BÉATRICE TILLIER, AUTEURE À PART ET À SUCCÈS, A IMPOSÉ SON ÉLÉGANCE ET UN PEU DE SA FÉMINITÉ DANS LE MONDE TRÈS MÂLE DE LA FANTASY. SA NOUVELLE COMPLAINTE DES LANDES PERDUES EST UN BIJOU DU GENRE.

On ne dirait pas comme ça: l’auteur qui a le plus la cote aujourd’hui dans le monde très mâle et très fermé de la fantasy et du fantastique en bande dessinée est une femme: Béatrice Tillier vient en effet de reprendre les rênes de La Complainte des landes perdues, la saga fantastico-médiévale à succès entamée dès 1993 par Jean Dufaux et Rosinski, lui-même remplacé par Philippe Delaby à la fin du quatrième tome et premier cycle. Celui-ci est tragiquement décédé il y a près de deux ans, mais sa disparition n’a rien à voir avec la reprise et l’apparition de Béatrice Tillier: « La reprise était planifiée depuis 2008. Je travaillais déjà avec Jean sur Le Bois des Vierges, je savais que son troisième et dernier cycle serait en grande partie consacré aux sorcières, sujet qui m’intéresse. Et Philippe était un ami de longue date, il était très enthousiaste à la lecture des premières planches. » Le choix de Tillier ne doit donc rien au hasard ni à l’urgence: son trait résolument réaliste et le souci du détail apporté à ses décors, ses expressions ou ses anatomies l’imposaient comme une évidence. Rien à voir non plus avec le fait que ce nouveau cycle, retournant aux origines de la guerre entre les Moriganes et les Chevaliers du Pardon, sera riche en personnages féminins. « Jean a son fil rouge sur cette série depuis longtemps, confirme sa dessinatrice. Il se fait qu’il y a beaucoup de personnages féminins, nous sommes aux origines de l’univers et des sorcières, mais c’est à mon corps défendant! »

Des BD « pas pour filles »

Si la signature de Béatrice Tillier apparaît dans la longue liste des membres du nouveau Collectif contre le sexisme en BD, elle y adhère plus par principe que par expérience personnelle. « Depuis toujours, je lis de la BD « pas pour filles ». J’ai été très tôt attirée par des récits d’aventures, par les univers graphiques de Bourgeon, de Moebius, par le fantastique… Le dessin réaliste m’a tout de suite intéressée. Tout dépend de son caractère, de ses influences, de ses lectures, plus que de son sexe. Et je n’ai jamais eu de souci de discrimination, au contraire, j’ai pris ça pour un atout: être la seule fille dans une rangée d’hommes en dédicaces, ça vous sort un peu du lot. » Quant à savoir si son dessin et son univers s’avèrent naturellement plus féminins que ceux de ses collègues, Béatrice Tillier botte en touche, tout en admettant que « mon dessin touche parfois des personnes qui ne sont pas attirées par la fantasy« , et que « pas mal d’hommes me font dédicacer l’album au nom de leur femme« . « Si j’ai une voix naturellement différente, c’est aussi parce que j’essaie de sortir des clichés et des stéréotypes du genre, pour me rapprocher de sensations crédibles et réelles, malgré la magie. Il s’agit d’abord de faire passer une émotion.  »

LA COMPLAINTE DES LANDES PERDUES – CYCLE DES SORCIÈRES, TOME 1, DE BÉATRICE TILLIER ET JEAN DUFAUX. ÉDITIONS DARGAUD.

O.V.V.

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