Critique | Musique

Angel Bat Dawid célèbre la mort du jazz pour mieux le ressusciter

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© DR
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Album - Requiem for Jazz

Artiste - Angel Bat Dawid

Genre - Jazz

Label - International Anthem

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Angel Bat Dawid questionne un film de 1959, la prétendue mort du jazz et son rôle dans l’Histoire noire. Vibrant.

On les connaît les fossoyeurs de la musique. Ceux qui enterrent le rock tous les 10 du mois, qui ont mis l’électro à peine née six pieds sous terre et qui ont incinéré le rap jusqu’à être rappelés à l’évidence par l’art et le marché. Le troisième album d’Angel Bat Dawid est inspiré par The Cry of Jazz. Ce film documentaire tourné en 16 mm noir et blanc (voir ci-dessous), cet essai audiovisuel à petit budget -d’autres iront jusqu’à parler de manifeste- réalisé en 1959 par Edward Bland relie le jazz à l’Histoire afro-américaine. Rythmé par des prises de vues réelles des quartiers noirs de Chicago, des sessions de Sun Ra et des scènes jouées lors d’une soirée multi- raciale, The Cry of Jazz postulait à l’époque à travers l’un de ses personnages que le jazz, intimement lié à la souffrance du peuple noir, était mort même si son esprit persistait. Se basant sur ses propres écrits, Bland arguait que ses éléments structurels, ses changements de formes et d’accords, ne pouvaient plus évoluer.

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Bat Dawid répond à cette idée saugrenue avec un disque. Un disque majoritairement enregistré au Hyde Park Jazz Festival de Chicago en 2019. Soit l’année où sortait son premier album, The Oracle, enregistré avec son téléphone portable. “Si le jazz est mort, pourquoi n’y a-t-il pas eu de funérailles?” Construit comme un requiem afrofuturiste, ce disque de quasiment une heure questionne le décès du genre en même temps que son rôle dans l’Histoire noire.

Pour l’occasion, ABD avait composé et arrangé une suite en douze mouvements inspirée en partie par les dialogues du film et l’avait immortalisée accompagnée du Tha ArkeStarzz, un ensemble de quinze musiciens noirs tous issus de la communauté créative de la ville, et de Tha Choruzz, une chorale de quatre personnes dont des chanteurs du Black Monument Ensemble (il y avait aussi lors de la captation des danseurs et des artistes visuels). Elle a ensuite mixé et post-produit des enregistrements de la performance en y ajoutant des interludes, des voix, des sons et en transcrivant un morceau du film. Ces interludes portent d’ailleurs le nom de bouts de dialogues qui en sont issus. Jazz Is Merely the Negroes Cry of Joy & Suffering, Jazz Is the Musical Expression of the Triumph of the Negroes Spirit… Bat Dawid a aussi convié à la célébration Marshall Allen et Knoel Scott du Sun Ra Arkestra le temps d’une chanson.

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I am the promise. Everyone on this stage is the promise, clame-t-elle. Bandleader, compositrice, pianiste, clarinettiste, Bat Dawid a toujours insisté sur le fait que ce qui sortait d’elle était imprégné de l’Histoire, de la culture, des joies, de la souffrance, des hauts et des bas de l’expérience noire… Elle signe ici un disque ambitieux, vibrant, théâtral et avant-gardiste. Elle joue avec le passé d’un peuple et d’une musique pour les projeter dans un avenir plus ou moins proche. Jazz is not dead. Color is the future.

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