous XXL de l’été. Bien vu.

      

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