Voir de ses propres yeux

C’est le premier roman d’Hélène Giannecchini, mais les plus curieux l’auront peut-être découverte dès 2014, avec Une image peut-être vraie, sur la photographe Alix Cléo Roubaud. On y devinait des velléités romanesques, et voici donc Voir de ses propres yeux. Autant le dire, on ne va pas mourir de rire: la mort était déjà très présente dans son précédent ouvrage -Alix Cléo Roubaud est morte prématurément, à seulement 31 ans-, elle est ici le sujet même du livre. Entre deux deuils, la narratrice visite un musée bâlois et y découvre Vésale, le grand anatomiste de la Renaissance. Fascinée, elle se lance alors dans des recherches effrénées. « La dégénérescence devenait belle, regardée de si près », affirme-t-elle face à un corps en putréfaction. On pense alors aux personnages du légendaire Crash de J.G. Ballard, obsédés par les stigmates infligés au corps par de terribles accidents de la route. Ce n’est pas morbide pour autant et, comme investie d’une mission -apprivoiser la mort, le deuil-, la narratrice se lance dans une traque à travers l’Europe. Tandis qu’elle « mêle la rêverie à l’analyse pour tenter de fonder un nouveau lien avec la mort » dans ce dédale de corps, de photos, de textes et de personnages historiques (Vésale, Fragonard ou Morandi, une des rares femmes anatomistes…), une mystérieuse « femme en vert » fera office de guide inattendu. Grâce à Hélène Giannecchini et sa compréhension aiguë du deuil, peut-être saurez-vous, enfin, au bout de cette sorte de thriller érudit et à la sincérité désarmante, comment « vivre avec (vos) morts ».

De Hélène Giannecchini, éditions du Seuil, 224 pages.

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