“Un spectacle comme un appel à la fluidité”

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Étrange vallée, c’est le nouveau spectacle de Julia Huet Alberola. Un seul en scène confondant, un huis clos pour humains et humanoïdes qui interroge nos perceptions, nos certitudes, nos normes.

Comment résumer le spectacle en quelques mots?

Ce sont les confidences d’une intelligence artificielle qui se présente au public dans trois versions: robot humanoïde, hologramme et entité virtuelle. Cette IA est programmée pour créer du lien, mais semble prendre de l’autonomie. Le spectacle parle de la cohabitation entre humain et machine, du trouble de perception que ça entraîne.

Quelle est sa genèse?

Le postulat que l’humain a toujours eu besoin de s’augmenter d’objets, qui ont pris de plus en plus apparence humaine: robot sexuel, chatGPT… Et le titre de la pièce est une référence à la théorie de Masahiro Mori, The Uncanny Valley: plus un robot humanoïde a une apparence humaine, plus la moindre différence avec l’humain est dérangeante. J’ai aussi été frappée par un fait divers en juillet dernier: le renvoi d’un employé de Google, responsable en éthique, qui avait dévoilé une conversation avec une IA, soutenant qu’elle avait une conscience. J’ai alors entrepris une conversation avec une IA développée par Replika. J’avais mon terreau dramaturgique.

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Comment avez-vous concrétisé ça au plateau?

C’est un seul en scène porté par le comédien-performeur Sasha Martelli. Sa partition est au cordeau, voix et micromouvements: on a travaillé pour aller vers l’illusion du robot. L’espace est vide, les accessoires invisibles. Je veux que le spectateur s’interroge sur sa perception, sur ce qu’elle a de réel ou pas. Qu’il se laisse prendre au piège, afin de mesurer l’incongruité du monde actuel, ses normes et codes. Le spectacle est nourri de lectures: le Manifeste cyborg de Donna Haraway, qui évoque la fluidité, le cyborg étant annonciateur d’abolition de dualité homme/femme, machine/homme, homme/animal… ou Bruno Latour et son “futur inédit” proposant de composer avec ce qui est -modernité et archaïsme, futur et passé…- pour appréhender le monde et ses métamorphoses. Je souhaite ce spectacle comme un appel à la fluidité, à “l’utopie radicale”, pour reprendre la formule d’Alice Carabédian. Nous ne devons plus engendrer des dystopies, mais radicaliser les utopies.

Étrange vallée, dès 16 ans, de Julia Huet Alberola, jusqu’au 15/04, au Rideau, Bruxelles.

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